Cité
du Vatican, 3 février 2015 (VIS). Hier
après-midi, fête de la Présentation et Journée
mondiale de la vie consacrée, le Saint-Père a célébré la messe
en la Basilique vaticane pour les instituts de vie consacrée et les
sociétés de vie apostolique. Elle a été précédée par la
traditionnelle bénédiction des cierges et la procession. A
l'homélie, le Pape François a développé les qualités requises
pour une relance de la mission spécifique des religieux et consacrés
au sein de l'Eglise et dans la société:
"Nous
regardons avec les yeux de l’esprit l’icône de la Mère, Marie
qui marche avec l’Enfant-Jésus dans les bras. Elle l’introduit
dans le Temple, elle l’introduit dans le peuple, elle le porte à
la rencontre de son peuple. Les bras de la Mère sont comme une
échelle par laquelle le Fils de Dieu descend vers nous, l’échelle
de la complaisance de Dieu. Nous l’avons entendu dans la première
lecture, le Christ s’est rendu en tout semblable à ses frères,
pour devenir un grand prêtre miséricordieux et digne de foi. C’est
le double chemin de Jésus, qui est descendu pour être comme nous,
puis est monté vers le Père avec nous, nous rendant comme lui. Nous
pouvons contempler ce double mouvement, en imaginant la scène
évangélique de Marie qui entre dans le Temple avec l’Enfant dans
les bras. La Vierge marche, mais c’est le Fils qui marche devant
elle. Elle le porte, mais c’est lui qui la porte, elle, sur ce
chemin de Dieu qui vient à nous afin que nous puissions aller à
lui. Jésus a parcouru la route de l'homme
pour nous indiquer la route nouvelle, c’est-à-dire le chemin
nouveau et vivant qu’il est. Et pour nous, consacrés, c’est
l’unique route que, concrètement et sans alternative, nous devons
parcourir avec joie et persévérance.
L’Evangile
insiste cinq fois sur l’obéissance de Marie et de Joseph à la loi
du Seigneur. Jésus n’est pas venu pour faire sa volonté, mais la
volonté du Père... Ainsi, celui qui suit Jésus se met sur le
chemin de l’obéissance, imitant la complaisance du Seigneur,
s’abaissant et faisant sienne la volonté du Père jusqu’à
l’anéantissement et à l’humiliation de lui-même. Pour un
religieux, progresser signifie s’abaisser dans le service, c’est
à dire faire le même chemin que Jésus, qui ne retint pas
jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. S’abaisser en se
faisant serviteur pour servir. Et cette
route prend la forme de la règle, empreinte du charisme du
fondateur, sans oublier que la règle irremplaçable, pour tous, est
toujours l’Evangile. L’Esprit, dans sa créativité infinie,
l’exprime aussi dans les diverses règles de vie consacrée qui
naissent toutes de la Sequela Christi, et pour mieux dire de ce
chemin de s’abaisser en servant. A travers cette loi les religieux
et consacrés peuvent atteindre la sagesse, qui n’est pas une
attitude abstraite mais est œuvre et don de l’Esprit. Et un signe
évident de cette sagesse c’est la joie. Oui, la joie évangélique
du religieux est une conséquence du chemin d’abaissement avec
Jésus. Ainsi, lorsque nous sommes tristes, cela nous fera du bien de
nous demander comment nous vivons cette dimension de Kénose. Dans
le récit de la Présentation, la sagesse est
représentée par deux personnes âgées, Siméon et Anne, dociles à
l’Esprit et guidés par lui. Le Seigneur leur a donné la sagesse à
travers un long chemin dans la voie de l’obéissance à sa loi.
Obéissance qui, d’une part, humilie et anéantit, mais d’autre
part, allume et conserve l’espérance, les faisant créatifs, parce
qu’ils étaient remplis d’Esprit. Ils célèbrent aussi une sorte
de liturgie autour de l’Enfant qui entre dans le Temple: Siméon
loue le Seigneur et Anne prêche le salut. Comme dans le cas de
Marie, le vieillard Siméon prend aussi l’enfant, dans ses bras,
mais, en réalité, c’est l’enfant qui le saisit et le conduit...
Aussi bien Marie, la jeune mère, que Siméon, le grand-père âgé,
portent l’enfant dans leurs bras, mais c’est l’enfant lui-même
qui les conduit tous les deux. Dans ce récit, les acteurs ne sont
pas des jeunes, mais des anciens. Les jeunes, comme Marie et Joseph,
suivent la loi du Seigneur sur la voie de l’obéissance, tandis que
les anciens, comme Siméon et Anne, voient dans l’enfant,
l’accomplissement de la Loi et des promesses de Dieu. Et ils sont
capables de faire la fête, créatifs dans la joie, dans la sagesse.
Cependant,
le Seigneur transforme l’obéissance en sagesse, par l’action de
son Saint Esprit. Parfois Dieu peut aussi
accorder le don de la sagesse à un jeune inexpérimenté, il suffit
qu’il soit disponible à parcourir la voie de l’obéissance et de
la docilité à l’Esprit. Cette obéissance et cette docilité ne
sont pas un fait théorique, mais elles se soumettent à la logique
de l’incarnation du Verbe. C'est la docilité et l'obéissance à
un fondateur, la docilité et l'obéissance à une règle concrète,
la docilité et l'obéissance à un supérieur, la docilité et
l'obéissance à l’Eglise. Il s’agit de docilité et d’obéissance
concrètes. C'est au long de ce chemin persévérant de
l’obéissance que mûrit la sagesse personnelle
et communautaire, qu'il devient possible de rapporter les règles aux
temps. Le véritable Aggiornamento, en effet, est œuvre de la
sagesse, façonnée dans la docilité et l’obéissance. Le
raffermissement et le renouveau de la vie consacrée arrivent par un
grand amour de la règle, et aussi par la capacité de contempler et
d’écouter les aînés de la congrégation. Ainsi, l'héritage et
le charisme de chaque famille religieuse sont-ils gardés par
l’obéissance et par la sagesse. Et, à travers ce chemin, nous
sommes préservés de vivre notre consécration d’une façon light,
d’une façon désincarnée, comme si c’était une gnose, qui
réduirait la vie religieuse à une caricature dans laquelle
s’effectue une Sequela sans renoncement, une prière sans
rencontre, une vie fraternelle sans communion, une obéissance sans
confiance et une charité sans transcendance.
Nous
aussi aujourd’hui, comme Marie et comme Siméon, nous voulons
prendre Jésus dans nos bras afin qu’il rencontre son peuple, et
certainement, nous l’obtiendrons seulement si nous nous laissons
saisir par le mystère du Christ. Conduisons le peuple à Jésus en
nous laissant à notre tour conduire par lui. C’est ce que nous
devons être, des guides guidés. Que le Seigneur, par
l’intercession de Marie notre Mère, de saint
Joseph et des saints Siméon et Anne, nous accorde tout ce que nous
lui avons demandé dans la prière de la collecte, de nous présenter
devant lui, avec une âme purifiée".