Cité
du Vatican, 26 septembre (VIS). Hier à New York, le Saint-Père a
prononcé un discours devant l'Assemblée générale de
l’Organisation des Nations-Unies. Le Saint-Siège y est Observateur
permanent depuis 1964 et le Pape François est le quatrième à s'y
rendre Avant d'être introduit dans l'hémicycle. Après un entretien
en privé avec le Secrétaire Général Ban-Ki-Moon, il a salué le
personnel du siège central de l'ONU, "hommes
et femmes qui sont, de maintes manières, la colonne vertébrale"
de l'institution internationale. Le travail
que vous accomplissez est largement inconnu du grand public. Or "vos
efforts quotidiens rendent possibles beaucoup d’initiatives
diplomatiques, culturelles, économiques et politiques... Vous êtes
des experts et des personnes de terrain expérimentées, des cadres
et des secrétaires, des traducteurs et des interprètes, des agents
d’entretien et des cuisiniers, personnel de maintenance et de
sécurité. Merci pour tout ce que vous faites". Venus de pays
très divers, "vous constituez un microcosme des peuples que
l'ONU représente et cherche à servir... Soyez proches les uns des
autres, respectez-vous les uns les autres, et donnez ainsi corps
entre vous à l’idéal de cette organisation d’une famille
humaine unie, vivant en harmonie, travaillant non seulement pour la
paix, mais dans la paix, travaillant non seulement pour la justice,
mais dans un esprit de justice". Le Pape a ensuite rencontré en
forme privée les Présidents des 69 et 70 sessions de l'Assemblée
et le Président du Conseil de sécurité. Puis il est monté à la
tribune de l'Assemblée générale pour prononcer le discours
suivant:
C’est
donc la cinquième fois qu’un Pape fait une visite au siège des
Nations-Unies: Paul VI en 1965, Jean-Paul II en 1979 et en 1995, et
Benoît XVI en 2008. "Aucun d’eux n’a été avare
d’expressions de reconnaissance pour l’organisation, la
considérant comme la réponse juridique et politique appropriée au
moment historique caractérisé par le dépassement technologique des
distances et des frontières et, apparemment, par le dépassement de
toute limite naturelle de l’affirmation du pouvoir. Une réponse
indispensable puisque le pouvoir technologique, aux mains
d’idéologies nationalistes et faussement universalistes, est
capable de provoquer de terribles atrocités. Je ne peux que
m’associer à l’appréciation de mes prédécesseurs, en
réaffirmant l’importance que l’Eglise catholique accorde à
cette institution et l’espérance qu’elle met dans son action.
L’histoire de la communauté organisée des Etats...qui célèbre
ces jours-ci son 70 anniversaire, est faite d’importants succès
communs, dans une période d’accélération inhabituelle des
événements. Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut
mentionner la codification et le développement du droit
international, la construction de la législation internationale des
droits humains, le perfectionnement du droit humanitaire, la
résolution de nombreux conflits ainsi que des opérations de paix et
de réconciliation, et tant d’autres acquis dans tous les domaines
de portée internationale de l’activité humaine. Toutes ces
réalisations sont des lumières en contraste avec l’obscurité du
désordre causé par les ambitions incontrôlées et par les égoïsmes
collectifs. Certes, les graves problèmes non résolus sont encore
nombreux, mais il est évident que si toute cette activité
internationale avait manqué, l’humanité pourrait n’avoir pas
survécu à l’utilisation incontrôlée de ses propres
potentialités. Chacun de ces progrès politiques, juridiques et
techniques est un chemin d’accomplissement de l’idéal de
fraternité humaine et un moyen pour sa plus grande réalisation...
