Cité
du Vatican, (VIS). Ce matin a été diffusé le message de Benoît XVI pour
le carême, dont le titre, «Faisons attention les uns aux autres pour
nous stimuler dans la charité et les œuvres bonnes » est tiré de
l'Epître aux hébreux. En voici les passages saillants :
« Le
Carême nous offre encore une fois l’opportunité de réfléchir sur ce qui
est au cœur de la vie chrétienne : la charité. En effet, c’est un temps
favorable pour renouveler, à l’aide de la Parole de Dieu et des
Sacrements, notre itinéraire de foi, aussi bien personnel que
communautaire... Faisons attention , la responsabilité envers le frère.
Le premier élément est l’invitation à faire attention … Le verbe qui
ouvre cette exhortation invite à fixer le regard sur l’autre, tout
d’abord sur Jésus, et à être attentifs les uns envers les autres, à ne
pas se montrer étrangers, indifférents au destin des frères. Souvent, au
contraire, l’attitude inverse prédomine: l’indifférence, le désintérêt
qui naissent de l’égoïsme dissimulé derrière une apparence de respect
pour la sphère privée... Aujourd’hui aussi, Dieu nous demande d’être les
gardiens de nos frères, d’instaurer des relations caractérisées par un
empressement réciproque, par une attention au bien de l’autre et à tout
son bien. Le grand commandement de l’amour du prochain exige et
sollicite d’être conscients d’avoir une responsabilité envers celui qui,
comme moi, est une créature et un enfant de Dieu: le fait d’être frères
en humanité et, dans bien des cas, aussi dans la foi, doit nous amener à
voir dans l’autre un véritable alter ego, aimé infiniment par le
Seigneur. Si nous cultivons ce regard de fraternité, la solidarité, la
justice ainsi que la miséricorde et la compassion jailliront
naturellement de notre cœur ».
« L’attention
à l’autre comporte que l’on désire pour lui ou pour elle le bien, sous
tous ses aspects, physique, moral et spirituel. La culture contemporaine
semble avoir perdu le sens du bien et du mal, tandis qu’il est
nécessaire de répéter avec force que le bien existe et triomphe, parce
que Dieu est le bon, le bienfaisant Le bien est ce qui suscite, protège
et promeut la vie, la fraternité et la communion. La responsabilité
envers le prochain signifie alors vouloir et faire le bien de l’autre,
désirant qu’il s’ouvre lui aussi à la logique du bien, s’intéresser au
frère veut dire ouvrir les yeux sur ses nécessités. L’Ecriture met en
garde contre le danger d’avoir le cœur endurci par une sorte
d’anesthésie spirituelle qui rend aveugles aux souffrances des autres.
L’évangéliste Luc rapporte deux paraboles de Jésus dans lesquelles sont
indiqués deux exemples de cette situation qui peut se créer dans le cœur
de l’homme: la parabole du bon Samaritain et la parabole du mauvais
riche... Dans les deux cas, nous avons à faire au contraire du prêter
attention, du regarder avec amour et compassion. Qu’est-ce qui empêche
ce regard humain et affectueux envers le frère? Ce sont souvent la
richesse matérielle et la satiété, mais c’est aussi le fait de faire
passer avant tout nos intérêts et nos préoccupations personnels. Jamais,
nous ne devons nous montrer incapables de faire preuve de miséricorde à
l’égard de celui qui souffre; jamais notre cœur ne doit être pris par
nos propres intérêts et par nos problèmes au point d’être sourds au cri
du pauvre... Rencontrer l’autre et ouvrir son cœur à ce dont il a besoin
sont une occasion de salut et de béatitude ».
