Cite
du Vatican, 23 janvier 2014 (VIS). "La communication au service
d’une authentique culture de la rencontre", tel est le titre
du message du Pape François pour la 48 Journée mondiale des
communications sociales (1 juin prochain). Voici le texte portant la
date du 24 janvier, fête de saint François de Sales, patron de la
presse catholique:
"Nous
vivons dans un monde de plus en plus petit où il semblerait alors
facile de se faire proches les uns des autres. Le développement des
transports et des technologies de communication nous rapprochent,
nous connectant toujours plus, et la mondialisation nous rend
interdépendants. Cependant, au sein de l'humanité persistent des
divisions, parfois très marquées. Au niveau mondial, nous voyons
l'écart scandaleux entre le luxe des plus riches et la misère des
plus pauvres. Souvent il suffit d'aller dans les rues d'une ville
pour voir le contraste entre les personnes vivant sur les trottoirs
et les lumières étincelantes des boutiques. Nous y sommes tellement
habitués que cela ne nous frappe plus. Le monde souffre de
nombreuses formes d'exclusion, de marginalisation et de pauvreté,
ainsi que de conflits où se mélangent les causes économiques,
politiques, idéologiques et, malheureusement, même religieuses.
Dans ce monde, les médias peuvent contribuer à nous faire sentir
plus proches les uns des autres; à nous faire percevoir un sens
renouvelé de l'unité de la famille humaine, qui pousse à la
solidarité et à l'engagement sérieux pour une vie plus digne. Bien
communiquer nous aide à nous rapprocher et à mieux nous connaître
les uns les autres, à être plus unis. Les murs qui nous divisent ne
peuvent être surmontés que si nous sommes prêts à nous écouter
et à apprendre les uns des autres. Nous avons besoin de régler les
différences à travers des formes de dialogue qui nous permettent de
grandir dans la compréhension et le respect. La culture de la
rencontre exige que nous soyons disposés non seulement à donner,
mais aussi à recevoir des autres. Les médias peuvent nous aider
dans ce domaine, surtout aujourd'hui, alors que les réseaux de
communication humaine ont atteint une évolution extraordinaire. En
particulier, l'Internet peut offrir plus de possibilités de
rencontre et de solidarité entre tous, et c'est une bonne chose,
c’est un don de Dieu. Il y a cependant des aspects problématiques:
La vitesse de l’information dépasse notre capacité de réflexion
et de jugement et ne permet pas une expression de soi mesurée et
correcte. La variété des opinions exprimées peut être perçue
comme une richesse, mais il est également possible de s’enfermer
dans une sphère d'informations qui correspondent seulement à nos
attentes et à nos idées, ou même à des intérêts politiques et
économiques déterminés. L'environnement communicatif peut nous
aider à grandir ou, au contraire, à nous désorienter. Le désir de
connexion numérique peut finir par nous isoler de notre prochain, de
nos plus proches voisins. Sans oublier ceux qui, pour diverses
raisons, n'ont pas accès aux médias sociaux, et risquent d'être
exclus. Ces limites sont réelles, pourtant elles ne sauraient
justifier un rejet des médias sociaux. Elles nous rappellent plutôt
que la communication est, en définitive, une conquête plus humaine
que technologique. Par conséquent, qu’est-ce qui nous aide dans
l'environnement numérique à grandir en humanité et dans la
compréhension mutuelle ? Par exemple, nous devons retrouver un
certain sens de la lenteur et du calme. Ce qui demande du temps et la
capacité de faire silence pour écouter. Nous avons également
besoin d’être patients si nous voulons comprendre celui qui est
différent de nous : la personne s'exprime pleinement non pas quand
elle est simplement tolérée, mais lorsqu’elle se sait vraiment
accueillie. Si nous désirons vraiment écouter les autres, alors
nous apprendrons à regarder le monde avec des yeux différents, et à
apprécier l'expérience humaine comme elle se manifeste dans
différentes cultures et traditions. Mais nous saurons également
mieux apprécier les grandes valeurs inspirées par le christianisme,
comme la vision de l'homme en tant que personne, le mariage et la
famille, la distinction entre la sphère religieuse et la sphère
politique, les principes de solidarité et de subsidiarité et bien
d'autres.
