Cité
du Vatican, 21 janvier 2016 (VIS). "Communication et
miséricorde, une rencontre féconde", tel est le titre choisi
par le Saint-Père pour son Message de la Journée mondiale des
communications sociales 2016. Le document porte la date du 24
janvier, fête de saint François de Sales, patron des journalistes.
En voici le texte intégral:
"L’Année
Sainte de la Miséricorde nous invite à réfléchir sur le rapport
entre communication et miséricorde. En effet l’Eglise, unie au
Christ, incarnation vivante de Dieu miséricordieux, est appelée à
vivre la miséricorde comme un trait distinctif de tout son être et
de tout son agir. Ce que nous disons et la manière dont nous le
disons, chaque parole et chaque geste, devrait pouvoir exprimer la
compassion, la tendresse et le pardon de Dieu pour tous. L’amour,
par nature, est communication, il conduit à s’ouvrir et non pas à
s’isoler. Et si notre cœur et nos gestes sont animés par la
charité, par l’amour divin, notre communication sera porteuse de
la force de Dieu. En tant qu’enfants de Dieu, nous sommes appelés
à communiquer avec tous, sans exclusion. En particulier, c’est le
propre du langage et des actions de l’Eglise que de transmettre la
miséricorde, en sorte de toucher les cœurs des personnes et de les
soutenir sur le chemin vers la plénitude de la vie que Jésus-Christ,
envoyé par le Père, est venu apporter à tous. Il s’agit
d’accueillir en nous et de répandre autour de nous la chaleur de
l’Eglise Mère, pour que Jésus soit connu et aimé. Et ce avec
cette chaleur qui donne consistance aux paroles de la foi et qui
allume dans la prédication et dans le témoignage l’étincelle qui
les rend vivantes".
"La
communication a le pouvoir de créer des ponts, de favoriser la
rencontre et l’inclusion, enrichissant ainsi la société. Comme il
est beau de voir des personnes engagées à choisir avec soin des
paroles et des gestes pour dépasser les incompréhensions, guérir
la mémoire blessée et construire la paix et l’harmonie. Les
paroles peuvent jeter des ponts entre les personnes et les familles,
les groupes sociaux et les peuples, que ce soit dans le domaine
physique ou dans le domaine numérique. Que les paroles et les
actions soient donc telles qu’elles nous aident à sortir des
cercles vicieux des condamnations et des vengeances, qui continuent à
piéger les individus et les nations, et qui conduisent à s’exprimer
avec des messages de haine. La parole du chrétien, au contraire, se
propose de faire grandir la communion et, même quand il faut
condamner le mal avec fermeté, elle cherche à ne jamais briser la
relation et la communication. Je voudrais donc inviter toutes les
personnes de bonne volonté à redécouvrir le pouvoir de la
miséricorde de guérir les relations déchirées, et de ramener la
paix et l’harmonie entre les familles et dans les communautés.
Nous savons tous de quelle manière les vieilles blessures et les
ressentiments peuvent piéger les personnes et les empêcher de
communiquer et de se réconcilier. Et ceci vaut aussi pour les
relations entre les peuples. Dans tous ces cas, la miséricorde est
capable de créer une nouvelle manière de parler et de dialoguer,
comme l’a ainsi très bien exprimé Shakespeare: La miséricorde
n’est pas une obligation. Elle descend du ciel comme la fraîcheur
de la pluie sur la terre. Elle est une double bénédiction. Elle
bénit celui qui la donne et celui qui la reçoit. Il est souhaitable
que le langage de la politique et de la diplomatie se laisse aussi
inspirer par la miséricorde, qui ne donne jamais rien pour perdu. Je
fais appel surtout à tous ceux qui ont des responsabilités
institutionnelles, politiques et dans la formation de l’opinion
publique, pour qu’ils soient toujours vigilants sur la manière de
s’exprimer envers celui qui pense ou agit autrement, et aussi
envers celui qui peut s’être trompé. Il est facile de céder à
la tentation d’exploiter de semblables situations et d’alimenter
ainsi les flammes de la défiance, de la peur, de la haine. Il faut
au contraire du courage pour orienter les personnes dans des
processus de réconciliation. Et c’est justement cette audace
positive et créative qui offre de vraies solutions à de vieux
conflits, et l’occasion de réaliser une paix durable. Bienheureux
les miséricordieux, parce qu’ils obtiendront miséricorde.
Bienheureux les artisans de paix, parce qu’ils seront appelés fils
de Dieu".
"Comme
je voudrais que notre manière de communiquer, et aussi notre service
de pasteurs dans l’Eglise, n’exprime jamais l’orgueil fier du
triomphe sur un ennemi, ni n’humilie ceux que la mentalité du
monde considère comme perdants et à rejeter! La miséricorde peut
aider à tempérer les adversités de la vie et à offrir de la
chaleur à tous ceux qui ont seulement connu la froideur du jugement.