Au-delà de tous les acquis, l’expérience de
ces 70 années montre que la réforme et l’adaptation aux temps est
toujours nécessaire, progressant vers l’objectif ultime d’accorder
à tous les peuples, sans exception, une participation et une
incidence réelle et équitable dans les décisions. Cette nécessité
de plus d’équité vaut en particulier pour les corps dotés d’une
capacité d’exécution effective, comme c’est le cas du Conseil
de sécurité, des organismes financiers et des groupes ou mécanismes
spécialement créés pour affronter les crises économiques. Cela
aidera à limiter tout genre d’abus et d’usure surtout par
rapport aux pays en voie de développement. Les organismes financiers
Internationaux doivent veiller au développement durable des pays, et
à ce qu’ils ne soient pas soumis, de façon asphyxiante, à des
systèmes de crédits qui, loin de promouvoir le progrès,
assujettissent les populations à des mécanismes de plus grande
pauvreté, d’exclusion et de dépendance".
"Le
travail des Nations-Unies, à partir des postulats du préambule et
des premiers articles de sa Charte constitutionnelle, peut être
considéré comme le développement et la promotion de la primauté
du droit, étant entendu que la justice est une condition
indispensable pour atteindre l’idéal de la fraternité
universelle. Dans ce contexte, il faut rappeler que la limitation du
pouvoir est une idée implicite du concept de droit. Donner à chacun
ce qui lui revient, en suivant la définition classique de la
justice, signifie qu’aucun individu ou groupe humain ne peut se
considérer tout-puissant, autorisé à passer par-dessus la dignité
et les droits des autres personnes physiques ou de leurs
regroupements sociaux. La distribution de fait du pouvoir, qu'il soit
politique, économique, sécuritaire, technologique, ou autre, entre
une pluralité de sujets ainsi que la création d’un système
juridique de régulation des prétentions et des intérêts,
concrétise sa limitation. Le panorama mondial présente cependant
aujourd'hui beaucoup de faux droits, et à la fois de grands secteurs
démunis, victimes d’un mauvais exercice du pouvoir. Je pense à
l’environnement ainsi qu'au le vaste monde des exclus. Ce sont deux
secteurs intimement liés entre eux, que les relations politiques et
économiques prépondérantes ont fragilisés. Voilà pourquoi il
faut affirmer avec force leurs droits, en renforçant la protection
de l’environnement et en mettant un terme à l’exclusion.
Avant tout, il faut affirmer qu’il existe un
vrai droit de l’environnement pour un double motif. En premier
lieu, parce que nous, les êtres humains, nous faisons partie de
l’environnement. Nous vivons en communion avec lui, car
l’environnement comporte des limites éthiques que l’action
humaine doit reconnaître et respecter. L’homme, même s’il est
doté de capacités inédites qui montrent une singularité qui
transcende le domaine physique et biologique, est en même temps une
portion de cet environnement. Il a un corps composé d’éléments
physiques, chimiques et biologiques, et il peut survivre et se
développer seulement si l’environnement écologique lui est
favorable. Toute atteinte à l’environnement, par conséquent, est
une atteinte à l’humanité. En second lieu, parce que chacune des
créatures, surtout les créatures vivantes, a une valeur en soi,
d’existence, de vie, de beauté et d’interdépendance avec les
autres créatures. Nous les chrétiens, avec les autres religions
monothéistes, nous croyons que l’Univers provient d’une décision
d’amour du Créateur, qui permet à l’homme de se servir, avec
respect, de la création pour le bien de ses semblables et pour la
gloire du Créateur. Mais l’homme ne peut abuser de la création et
encore moins n’est autorisé à la détruire. Pour toutes les
croyances religieuses l’environnement est un bien fondamental. La
surexploitation et la destruction de l’environnement sont en même
temps accompagnés par un processus implacable d’exclusion. En
effet, la soif égoïste et illimitée de pouvoir et de bien-être
matériel conduit autant à abuser des ressources matérielles
disponibles qu’à exclure les faibles et les personnes ayant moins
de capacités, soit parce que dotées de capacités différentes (les
handicapés), soit parce que privées des connaissances et des
instruments techniques adéquats, ou encore parce qu’ayant une
capacité insuffisante de décision politique. L’exclusion
économique et sociale est une négation totale de la fraternité
humaine et une très grave atteinte aux droits humains et à
l’environnement. Les plus pauvres sont ceux qui souffrent le plus
de ces atteintes pour un triple motif grave. Ils sont marginalisés
par la société, ils sont en même temps obligés de vivre des
restes, et ils doivent subir injustement les conséquences des abus
sur l’environnement. Ces phénomènes constituent la culture de
déchet aujourd’hui si répandue et inconsciemment renforcée. Le
drame de l’exclusion et de l’injustice, avec toute ses
conséquences, me conduit, avec tout le peuple chrétien et avec tant
d’autres, à prendre conscience aussi de ma grave responsabilité.