« Prêter
attention au frère comporte aussi la sollicitude pour son bien
spirituel. Je désire rappeler ici un aspect de la vie chrétienne qui me
semble être tombé en désuétude: la correction fraternelle en vue du
salut éternel. En général, aujourd’hui, on est très sensible au thème
des soins et de la charité à prodiguer pour le bien physique et matériel
des autres, mais on ne parle pour ainsi dire pas de notre
responsabilité spirituelle envers les frères. Il n’en est pas ainsi dans
l’Eglise des premiers temps... Le Christ lui-même nous commande de
reprendre le frère qui commet un péché... La tradition de l’Eglise a
compté parmi les œuvres de miséricorde spirituelle celle d’admonester
les pécheurs . Il est important de récupérer cette dimension de la
charité chrétienne. Il ne faut pas se taire face au mal. Je pense ici à
l’attitude de ces chrétiens qui, par respect humain ou par simple
commodité, s’adaptent à la mentalité commune au lieu de mettre en garde
leurs frères contre des manières de penser et d’agir qui sont contraires
à la vérité, et ne suivent pas le chemin du bien... Dans notre monde
imprégné d’individualisme, il est nécessaire de redécouvrir l’importance
de la correction fraternelle, pour marcher ensemble vers la sainteté...
Il est donc très utile d’aider et de se laisser aider à jeter un regard
vrai sur soi-même pour améliorer sa propre vie et marcher avec plus de
rectitude sur la voie du Seigneur ».
« Les
uns aux autres, le don de la réciprocité. Cette garde des autres
contraste avec une mentalité qui, réduisant la vie à sa seule dimension
terrestre, ne la considère pas dans une perspective eschatologique et
accepte n’importe quel choix moral au nom de la liberté individuelle.
Une société comme la société actuelle peut devenir sourde aux
souffrances physiques comme aux exigences spirituelles et morales de la
vie. Il ne doit pas en être ainsi dans la communauté chrétienne... Les
disciples du Seigneur, unis au Christ par l’Eucharistie, vivent dans une
communion qui les lie les uns aux autres comme membres d’un seul corps.
Cela veut dire que l’autre m’est uni de manière particulière, sa vie,
son salut, concernent ma vie et mon salut. Nous abordons ici un élément
très profond de la communion: notre existence est liée à celle des
autres, dans le bien comme dans le mal, le péché comme les œuvres
d’amour ont aussi une dimension sociale. Dans l’Eglise, corps mystique
du Christ, cette réciprocité se vérifie: la communauté ne cesse de faire
pénitence et d’invoquer le pardon des péchés de ses enfants, mais elle
se réjouit aussi constamment et exulte pour les témoignages de vertu et
de charité qui adviennent en son sein... Tout chrétien peut exprimer sa
participation à l’unique corps qu’est l’Eglise. Faire attention aux
autres dans la réciprocité c’est aussi reconnaître le bien que le
Seigneur accomplit en eux et le remercier avec eux des prodiges de grâce
que le Dieu bon et tout-puissant continue de réaliser dans ses enfants.
« pour
nous stimuler dans la charité et les œuvres bonnes, marcher ensemble
dans la sainteté. Cette formule nous pousse à considérer l’appel
universel à la sainteté... Le temps qui nous est accordé durant notre
vie est précieux pour découvrir et accomplir les œuvres de bien, dans
l’amour de Dieu. De cette manière, l’Eglise elle-même grandit et se
développe pour parvenir à la pleine maturité du Christ. C’est dans cette
perspective dynamique de croissance que se situe notre exhortation à
nous stimuler réciproquement pour parvenir à la plénitude de l’amour et
des bonnes œuvres. Malheureusement, la tentation de la tiédeur, de
l’asphyxie de l’Esprit, du refus d’« exploiter les talents » qui nous
sont donnés pour notre bien et celui des autres demeure. Nous avons tous
reçu des richesses spirituelles ou matérielles utiles à
l’accomplissement du plan divin, pour le bien de l’Eglise et pour notre
salut personnel. Les maîtres spirituels rappellent que dans la vie de la
foi celui qui n’avance pas recule... Face à un monde qui exige des
chrétiens un témoignage renouvelé d’amour et de fidélité au Seigneur,
tous sentent l’urgence de tout faire pour rivaliser dans la charité,
dans le service et dans les œuvres bonnes. Ce rappel est
particulièrement fort durant le saint temps de préparation à Pâques».