Comment
la communication peut-elle être au service d'une authentique culture
de la rencontre? Et pour nous, les disciples du Seigneur, que
signifie rencontrer une personne selon l'Evangile? Comment est-il
possible, malgré toutes nos limites et nos péchés, d’être
vraiment proches les uns des autres? Ces questions se résument à
celle qu'un jour, un scribe c'est-à-dire un communicateur, posa à
Jésus: Et qui est mon prochain. Cette question nous permet de
comprendre la communication en termes de proximité. Nous pourrions
la traduire ainsi: Comment se manifeste la proximité dans
l'utilisation des moyens de communication et dans le nouvel
environnement créé par les technologies numériques? Je trouve une
réponse dans la parabole du Bon Samaritain, qui est aussi une
parabole du communicateur. Celui qui communique, en effet, se fait
proche. Et le bon Samaritain non seulement se fait proche, mais il
prend en charge cet homme qu’il voit à moitié mort sur le bord de
la route. Jésus renverse la perspective: Il ne s’agit pas de
reconnaître l'autre comme mon semblable, mais de ma capacité de me
faire semblable à l’autre. Communiquer signifie alors prendre
conscience d’être humains, enfants de Dieu. J’aime définir ce
pouvoir de la communication comme proximité. Lorsque la
communication est destinée avant tout à pousser à la consommation
ou à la manipulation des personnes, nous sommes confrontés à une
agression violente comme celle subie par l'homme blessé par les
brigands et abandonné au bord de la route, comme nous le lisons dans
la parabole. En lui le lévite et le prêtre ne considèrent pas leur
prochain, mais un étranger dont il valait mieux se tenir à
distance. À ce moment, ce qui les conditionnait, c’étaient les
règles de pureté rituelle. Aujourd'hui, nous courons le risque que
certains médias nous conditionnent au point de nous faire ignorer
notre véritable prochain. Il ne suffit pas de passer le long des
routes numériques, c'est à dire simplement d’être connecté, il
est nécessaire que la connexion s'accompagne d’une rencontre
vraie. Nous ne pouvons pas vivre seuls, renfermés sur nous-mêmes.
Nous avons besoin d'aimer et d’être aimés. Nous avons besoin de
tendresse. Ce ne sont pas les stratégies de communication qui en
garantissent la beauté, la bonté et la vérité. D'ailleurs le
monde des médias ne peut être étranger au souci pour l'humanité,
et il a vocation à exprimer la tendresse. Le réseau numérique peut
être un lieu plein d'humanité, pas seulement un réseau de fils,
mais de personnes humaines. La neutralité des médias n'est
qu'apparente: Seul celui qui communique en se mettant soi-même en
jeu peut représenter un point de référence. L’implication
personnelle est la racine même de la fiabilité d'un communicateur.
Pour cette raison, le témoignage chrétien, grâce au réseau, peut
atteindre les périphéries existentielles. Je le répète souvent:
Entre une Eglise accidentée qui sort dans la rue, et une Eglise
malade d’auto-référentialité, je n’ai pas de doutes. Je
préfère la première. Et les routes sont celles du monde où les
gens vivent, où l’on peut les rejoindre effectivement et
affectivement. Parmi ces routes, il y a aussi les routes numériques,
bondées d'humanité, souvent blessée : hommes et femmes qui
cherchent un salut ou une espérance. Aussi grâce au réseau, le
message chrétien peut voyager jusqu'aux extrémités de la terre.
Ouvrir les portes des églises signifie aussi les ouvrir dans
l'environnement numérique, soit pour que les gens entrent, quelles
que soient les conditions de vie où ils se trouvent, soit pour que
l'Evangile puisse franchir le seuil du temple et sortir à la
rencontre de tous. Nous sommes appelés à témoigner d’une Église
qui soit la maison de tous. Sommes-nous en mesure de communiquer le
visage d'une telle Eglise? La communication contribue à façonner la
vocation missionnaire de l'Eglise tout entière, et les réseaux
sociaux sont aujourd'hui l'un des endroits pour vivre cet appel à
redécouvrir la beauté de la foi, la beauté de la rencontre avec le
Christ. Même dans le contexte de la communication il faut une Eglise
qui réussisse à apporter de la chaleur, à embraser le cœur. Le
témoignage chrétien ne se réalise pas avec le bombardement de
messages religieux, mais avec la volonté de se donner soi-même aux
autres à travers la disponibilité à s'impliquer avec patience et
respect dans leurs questions et leurs doutes, sur le chemin de la
recherche de la vérité et du sens de l'existence humaine. Pensons à
l'épisode des disciples d'Emmaüs. Il faut savoir entrer en dialogue
avec les hommes et les femmes d'aujourd'hui, pour en comprendre les
attentes, les doutes, les espoirs, et leur proposer l'Evangile, c’est
à dire Jésus Christ, Dieu fait homme, mort et ressuscité pour nous
libérer du péché et de la mort. Le défi nécessite profondeur,
attention à la vie, sensibilité spirituelle. Dialoguer signifie
être convaincu que l'autre a quelque chose de bon à dire, faire de
la place à son point de vue, à ses propositions. Dialoguer ne
signifie pas renoncer à ses propres idées et traditions, mais à la
prétention qu’elles soient uniques et absolues.
Que
l'icône du bon Samaritain, qui soigne les blessures de l'homme
blessé en y versant de l’huile et du vin, soit notre guide. Que
notre communication soit une huile parfumée pour la douleur et le
bon vin pour l’allégresse. Notre rayonnement ne provient pas de
truquages ou d'effets spéciaux, mais de notre capacité de nous
faire proche de toute personne blessée que nous rencontrons le long
de la route, avec amour, avec tendresse. N'ayez pas peur de devenir
les citoyens du territoire numérique. L'attention et la présence de
l’Eglise sont importantes dans le monde de la communication, pour
dialoguer avec l'homme d'aujourd'hui et l'amener à rencontrer le
Christ: Une Eglise qui accompagne le chemin, sait se mettre en marche
avec tous. Dans ce contexte, la révolution des moyens de
communication et de l'information est un grand et passionnant défi,
qui requiert des énergies fraîches et une nouvelle imagination pour
transmettre aux autres la beauté de Dieu".
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