Pour cette raison, je me joins à tous ceux qui souhaitent des
solutions urgentes et efficaces. L’adoption de l'Agenda 2030 pour
le développement durable au Sommet mondial, qui commence
aujourd’hui, est un signe important d’espérance. J’espère que
la Conférence de Paris sur le changement climatique aboutira à des
accords fondamentaux et efficaces".
"Ceci
dit, les engagements assumés solennellement ne suffisent pas, même
s’ils constituent un pas nécessaire aux solutions. La définition
classique de la justice, à laquelle je me suis référé plus haut,
contient comme élément essentiel une volonté constante et
permanente. Le monde réclame de tous les gouvernants une volonté
effective, pratique, constante, des pas concrets et des mesures
immédiates, pour préserver et améliorer l’environnement naturel
et vaincre le plus tôt possible le phénomène de l’exclusion
sociale et économique, avec ses tristes conséquences de traites
d’êtres humains, de commerce d’organes et de tissus humains,
d’exploitation sexuelle d’enfants, de travail esclave, y compris
la prostitution, de trafic de drogues et d’armes, de terrorisme et
de crime international organisé. L’ampleur de ces situations et le
nombre de vies innocentes qu’elles sacrifient sont tels que nous
devons éviter toute tentation de tomber dans un nominalisme de
déclarations à effet tranquillisant sur les consciences. Nous
devons veiller à ce que nos institutions soient réellement
efficaces dans la lutte contre tous ces fléaux. La
multiplicité et la complexité des problèmes exigent de compter sur
des instruments techniques de mesure. Cela, cependant, comporte un
double danger: Se limiter au travail bureaucratique consistant à
rédiger de longues listes de bonnes intentions, objectifs et
statistiques, ou bien croire qu’une unique solution théorique et
aprioriste donnera une réponse à tous les défis. A aucun moment,
il ne faut oublier que l’action politique et économique est
efficace seulement lorsqu’on l’entend comme une activité
prudentielle, guidée par un concept immuable de justice, et qui ne
perd jamais de vue, qu’avant et au-delà des plans comme des
programmes il y a des femmes et des hommes concrets, égaux aux
gouvernants, qui vivent, luttent et souffrent, et qui bien des fois
se voient obligés de vivre dans la misère, privés de tout droit.
Pour que tant de personnes concrètes puissent échapper à l’extrême
pauvreté, il faut leur permettre d’être de dignes acteurs de leur
propre destin. Le développement humain intégral et le plein
exercice de la dignité humaine ne peuvent être imposés. Ils
doivent être édifiés et déployés par chacun, par chaque famille,
en communion avec les autres hommes, et dans une juste relation avec
tous les cercles où se développe la société humaine, amis et
communautés, villages et communes, écoles, entreprises et
syndicats, etc... Cela suppose et exige le droit à l’éducation,
également pour les filles qui en sont exclues dans certains pays),
droit qui est assuré en premier lieu par le respect et le
renforcement du droit primordial de la famille à éduquer, et le
droit des Eglises comme des regroupements sociaux à soutenir et à
collaborer avec les familles dans la formation de leurs filles et de
leurs fils. L’éducation, ainsi conçue, est la base pour la
réalisation de l’Agenda 2030 et pour sauver l’environnement".
