Cité
du Vatican, 15 décembre 2015 (VIS). Voici le texte du Message pour
la Journée mondiale de la Paix 2016, intitulé Gagne sur
l’indifférence et remporte la paix!:
"Dieu
n’est pas indifférent! Dieu accorde de l’importance à
l’humanité, Dieu ne l’abandonne pas! Au début de l’année
nouvelle, je voudrais accompagner de cette profonde conviction les
vœux d’abondantes bénédictions et de paix, sous le signe de
l’espérance, pour l’avenir de tout homme et de toute femme, de
toute famille, peuple et nation du monde, ainsi que des chefs d’Etat
et de Gouvernement et des Responsables des religions. En effet, ne
perdons pas l’espérance de voir en 2016 chacun, engagé fermement
et avec confiance, à différents niveaux, à réaliser la justice et
à œuvrer pour la paix. Oui, celle-ci est don de Dieu et œuvre des
hommes. La paix est don de Dieu, mais don confié à tous les hommes
et à toutes les femmes qui sont appelés à le réaliser.
Préserver
les raisons de l’espérance. Les guerres et les actions
terroristes, avec leurs tragiques conséquences, les séquestrations
de personnes, les persécutions pour des motifs ethniques ou
religieux, les prévarications, ont marqué l’année passée du
début à la fin, se multipliant douloureusement en de nombreuses
régions du monde, au point de prendre les traits de ce qu’on
pourrait appeler une troisième guerre mondiale par morceaux. Mais
certains événements des années passées et de l’année qui vient
de s’achever m’invitent, dans la perspective de l’année
nouvelle, à renouveler l’exhortation à ne pas perdre l’espérance
dans la capacité de l’homme, avec la grâce de Dieu, à vaincre le
mal et à ne pas s’abandonner à la résignation et à
l’indifférence. Les événements auxquels je me réfère
représentent la capacité de l’humanité à œuvrer dans la
solidarité au-delà des intérêts individuels, de l’apathie et de
l’indifférence vis-à-vis des situations critiques. Parmi ceux-ci
je voudrais rappeler l’effort fait pour favoriser la rencontre des
leaders mondiaux, dans le cadre de la COP 21, afin de chercher de
nouvelles voies pour affronter les changements climatiques et
sauvegarder le bien être de la Terre, notre maison commune. Et cela
renvoie à deux événements précédents au niveau global: Le Sommet
d’Addis Abeba pour réunir des fonds pour le développement durable
du monde, et l’adoption par les Nations-Unies de l’Agenda 2030
pour le développement durable, visant à assurer, avant cette date,
une existence plus digne à tous, surtout aux populations pauvres de
la planète.
2015
a été aussi une année spéciale pour l’Eglise, parce qu’elle a
été marquée par le 50ème anniversaire de la publication de deux
documents du Cconcile Vatican II qui expriment de manière très
éloquente le sens de la solidarité de l’Eglise avec le monde. Le
Pape Jean XXIII, au début du Concile, a voulu ouvrir tout grand les
fenêtres de l’Eglise pour que la communication entre elle et le
monde soit plus ouverte. Les deux documents, Nostra aAtate et Gaudium
et Spes, sont des expressions emblématiques de la nouvelle relation
de dialogue, de solidarité et d’accompagnement que l’Eglise veut
introduire à l’intérieur de l’humanité. Dans la déclaration
Nostra aetate l’Eglise a été appelée à s’ouvrir au dialogue
avec les expressions religieuses non chrétiennes. Dans la
donstitution pastorale Gaudium et Spes, puisque "les joies et
les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps,
des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les
joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples
du Christ, l’Eglise désire instaurer un dialogue avec la famille
humaine sur les problèmes du monde, en signe de solidarité et de
respectueuse affection. Dans cette même perspective, avec le Jubilé
de la Miséricorde, je veux inviter l’Eglise à prier et à
travailler pour que tout chrétien puisse mûrir un cœur humble et
compatissant, capable d’annoncer et de témoigner la miséricorde,
de pardonner et de donner, de s’ouvrir à ceux qui vivent dans les
périphéries existentielles les plus différentes, que le monde
moderne a souvent créées de façon dramatique sans tomber dans
l’indifférence qui humilie, dans l’habitude qui anesthésie
l’âme et empêche de découvrir la nouveauté dans le cynisme
destructeur. Il y a de multiples raisons pour croire en la capacité
de l’humanité à agir ensemble, en solidarité, dans la
reconnaissance de sa propre interconnexion et interdépendance, ayant
à cœur les membres les plus fragiles et la sauvegarde du bien
commun. Cette attitude de co-responsabilité solidaire est à la
racine de la vocation fondamentale à la fraternité et à la vie
commune. La dignité et les relations interpersonnelles nous
constituent comme êtres humains, voulus par Dieu à son image et
ressemblance. En tant que créatures dotées d’une inaliénable
dignité, nous existons en relation avec nos frères et sœurs,
envers lesquels nous avons une responsabilité, et avec lesquels nous
agissons en solidarité. En dehors de cette relation, nous serions
des êtres moins humains. C’est justement ainsi que l’indifférence
constitue une menace pour la famille humaine. Alors que nous nous
mettons en marche vers une année nouvelle, je voudrais inviter
chacun à reconnaître ce fait, pour vaincre l’indifférence et
conquérir la paix.
