Cité
du Vatican, 14 avril 2015 (VIS). "L’exode est l'expérience
fondamentale de la vocation, tel est le titre du Message pour la 52
Journée mondiale des vocations (26 avril) signé le jour des Rameaux
(29 mars). Le quatrième dimanche de Pâques, y
écrit le Pape, montre le "Bon Pasteur qui connaît ses brebis,
les appelle, les nourrit et les conduit. Depuis plus de cinquante
ans, ce dimanche est la Journée mondiale de prière pour les
vocations. Elle nous rappelle chaque fois l’importance de prier
pour que, comme a dit Jésus à ses disciples: Le maître de la
moisson envoie des ouvriers pour sa moisson. Jésus exprime ce
commandement dans le contexte d’un envoi missionnaire: Il a appelé,
outre les douze apôtres, soixante-douze autres disciples et il les
envoie deux par deux pour la mission. En effet, si l’Église est de
par sa nature missionnaire, la vocation chrétienne ne peut que
naître à l’intérieur d’une expérience de mission. Aussi,
écouter et suivre la voix du Christ Bon Pasteur, en se laissant
attirer et conduire par lui et en lui consacrant sa vie, signifie
permettre que l’Esprit nous introduise dans ce dynamisme
missionnaire, en suscitant en nous le désir et le courage joyeux
d’offrir notre vie et de la dépenser pour la cause du Royaume.
Offrir
sa vie dans cette attitude missionnaire est possible seulement si
nous sommes capables de sortir de nous-mêmes. En cette journée
mondiale 2015, je voudrais donc réfléchir sur cet exode particulier
qu’est la vocation, ou, mieux, notre réponse à la vocation que
Dieu nous donne. Quand nous entendons la parole “exode”, notre
pensée va immédiatement aux débuts de la merveilleuse histoire
d’amour entre Dieu et le peuple de ses enfants, une histoire qui
passe à travers les jours dramatiques de l’esclavage en Égypte,
l’appel de Moïse, la libération et le chemin vers la Terre
promise. Le livre de l’Exode, qui rapporte cette histoire,
représente une parabole de toute l’histoire du salut, et aussi de
la dynamique fondamentale de la foi chrétienne. En effet, passer de
l’esclavage de l’homme ancien à la vie nouvelle dans le Christ
est l’œuvre rédemptrice qui advient en nous par la foi. Ce
passage est un exode véritable et particulier, c’est le chemin de
l’âme chrétienne et de l’Eglise entière, l’orientation
décisive de l’existence tournée vers le Père. A la racine de
chaque vocation chrétienne, il y a ce mouvement fondamental de
l’expérience de foi. Croire veut dire se laisser soi-même, sortir
du confort et de la rigidité du moi pour centrer notre vie en
Jésus-Christ, pour abandonner comme Abraham sa propre terre en se
mettant en chemin avec confiance, sachant que Dieu indiquera la route
vers la nouvelle terre. Cette sortie n’est pas à entendre comme un
mépris de sa propre vie, de sa propre sensibilité, de sa propre
humanité. Au contraire, celui qui se met en chemin à la suite du
Christ trouve la vie en abondance, en se mettant lui-même tout
entier à la disposition de Dieu et de son royaume. Jésus dit: Celui
qui aura quitté, à cause de mon nom, des maisons, des frères, des
sœurs, un père, une mère, des enfants, ou une terre, recevra le
centuple, et il aura en héritage la vie éternelle. Tout cela a sa
racine profonde dans l’amour. En effet, la vocation chrétienne est
surtout un appel d’amour qui attire et renvoie au-delà de
soi-même, décentre la personne, amorçant un exode permanent allant
du je enfermé sur lui-même vers sa libération dans le don de soi,
et précisément ainsi vers la découverte de soi-même, plus encore
vers la découverte de Dieu.