Que le style de notre communication soit en mesure de dépasser la
logique qui sépare nettement les pécheurs des justes. Nous pouvons
et devons juger des situations de péché, de violence, corruption
ou exploitation, mais nous ne pouvons pas juger les personnes, parce
que seul Dieu peut lire en profondeur dans leur cœur. C’est notre
devoir d’avertir celui qui se trompe, en dénonçant la méchanceté
et l’injustice de certains comportements, afin de libérer les
victimes et de soulager celui qui est tombé. L’Evangile de Jean
nous rappelle que la vérité nous rendra libres. Cette vérité est,
en définitive, le Christ lui-même, dont la douce miséricorde est
la mesure de notre manière d’annoncer la vérité et de condamner
l’injustice. C’est notre principal devoir d’affirmer la vérité
avec amour. Seules les paroles prononcées avec amour et accompagnées
de douceur et de miséricorde touchent les cœurs des pécheurs que
nous sommes. Des paroles et des gestes durs ou moralisants risquent
d’aliéner plus tard ceux que nous voudrions conduire à la
conversion et à la liberté, en renforçant leur sens du refus et de
la défense. Certains pensent qu’une vision de la société
enracinée dans la miséricorde serait de façon injustifiée
idéaliste ou excessivement indulgente. Mais essayons de repenser à
nos premières expériences de relations au sein de la famille. Nos
parents nous ont aimés et appréciés pour ce que nous sommes, plus
que pour nos capacités et nos succès. Les parents veulent
naturellement le meilleur pour leurs enfants, mais leur amour n’est
jamais conditionné par le fait d’atteindre des objectifs. La
maison paternelle est le lieu où tu es toujours accueilli. Je
voudrais vous encourager tous à penser la société humaine non
comme un espace où des étrangers rivalisent et cherchent à
dominer, mais plutôt comme une maison ou une famille, où la porte
est toujours ouverte et où l’on cherche à s’accueillir
réciproquement. C’est pourquoi il est fondamental d’écouter.
Communiquer signifie partager, et le partage exige l’écoute,
l’accueil. Ecouter est beaucoup plus qu’entendre. Entendre
concerne le domaine de l’information. Ecouter, en revanche, renvoie
à celui de la communication, et exige la proximité. L’écoute
nous permet d’avoir l’attitude juste, en sortant de la condition
tranquille de spectateurs, d’auditeurs, de consommateurs. Ecouter
signifie aussi être capable de partager des questions et des doutes,
de faire un chemin côte à côte, de s’affranchir de toute
présomption de toute-puissance et de mettre humblement ses capacités
et ses dons au service du bien commun. Ecouter n’est jamais facile.
Parfois il est plus confortable de faire le sourd. Ecouter signifie
prêter attention, avoir le désir de comprendre, de valoriser,
respecter, garder la parole de l’autre. Dans l’écoute une sorte
de martyre se consume, un sacrifice de soi-même dans lequel le geste
sacré accompli par Moïse devant le buisson ardent se renouvelle:
Retirer ses sandales sur la terre sainte de la rencontre avec l’autre
qui me parle. Savoir écouter est une grâce immense, c’est un don
qu’il faut invoquer pour ensuite s’exercer à le pratiquer".
"Les
e-mail, sms, réseaux sociaux, chat peuvent, eux aussi, être des
formes de communication pleinement humaines. Ce n’est pas la
technologie qui décide si la communication est authentique ou non,
mais le cœur de l’homme et sa capacité de bien user des moyens
mis à sa disposition. Les réseaux sociaux sont capables de
favoriser les relations et de promouvoir le bien de la société,
mais ils peuvent aussi conduire plus tard à des polarisations et des
divisions entre les personnes et les groupes. Le domaine numérique
est une place, un lieu de rencontre, où l’on peut caresser ou
blesser, avoir une discussion profitable ou faire un lynchage moral.
Je prie pour que l’Année jubilaire vécue dans la miséricorde
nous rende plus ouverts au dialogue pour mieux nous connaître et
nous comprendre. Qu’elle chasse toute forme de fermeture et de
mépris. Qu’elle repousse toute forme de violence et de
discrimination. Une véritable citoyenneté se construit aussi en
réseau. L’accès aux réseaux numériques comporte une
responsabilité pour l’autre, que nous ne voyons pas mais qui est
réel, il a sa dignité qui doit être respectée. Le réseau peut
être bien utilisé pour faire grandir une société saine et ouverte
au partage. La communication, ses lieux et ses instruments, ont
comporté un élargissement des horizons pour beaucoup de personnes.
C’est un don de Dieu, et c’est aussi une grande responsabilité.
J’aime définir ce pouvoir de la communication comme proximité. La
rencontre entre la communication et la miséricorde est féconde dans
la mesure où elle génère une proximité qui prend soin,
réconforte, guérit, accompagne et fait la fête. Dans un monde
divisé, fragmenté, polarisé, communiquer avec miséricorde
signifie contribuer à la bonne, libre et solide proximité entre les
enfants de Dieu et les frères en humanité".
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