Certaines
formes d’indifférence. Il est certain que l’attitude de
l’indifférent, de celui qui ferme le cœur pour ne pas prendre en
considération les autres, de celui qui ferme les yeux pour ne pas
voir ce qui l’entoure ou qui s’esquive pour ne pas être touché
par les problèmes des autres, caractérise une typologie humaine
assez répandue et présente à chaque époque de l’histoire.
Cependant, de nos jours, cela a dépassé nettement le domaine
individuel pour prendre une dimension globale et produire ce
phénomène de la globalisation de l’indifférence. La première
forme d’indifférence dans la société humaine est l’indifférence
envers Dieu, dont procède l’indifférence envers le prochain et
envers la création. Et ceci est l’un des graves effets d’un faux
humanisme et d’un matérialisme pratique, combinés à une pensée
relativiste et nihiliste. L’homme pense être l’auteur de
lui-même, de sa propre vie et de la société, il se sent
auto-suffisant, et il cherche non seulement à se substituer à Dieu,
mais à le faire disparaître complètement. Par conséquent, il
pense ne rien devoir à personne, excepté à lui-même, et il
prétend avoir seulement des droits. Contre cette auto-compréhension
erronée de la personne, Benoît XVI rappelait que ni l’homme ni
son développement sont capables de se donner à soi-même leur
propre signification ultime. Et avant lui, Paul VI avait affirmé
qu’il n’est d’humanisme vrai qu’ouvert à l’Absolu, dans la
reconnaissance d’une vocation, qui donne l’idée vraie de la vie
humaine. L’indifférence envers le prochain prend différents
visages. Il y a celui qui est bien informé, écoute la radio, lit
les journaux ou regarde la télévision, mais il le fait de manière
tiède, presque dans une condition d’accoutumance. Ces personnes
connaissent vaguement les drames qui affligent l’humanité mais
elles ne se sentent pas impliquées, elles ne vivent pas la
compassion. Cela, c’est l’attitude de celui qui sait mais, qui
garde son regard, sa pensée et son action tournés vers lui-même.
Malheureusement, nous devons constater que l’augmentation des
informations, propre à notre époque, ne signifie pas, en soi, une
augmentation d’attention aux problèmes, si elle n’est pas
accompagnée d’une ouverture des consciences dans un sens
solidaire. Bien plus, elle peut entraîner une certaine saturation
qui anesthésie et, dans une certaine mesure, relativise la gravité
des problèmes. Certains se satisfont simplement en accusant les
pauvres et les pays pauvres de leurs maux, avec des généralisations
indues, et prétendent trouver la solution dans une éducation qui
les rassure et les transforme en êtres apprivoisés et inoffensifs.
Cela devient encore plus irritant si ceux qui sont exclus voient
croître ce cancer social qui est la corruption profondément
enracinée dans de nombreux pays, dans les gouvernements, dans
l’entreprise et dans les institutions, quelle que soit l’idéologie
politique des gouvernants. Dans d’autres cas, l’indifférence se
manifeste comme un manque d’attention vis-à-vis de la réalité
environnante, surtout la plus lointaine. Certaines personnes
préfèrent ne pas chercher, ne pas s’informer, et vivent leur
bien-être et leur confort, sourdes au cri de douleur de l’humanité
souffrante. Presque sans nous en apercevoir, nous sommes devenus
incapables d’éprouver de la compassion pour les autres, pour leurs
drames. Et prendre soin d’eux ne nous intéresse pas, comme si ce
qui leur arrive était d’une responsabilité extérieure à nous,
qui ne nous revient pas. Quand nous allons bien et nous prenons nos
aises, nous oublions sûrement de penser aux autres (ce que Dieu le
Père ne fait jamais), nous ne nous intéressons plus à leurs
problèmes, à leurs souffrances et aux injustices qu’ils
subissent… Alors notre cœur tombe dans l’indifférence. Alors
que je vais relativement bien et que tout me réussit, j’oublie
ceux qui ne vont pas bien.