L’expérience
de l’exode est un paradigme de la vie chrétienne, en particulier
de celui qui embrasse une vocation de dévouement particulier au
service de l’Evangile. C'est une attitude toujours renouvelée de
conversion et de transformation, tout en restant toujours en chemin,
en passant de la mort à la vie. C'est le dynamisme pascal que nous
célébrons dans toute la liturgie. Au fond, depuis l’appel
d’Abraham à celui de Moïse, depuis le chemin pérégrinant
d’Israël dans le désert à la conversion prêchée par les
prophètes, jusqu’au voyage missionnaire de Jésus qui culmine dans
sa mort et sa résurrection, la vocation est toujours cette action de
Dieu qui nous fait sortir de notre situation initiale, nous libère
de toute forme d’esclavage, nous arrache à nos habitudes et à
l’indifférence et nous projette vers la joie de la communion avec
Dieu et avec les frères. Répondre à l’appel de Dieu, donc, c’est
le laisser nous faire sortir de notre fausse stabilité pour nous
mettre en chemin vers Jésus-Christ, terme premier et dernier de
notre vie et de notre bonheur. Cette dynamique de l’exode ne
concerne pas seulement l’appel particulier, mais l’action
missionnaire et évangélisatrice de toute l’Eglise. L’Eglise est
vraiment fidèle à son Maître dans la mesure où elle est une
Eglise en sortie, sans être préoccupée d’elle-même, de ses
structures et de ses conquêtes, mais plutôt capable d’aller, de
se mouvoir, de rencontrer les enfants de Dieu dans leur situation
réelle et de com-patir à leurs blessures. Dieu sort de lui-même
dans une dynamique trinitaire d’amour, écoute la misère de son
peuple et intervient pour le libérer. L’Eglise est aussi appelée
à cette manière d’être et d’agir. L'Eglise qui évangélise
sort à la rencontre de l’homme, annonce la parole libératrice de
l’Evangile, prend soin avec la grâce de Dieu des blessures des
âmes et des corps, relève les pauvres et ceux qui sont dans le
besoin.
Cet
exode libérateur vers le Christ et vers les frères représente
aussi le chemin vers la pleine compréhension de l’homme et pour la
croissance humaine et sociale dans l’histoire. Ecouter et
accueillir l’appel du Seigneur n’est pas une question privée et
intimiste qui peut se confondre avec l’émotion du moment. C’est
un engagement concret, réel et total, qui embrasse notre existence
et la met au service de la construction du royaume de Dieu sur la
terre. Par conséquent, la vocation chrétienne, enracinée dans la
contemplation du cœur du Père, pousse en même temps à
l’engagement solidaire en faveur de la libération des frères,
surtout des plus pauvres. Le disciple de Jésus a le cœur ouvert à
son horizon immense, et son intimité avec le Seigneur n’est jamais
une fuite de la vie et du monde mais, au contraire, se présente
essentiellement comme communion missionnaire. Cette dynamique d’exode
vers Dieu et vers l’homme remplit la vie de joie et de sens. Je
voudrais le dire surtout aux plus jeunes qui, en raison de leur âge
et de la vision de l’avenir qui s’ouvre devant leurs yeux, savent
être disponibles et généreux. Parfois, les inconnues et les
préoccupations pour l’avenir et l’incertitude qui entache le
quotidien risquent de paralyser leurs élans, de freiner leurs rêves
au point de penser qu’il ne vaut pas la peine de s’engager et que
le Dieu de la foi chrétienne limite leur liberté. Au contraire, les
jeunes ne doivent pas avoir peur de sortir d'eux mêmes et de se
mettre en chemin! L’Evangile est la Parole qui libère, transforme
et rend plus belle notre vie. Comme il est beau de se laisser
surprendre par l’appel de Dieu, d’accueillir sa Parole, de mettre
les pas de son existence dans ceux de Jésus, dans l’adoration du
mystère divin et du dévouement généreux aux autres. Ainsi, cher
jeunes" conclut le Saint-Père, "votre vie deviendra chaque
jour plus riche et plus joyeuse. La Vierge Marie, modèle de
toute vocation, n’a pas craint de prononcer son
Fiat à l’appel du Seigneur. Qu’elle vous accompagne et qu’elle
vous guide. Avec le courage généreux de la foi, Marie a chanté la
joie de sortir d’elle même et de confier à Dieu ses projets de
vie. Nous nous adressons à elle pour être pleinement disponibles au
dessein que Dieu a sur chacun de nous, pour que grandisse en nous le
désir de sortir et d’aller, avec sollicitude, vers les autres".