Cité
du Vatican, 1 décembre 2012 (VIS). Voici le Motu Proprio signé le
11 novembre, par lequel Benoît XVI fournit des indication sur le
service de la charité:
"La
nature profonde de l’Eglise s’exprime dans une triple tâche:
l’annonce de la Parole de Dieu (Kerygma-Martyria), les sacrements
(Leitourgia), le service de la charité (Diakonia). Ce sont trois
tâches qui s’appellent l’une l’autre et qui ne peuvent être
séparées l’une de l’autre. Le service de la charité est donc
une dimension constitutive de la mission de l’Eglise et il
constitue une expression de son essence-même, à laquelle elle ne
peut renoncer. Tous les fidèles ont le droit et le devoir de
s’engager personnellement pour vivre du commandement nouveau que le
Christ nous a laissé, en n’offrant pas à l’homme d’aujourd’hui
uniquement une aide matérielle, mais également réconfort et soin
de l’âme. L’Eglise est appelée, également dans sa dimension
communautaire, à l’exercice de la Diakonia de la charité, depuis
les communautés locales jusqu’aux Eglises particulières et à
l’Église universelle. Pour cela il faut également avoir une
organisation comme présupposé pour un service communautaire
ordonné, une organisation qui soit articulée aussi par des
expressions institutionnelles.
Concernant
cette Diakonia de la charité, je faisais remarquer, dans
l'encyclique Deus Caritas Est, qu’il découle de la structure
épiscopale de l’Eglise que, dans les Eglises particulières, les
évêques, en qualité de successeurs des apôtres, portent la
responsabilité première de la mise en œuvre. Et j’observais que
le code de droit canonique, dans les canons concernant le ministère
épiscopal, ne traite pas expressément de la charité comme d’un
domaine spécifique de l’activité épiscopale. Même si le
Directoire pour le ministère pastoral des évêques a approfondi de
manière plus concrète le devoir de la charité comme tâche
intrinsèque de l’Eglise entière et de l’évêque dans son
diocèse, il restait toutefois la nécessité de combler cette lacune
juridique de façon à pouvoir exprimer de manière adéquate, dans
l’ordonnancement canonique, ce qui appartient à l’essence du
service de la charité dans l’Eglise et de son rapport constitutif
avec le ministère épiscopal, en mettant en évidence les profils
juridiques, qu’un tel service requiert dans l’Eglise, surtout
s’il est exercé de manière organisée et avec le soutien
explicite des pasteurs. Dans cette optique, je désire donner un
cadre juridique organique...plus apte à ordonner, dans leurs lignes
générales, les différentes formes ecclésiales organisées du
service de la charité, qui sont étroitement liées à la nature
diaconale de l’Eglise et du ministère épiscopal.
Il
est important toutefois de se rappeler que l’action concrète
demeure insuffisante si, en elle, l’amour pour l’homme n’est
pas perceptible, un amour qui se nourrit de la rencontre avec le
Christ. Par conséquent, dans l’exercice de l’activité
caritative, les nombreuses organisations catholiques, ne doivent pas
se limiter uniquement à récolter ou à distribuer des fonds, mais
doivent toujours témoigner d’une attention spéciale envers la
personne qui est dans le besoin, et exercer également une fonction
pédagogique précieuse au sein de la communauté chrétienne qui
favorise l’éducation au partage, au respect et à l’amour selon
la logique de l’évangile du Christ. L’activité caritative de
l’Église, en effet, à tous les niveaux, doit éviter le risque de
se dissoudre dans une organisation commune d’assistance, en en
devenant une simple variante. Les initiatives des fidèles dans le
domaine de la charité, qui sont très variées, requièrent une
gestion appropriée. Plus précisément, l’activité de la Caritas,
institution promue par la hiérarchie ecclésiastique, s’est
développé à un niveau paroissial, diocésain, national et
international et a mérité très justement l’appréciation et la
confiance des fidèles et de tant d’autres personnes à travers le
monde entier, tant pour son témoignage de foi généreux et cohérent
que pour la réponse concrète apportées aux demandes de ceux qui
sont dans le besoin. A côté de cette vaste initiative, soutenue
officiellement par l’autorité de l’Église, de multiples autres
initiatives ont vu le jour, dans des lieux variés, initiatives
provenant de la liberté d’engagement des fidèles qui, sous des
formes différentes, veulent contribuer, par leur propre effort, au
témoignage concret de la charité envers ceux qui sont dans le
besoin. Les unes et les autres sont des initiatives différentes par
origine et par régime juridique, même si elles expriment toutes les
deux une sensibilité et une volonté de répondre au même appel.