"En
même temps, les gouvernants doivent faire tout leur possible afin
que tous puissent avoir les conditions matérielles et spirituelles
minimum pour exercer leur dignité, comme pour fonder et entretenir
une famille qui est la cellule de base de tout développement social.
Ce minimum absolu a, sur le plan matériel, trois noms: Toit, travail
et terre, et un autre sur le plan spirituel: Liberté de pensée, qui
comprend la liberté religieuse, le droit à l’éducation et les
autres droits civiques. Pour toutes ces
raisons, la mesure et l’indicateur les plus simples et les plus
adéquats de l’exécution du nouvel Agenda pour le développement
seront l’accès effectif, pratique et immédiat, de tous, aux biens
matériels et spirituels indispensables que sont le logement, un
travail digne et convenablement rémunéré, une alimentation
adéquate et l'accès à l'eau potable, mais aussi la liberté
religieuse, la liberté de pensée et éducation. Ces piliers du
développement humain intégral ont un fondement commun, qui est le
droit à la vie, et, plus généralement, ce que nous pourrions
appeler le droit à l’existence de la nature humaine elle-même".
"La
crise écologique, avec la destruction d’une bonne partie de la
biodiversité, peut mettre en péril l’existence même de l’espèce
humaine. Les conséquences néfastes d’une mauvaise gestion
irresponsable de l’économie mondiale, guidée seulement par
l’ambition du profit et du pouvoir, doivent être un appel à une
sérieuse réflexion sur l’homme: L’homme
n’est pas seulement une liberté qui se crée de soi. L’homme ne
se crée pas lui-même. Il est esprit et volonté, mais il est aussi
nature. La création subit des préjudices là où nous-mêmes sommes
les dernières instances. Le gaspillage des ressources de la création
commence là où nous ne reconnaissons plus aucune instance au-dessus
de nous, mais ne voyons plus que nous-mêmes. C’est pourquoi, la
défense de l’environnement et la lutte contre l’exclusion
exigent la reconnaissance d’une loi morale inscrite dans la nature
humaine elle-même, qui comprend la distinction naturelle entre homme
et femme, et le respect absolu de la vie à toutes ses étapes et
dans toutes ses dimensions. Sans la reconnaissance de certaines
limites éthiques naturelles à ne pas franchir, et sans la
concrétisation immédiate de ces piliers du développement humain
intégral, l’idéal de préserver les générations futures du
fléau de la guerre et de favoriser le progrès social et instaurer
de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande court
le risque de se transformer en un mirage inaccessible ou, pire
encore, en paroles vides qui servent d’excuse à tous les abus et à
toutes les corruptions, ou pour promouvoir une colonisation
idéologique à travers l’imposition de modèles et de styles de
vie anormaux, étrangers à l’identité des peuples et, en dernier
ressort, irresponsables. La guerre est la
négation de tous les droits et une agression dramatique contre
l’environnement. Si l’on veut un vrai développement humain
intégral pour tous, on doit poursuivre inlassablement l’effort
pour éviter la guerre entre les nations et entre les peuples.
A cette fin, il faut assurer l’incontestable
état de droit et le recours inlassable à la négociation, aux bons
offices et à l’arbitrage, comme proposé par la Charte des
Nations-Unies, vraie norme juridique fondamentale. L’expérience
des 70 ans d’existence des Nations Unies, en général, et en
particulier l’expérience des 15 premières années du troisième
millénaire montrent aussi bien l’efficacité de la pleine
application des normes internationales que l’inefficacité de leur
inobservance. Si l’on respecte et applique la Charte dans la
transparence et en toute sincérité, sans arrière-pensées, comme
point de référence obligatoire de justice et non comme instrument
pour masquer des intentions inavouées, on obtient des résultats de
paix. En revanche, lorsqu’on confond la norme avec un simple
instrument, à utiliser quand cela convient et à éviter dans le cas
contraire, on ouvre une véritable boîte de Pandore de forces
incontrôlables, qui nuisent gravement aux populations démunies, à
l’environnement culturel, voire à l’environnement biologique.
Le préambule et le premier article de la Charte
montrent quels sont les ciments de la construction juridique
internationale: La paix, la résolution pacifique des conflits et le
développement de relations d’amitié entre les nations. La
tendance toujours actuelle à la prolifération des armes,
spécialement les armes de destruction massive comme les armes
nucléaires, contraste fortement avec ces affirmations et les nie
dans la pratique. Une éthique et un droit fondés sur la menace de
destruction mutuelle et probablement de toute l’humanité sont
contradictoires et constituent une manipulation de toute la
construction des Nations-Unies, qui finiraient par être des nations
unies par la peur et la méfiance. Il faut œuvrer pour un monde sans
armes nucléaires, en appliquant pleinement l’esprit et la lettre
du Traité de non-prolifération, en vue d’une prohibition totale
de ces instruments. Le récent accord sur
la question nucléaire dans une région sensible de l’Asie et du
Moyen Orient est une preuve des possibilités d’une bonne volonté
politique et du droit, exercés de façon sincère, patiente et
constante. Je forme le voeu que cet accord soit durable et efficace,
et qu’il porte les fruits désirés avec la collaboration de toutes
les parties impliquées".
"En
ce sens, ne manquent pas de rudes épreuves liées aux conséquences
négatives des interventions politiques et militaires qui n’ont pas
été coordonnées entre les membres de la communauté
internationale. C’est pourquoi, tout en souhaitant ne pas avoir
besoin de le faire, je ne peux m’empêcher de réitérer mes appels
incessants concernant la douloureuse situation de tout le Moyen
Orient, du nord de l’Afrique et d’autres pays africains, où les
chrétiens, avec d’autres groupes culturels ou ethniques, y compris
avec les membres de la religion majoritaire qui ne veulent pas se
laisser gagner par la haine et la folie, ont été forcés à être
témoins de la destruction de leurs lieux de culte, de leur
patrimoine culturel et religieux, de leurs maisons comme de leurs
propriétés, et ont été mis devant l’alternative de fuir ou bien
de payer de leur propre vie, ou encore par l’esclavage, leur
adhésion au bien et à la paix. Ces
réalités doivent constituer un sérieux appel à un examen de
conscience de la part de ceux qui sont en charge de la conduite des
affaires internationales. Non seulement dans les cas de persécution
religieuse ou culturelle, mais aussi dans chaque situation de
conflit, comme en Ukraine, en Syrie, en Irak, en Libye, au Sud Soudan
et dans la région des grands lacs, avant les intérêts partisans,
aussi légitimes soient-ils, il y a des visages concrets. Dans les
guerres et les conflits, il y a des êtres humains concrets, des
frères et des sœurs qui sont nôtres, des hommes et des femmes, des
jeunes et des personnes âgées, des enfants qui pleurent, souffrent
et meurent, des êtres humains transformés en objet mis au rebut
alors qu’on ne fait que s’évertuer à énumérer des problèmes,
des stratégies et des discussions... La compréhension la plus
élémentaire de la dignité humaine contraint la communauté
internationale, en particulier en vertu des normes et des mécanismes
du droit international, à faire tout ce qui est en son pouvoir pour
arrêter et prévenir d’ultérieures violences systématiques
contre les minorités ethniques et religieuses et pour protéger les
populations innocentes. Dans cette même ligne, je voudrais faire
mention d’un autre genre de conflit pas toujours clairement déclaré
mais qui, en silence, provoque la mort de millions de personnes. Un
autre genre de guerre que vivent beaucoup de nos sociétés à
travers le phénomène du narcotrafic. Une guerre ‘‘assumée’’
et faiblement combattue. Le narcotrafic, de par sa propre dynamique,
est accompagné par la traite des personnes, le blanchiment des
actifs, le trafic des armes, l’exploitation des enfants et par
d’autres formes de corruption. Corruption qui a infiltré les
divers niveaux de la vie sociale, politique, militaire, artistique et
religieuse, en générant, dans beaucoup de cas, une structure
parallèle qui met en péril la crédibilité de nos institutions".