L’Eglise,
en tant qu’institution ne peut se considérer comme étrangère aux
initiatives promues de façon organisée et relevant de la libre
expression de la sollicitude des baptisés envers les personnes et
les populations dans le besoin. C’est pourquoi les pasteurs
doivent toujours les accueillir comme la manifestation de la
participation de tous à la mission de l’Église, en respectant les
caractéristiques et l’autonomie de gouvernement qui reviennent à
chacune d’elles selon leur propre nature comme la manifestation de
la liberté des baptisés. A côté de celles-ci, l’autorité
ecclésiastique a promu, par sa propre initiative, des oeuvres
spécifiques, grâces auxquelles elle pourvoit de façon
institutionnelle à canaliser les dons des fidèles, selon des formes
juridiques et opérationnelles adéquates permettant de solutionner
plus efficacement les besoins concrets. Toutefois dans la mesure où
ces activités sont promues par la hiérarchie elle-même, ou sont
explicitement soutenues par l’autorité des pasteurs, il faut
s’assurer que leur gestion soit effectuée conformément aux
exigences de l’enseignement de l’Eglise et à l’intention des
fidèles, et qu’elles respectent également les normes légitimes
promulguées par l’autorité civile. Face à ces exigences il
devenait nécessaire de fixer dans le droit de l’Eglise quelques
normes essentielles, inspirées des critères généraux de la
discipline canonique, qui pouvaient expliciter dans ce secteur
d’activités, les responsabilités juridiques, assumées en la
matière, par les divers sujets impliqués, soulignant de façon
particulière, la fonction d’autorité et de coordination qui
revient à l’évêque diocésain. Ces-dites normes devaient
toutefois être assez générales pour inclure la diversité
appréciable des institutions d’inspiration catholique, qui comme
telles oeuvrent dans ce secteur; celles créées sous l’impulsion
de la hiérarchie elle-même, et celles qui sont nées grâce à une
initiative directe des fidèles et qui sont accueillies et
encouragées par les Pasteurs du lieu. Bien qu’il fallût établir
des normes à cet égard, il fallait toutefois tenir compte de ce qui
était requis par la justice et par la responsabilité que les
pasteurs doivent exercer à l’égard de leurs fidèles, dans le
respect de l’autonomie légitime de chaque entité.
Par
conséquent, sur proposition du Cardinal Président du Conseil
pontifical Cor Unum, et ayant entendu le Conseil pontifical pour les
textes législatifs, j’établis et décrète ce qui suit:
Art.
1. - § 1. Les fidèles ont le droit de s’associer et de fonder
des organismes qui réalisent des services de charité spécifiques,
surtout en faveur des pauvres et de ceux qui souffrent. Dans la
mesure où ils révèlent liés au service de la charité des
pasteurs de l’Église et ou, en tant que tels, veulent employer la
contribution des fidèles, ils doivent soumettre leur statuts à
l’approbation de l’autorité ecclésiastique compétente et
observer les normes suivantes.
§
2. En ces mêmes termes, les fidèles ont le droit de constituer des
fondations pour financer des initiatives caritatives concrètes,
selon les canons 1303 CIC et 1047 CCEO. Si ce type de fondations
répond aux caractéristiques mentionnées au §1, les présentes
dispositions devront également être observées congrua congruis
referendo (moyennant les adaptations nécessaires).
§
3. Outre l’observation de l’ensemble de la législation
canonique, les initiatives collectives de charité auxquelles se
réfère ce Motu Proprio, sont également tenues d’observer, dans
le cadre de leurs activités, les principes de la doctrine
catholique et ne peuvent accepter des engagements qui d’une façon
ou d’une autre puissent conditionner l’observance de ces-dits
principes.
§
4. Les organismes et les fondations promues à des fins caritatives
par des Instituts de vie consacrée et des Sociétés de vie
apostolique, sont tenus d’observer ces normes ainsi que ce qui est
prévu par les canons 312 §2 CIC et 575 §2 CCEO.
Art.
2. - § 1. Dans les statuts de chaque organisme caritatif auquel se
réfère l’article précédent, outre les charges
institutionnelles, et les structures de gouvernement selon le canon
95 §1 CIC, devront aussi être exprimés les principes inspirateurs
et les finalités de l’initiative, les modes de gestion des fonds,
le profil de ses propres collaborateurs, ainsi que les rapports et
les informations devant être présentés à l’autorité
ecclésiastique compétente.
§
2. Un organisme caritatif ne peut utiliser la dénomination
"catholique "qu’avec le consentement écrit de l’autorité
compétente, comme indiqué par le canon 300 CIC.
§
3. Les organismes érigés par des fidèles ayant une fin caritative
peuvent avoir un conseiller spirituel nommé selon les propres
statuts, selon les canons 324 §2 et 317 CIC.
§
4. En même temps, l’autorité ecclésiastique est tenue de
réglementer l’exercice des droits des fidèles selon les canons
223 §2 CIC et 26 §3 CCEO afin d’éviter la multiplication des
initiatives de charité au détriment de la mise en œuvre et de
l’efficacité des fins poursuivies.
Art.
3. - § 1. Aux effets des articles précédents, la notion d’autorité
compétente selon les niveaux respectifs, est telle qu’énoncée
par les canons 312 CIC et 575 CCEO.
§
2. En cas d’organismes qui n’ont pas été approuvés au niveau
national, même s’ils opèrent dans divers diocèses, l’autorité
compétente est l’évêque diocésain du lieu du siège principal
de l’entité. En tous cas, l’organisation a le devoir d’informer
les évêques des autres diocèses où elle œuvre, et de respecter
leurs indications concernant les activités des différentes entités
caritatives présentes dans les diocèses.
Art.
4. - § 1. L’évêque diocésain (cf can. 134 §3 CIC et can. 987
CCEO) exerce sa sollicitude pastorale à l’égard du service de la
charité dans l’Eglise particulière qui lui a été confiée, en
tant que pasteur, guide et premier responsable de ce service.
§
2. L’évêque diocésain encourage et soutient les initiatives et
les oeuvres au service du prochain dans sa propre Eglise
particulière, et suscite chez les fidèles la ferveur d’une
charité active en tant qu’expression de la vie chrétienne et de
la participation à la mission de l’Église, comme il est indiqué
aux canons 215 et 222 CIC et 25 et 18 CCEO.
§
3. Il revient à l’évêque diocésain de veiller à ce que
l’activité et la gestion de ces organismes, respectent toujours
les normes de droit universel et particulier de l’Eglise, aussi
bien que l’intention des fidèles qui auraient fait des dons ou des
legs pour ces finalités spécifiques (cf can. 1300 CIC et 1044
CCEO).
Art.
5. L’évêque diocésain doit garantir à l’Eglise le droit
d’exercer le service de la charité et il doit veiller à ce que
les fidèles et les institutions soumises à sa vigilance, observent
les législations civiles légitimes en la matière.
Art.
6. - L’évêque diocésain, a pour tâche, comme il est indiqué
aux canons 394 §1 CIC et 203 §1 CCEO, de coordonner, dans sa propre
circonscription, les diverses œuvres de service de la charité,
autant celles promues par la hiérarchie elle-même que celles nées
de l’initiative de fidèles, restant sauve l’autonomie qui leur
reviendrait selon leurs propres statuts. En particulier il doit
veiller à ce que leurs activités gardent vivant l’esprit
évangélique.
Art.
7. § 1. Les entités mentionnées à l’art.1 §1, sont tenues à
choisir leurs propres collaborateurs parmi des personnes qui
partagent, ou au moins, respectent l’identité catholique de ces
oeuvres.
§
2. Pour garantir le témoignage évangélique dans le service de la
charité, l’Evêque diocésain doit veiller à ce que tous ceux qui
oeuvrent dans la pastorale caritative de l’Eglise, outre la
compétence professionnelle nécessaire, témoignent d’une vie
chrétienne et d’une formation du cœur qui manifeste une foi
opérante dans la charité. A tel effet il devra pourvoir à leur
formation y compris dans le domaine théologique et pastoral par des
parcours spécifiques concertés avec les dirigeants des différents
organismes et avec des propositions adéquates de vie spirituelle.
Art.
8. - Là où il s’avèrerait nécessaire, à cause du nombre ou de
la diversité des initiatives, l’évêque diocésain, devra
établir, dans l’Eglise qui lui a été confiée, un bureau qui a
pour but d’orienter et coordonner le service de la charité en son
nom.
Art.
9. - § 1. L’évêque doit encourager la création dans chaque
paroisse de sa circonscription, d’un service de la Caritas
paroissiale ou analogue, qui promeuve également une activité
pédagogique dans la communauté toute entière, pour éduquer à
l’esprit de partage et de charité authentique. S’il s’avérait
opportun, un tel service sera commun pour les différentes paroisses
sur le même territoire.
§
2. Il revient à l’évêque et au curé de veiller qu’au sein de
la paroisse, avec la Caritas, d’autres initiatives concernant la
charité puissent également coexister et se développer, sous la
coordination générale du curé, en tenant compte toutefois de ce
qui est indiqué à l’art. 2 §4.
§
3. L’évêque diocésain et les curés respectifs ont le devoir
d’éviter, qu’en cette matière, les fidèles soient induits en
erreur ou qu’il y ait des malentendus, aussi devront-ils empêcher
que, par le biais de structures paroissiales ou diocésaines, soient
promues des initiatives qui, bien que se présentant avec des fins
caritatives, proposent des choix ou des méthodes contraires à
l’enseignement de l’Eglise .
Art.
10. - § 1. Il revient à l’Évêque d’avoir la vigilance sur les
biens ecclésiastiques des organismes de charité soumis à son
autorité.