Je voudrais conclure dans le prolongement "du discours de Paul
VI, prononcées il y a exactement 50 ans, mais qui sont d’une
valeur perpétuelle: Voici arrivée l'heure, disait-il, où s'impose
une halte, un moment de recueillement, de réflexion, quasi de
prière. Nous devons repenser à notre commune origine, à notre
histoire, à notre destin commun. Jamais comme aujourd'hui n'a été
aussi nécessaire l'appel à la conscience morale de l'homme. Car le
péril ne vient, ni du progrès, ni de la science, qui, bien
utilisés, pourront résoudre un grand nombre des graves problèmes
qui assaillent l'humanité. Entre autres, sans doute, le génie
humain, bien utilisé, aidera à affronter les graves défis de la
dégradation écologique et de l’exclusion. Paul VI avait également
affirmé que le vrai péril se trouvait dans l'homme, qui dispose
d'instruments toujours plus puissants, aptes aussi bien à la ruine
qu'aux plus hautes conquêtes. La maison commune de tous les hommes
doit continuer de s’élever sur une juste compréhension de la
fraternité universelle et sur le respect de la sacralité de chaque
vie humaine, des pauvres, des malades et des personnes âgées, des
enfants et des enfants à naître, des chômeurs et des abandonnés,
de ceux qui sont jugés bons à exclure, parce qu’on ne les perçoit
plus que comme des chiffres de l’une ou l’autre statistique. La
maison commune de tous les hommes doit aussi s’édifier sur la
compréhension d’une certaine sacralité de la nature créée.
Cette compréhension et ce respect exigent un niveau supérieur
de sagesse, qui accepte la transcendance, renonce à la construction
d’une élite toute puissante, et comprenne que le sens plénier de
la vie individuelle et collective se révèle dans le service dévoué
des autres et dans la prudente et respectueuse utilisation de la
création, pour le bien commun. Pour reprendre les paroles de Paul
VI, l'édifice de la civilisation moderne doit se construire sur des
principes spirituels, les seuls capables non seulement de le
soutenir, mais aussi de l'éclairer... Le monde contemporain,
apparemment relié, expérimente une fragmentation sociale,
croissante et soutenue, qui met en danger tout fondement de la vie
sociale et par conséquent finit par nous opposer les uns autres,
chacun cherchant à préserver ses propres intérêts. Le
temps présent nous invite à privilégier des actions qui créent de
nouveaux dynamismes dans la société jusqu’à ce qu’ils
fructifient en événements historiques importants et positifs. Nous
ne pouvons pas nous permettre de reporter pour plus tard certains
agendas. L’avenir exige de nous des décisions critiques et
globales face aux conflits mondiaux qui augmentent le nombre des
exclus et de ceux qui sont dans le besoin.
La
louable construction juridique internationale de l’Organisation des
Nations-Unies et de toutes ses réalisations, perfectible comme toute
œuvre humaine et, en même temps, nécessaire, peut être le gage
d’un avenir sûr et heureux pour les futures générations. Elle le
sera si les représentants des Etats sauront laisser de côté des
intérêts sectoriels et idéologiques, et chercher sincèrement le
service du bien commun. Je demande à Dieu Tout-Puissant qu’il en
soit ainsi, et je vous assure de mon soutien, de ma prière ainsi que
du soutien et des prières de tous les fidèles de l’Eglise
catholique, pour que cette institution, tous ses Etats membres et
chacun de ses fonctionnaires rendent toujours un service efficace à
l’humanité, un service respectueux de la diversité et qu’ils
sachent renforcer, pour le bien commun, le meilleur de chaque peuple
et de tout citoyen".