§
2. L’évêque diocésain est tenu de s’assurer que le fruit des
collectes effectuées selon les can. 1265 et 1266 CIC ainsi que les
can. 1014 et 1015 CCEO, soient affectés aux buts déterminés pour
lesquels elles ont été effectuées (can. 1262 CIC, 1016 CCEO) .
§
3. En particulier, l’évêque diocésain doit éviter que des
organismes de charité qui sont sous son autorité, soient financés
par des entités ou des institutions qui poursuivent des buts
contraires à la doctrine de l’Eglise. De même, afin d’éviter
de scandaliser les fidèles, l’évêque diocésain doit éviter que
ces-dits organismes caritatifs acceptent des contributions en faveur
d’initiatives qui, dans la finalité ou les moyens pour
l’atteindre, ne sont pas en accord avec la doctrine de l’Eglise.
§
4. Particulièrement, l’évêque doit veiller à ce que la gestion
des initiatives qui lui sont soumises donnent un témoignage de
sobriété chrétienne. Pour cela, il veillera à ce que les salaires
et les frais de gestion, bien que correspondant aux exigences de la
justice et aux profils professionnels nécessaires, soient dûment en
rapport avec des frais analogues de sa propre curie diocésaine.
§
5. Pour permettre que l’autorité ecclésiastique mentionnée à
l’art. 3§1 puisse exercer son devoir de vigilance, les entités
dont il est question à l’art. 1§1 sont tenues de présenter à
l’ordinaire compétent un compte-rendu annuel dans les formes
requises par l’ordinaire lui même.
Art.
11. - L’évêque diocésain est tenu, si nécessaire, de porter à
la connaissance de ses propres fidèles que l’activité d’un
organisme de charité déterminé ne répond plus aux exigences du
magistère de l’Eglise, en interdisant en conséquence l’usage du
mot catholique et en adoptant les mesures nécessaires dans les cas
de responsabilités personnelles
Art.
12. - § 1. L’Évêque diocésain doit favoriser l’activité, au
niveau national et international, des organismes de charité qui sont
soumis à sa sollicitude, en particulier il doit favoriser la
coopération avec les circonscriptions ecclésiastiques les plus
pauvres, par analogie avec ce qui est prévu aux canons 1274 §3 CIC
et 1021 §3 CCEO.
§
2. La sollicitude pastorale à l’égard des oeuvres de charité,
peut être exercée conjointement, selon les circonstances de temps
et de lieux, par plusieurs Évêques voisins, à l’égard de
plusieurs Eglises, selon le droit. S’il s’agit de domaine
international, le dicastère du Saint-Siège compétent doit être
consulté au préalable. Il est également opportun, en ce qui
concerne des initiatives de charité au niveau national, que l’évêque
consulte l’organisme compétent de la Conférence épiscopale.
Art.
13. - Reste toujours sauf le droit de l’autorité ecclésiastique
du lieu, de donner son consentement aux initiatives des organismes
catholiques qui se déploient dans le domaine de sa compétence, dans
le respect des normes canoniques et de l’identité propre de chaque
organisme et c’est sa tâche de Pasteur de veiller à ce que les
activités réalisées dans son propre diocèse se déploient
conformément à la discipline ecclésiastique, en les interdisant ou
en adoptant éventuellement des mesures nécessaires, si cette
discipline n’était pas respectée.
Art.
14. - Là où il le jugera opportun, l’évêque devra promouvoir
des initiatives de service de charité en collaboration avec d’autres
Eglises ou communautés ecclésiales, restant sauves les
particularités de chacun.
Art.
15. - § 1. Le Conseil pontifical Cor Unum, a pour tâche de
promouvoir l’application de ces règles et de veiller à leur
application à tous les niveaux, restant sauve la compétence du
Conseil pontifical pour les laïcs, en ce qui concerne les
associations de fidèles, selon l’art. 133 de la Constitution
apostolique Pastor Bonus, ainsi que la compétence propre de la
Section de la Secrétairerie d’Etat pour les relations avec les
Etats, restant sauves les compétences générales des autres
dicastères et organismes de la Curie romaine. En particulier, le
Conseil pontifical Cor Unum devra veiller que le service de la
charité des institutions catholiques au niveau international, se
déploie toujours en communion avec les Eglises particulières
respectives.
§
2. Il est également de la compétence du Conseil pontifical Cor Unum
d’ériger canoniquement des organismes de service de charité à un
niveau international, et d’exercer en conséquence les taches
disciplinaires et de promotion qui correspondent en droit.
J’ordonne
que, tout ce que j’ai décidé en cette Lettre apostolique en forme
de Motu Proprio, soit observé en toutes ses parties, nonobstant
toute chose contraire, même si elle est digne de mention spéciale...
Elle entrera en vigueur le 10 décembre 2012".