En
vivant dans une maison commune, nous ne pouvons pas ne pas nous
interroger sur son état de santé, comme j’ai cherché à le faire
dans Laudato Si’. La pollution des eaux et de l’air,
l’exploitation sans discernement des forêts, la destruction de
l’environnement, sont souvent le fruit de l’indifférence de
l’homme envers les autres, parce que tout est lié. Comme, aussi,
le comportement de l’homme avec les animaux a une influence sur ses
relations avec les autres, pour ne pas parler de celui qui se permet
de faire ailleurs ce qu’il n’ose pas faire chez lui. Dans ces
cas, et dans d’autres, l’indifférence provoque surtout une
fermeture et un désengagement, et finit ainsi par contribuer à
l’absence de paix avec Dieu, avec le prochain et avec la création.
La
paix menacée par l’indifférence globalisée. L’indifférence
envers Dieu dépasse la sphère intime et spirituelle de la personne
individuelle, et elle investit la sphère publique et sociale. Comme
l’affirmait Benoît XVI, il existe un lien intime entre la
glorification de Dieu et la paix des hommes sur la terre. En effet,
sans une ouverture transcendante, l’homme devient facilement la
proie du relativisme et, ensuite, il réussit difficilement à agir
selon la justice et à s’engager pour la paix. L’oubli et la
négation de Dieu qui conduisent l’homme à ne plus reconnaître
aucune norme au-dessus de lui et à se prendre lui-même comme seule
norme, ont produit des cruautés et des violences sans mesure. Au
niveau individuel et communautaire l’indifférence envers le
prochain, fille de l’indifférence envers Dieu, prend l’aspect de
l’inertie et du désengagement qui alimentent la prolongation de
situations d’injustice et de grave déséquilibre social. Ces
situations, à leur tour, peuvent conduire à des conflits, ou en
tout cas, générer un climat d’insatisfaction qui risque de
déboucher tôt ou tard sur des violences et de l’insécurité. En
ce sens, l’indifférence et le désengagement qui en est la
conséquence constituent un manque grave au devoir que toute personne
a de contribuer, dans la mesure de ses capacités et de son rôle
dans la société, au bien commun, en particulier à la paix, qui est
l’un des biens les plus précieux de l’humanité. Quand, ensuite,
l’indifférence envers l’autre, envers sa dignité, ses droits
fondamentaux et sa liberté, investit le niveau institutionnel, dans
une culture imprégnée de profit et d’hédonisme, elle favorise et
parfois justifie des actions et des politiques qui finissent par
constituer des menaces à la paix. Un tel comportement d’indifférence
peut aussi en arriver à justifier certaines politiques économiques
déplorables, annonciatrices d’injustices, de divisions et de
violences, en vue de l’obtention de son propre bien être ou de
celui de la nation. Souvent, en effet, les projets économiques et
politiques des hommes ont pour fin la conquête ou le maintien du
pouvoir et des richesses, même au prix de piétiner les droits et
les exigences fondamentales des autres. Quand les populations voient
leurs propres droits élémentaires niés, comme la nourriture,
l’eau, l’assistance sanitaire ou le travail, elles sont tentées
de se les procurer par la force.
De
plus, l’indifférence vis à vis de l’environnement naturel, qui
favorise la déforestation, la pollution et les catastrophes
naturelles qui déracinent des communautés entières de leur milieu
de vie en les contraignant à la précarité et à l’insécurité,
crée de nouvelles pauvretés, de nouvelles situations d’injustice
aux conséquences souvent néfastes en termes de sécurité et de
paix sociale. Combien de guerres ont été conduites et combien
seront encore faites à cause du manque de ressources ou pour
répondre à l’insatiable recherche de ressources naturelles?
De
l’indifférence à la miséricorde: La conversion du cœur. Quand,
il y a un an, dans le Message 2015, j’évoquais la première icône
biblique de la fraternité humaine, celle de Caïn et Abel, c’était
pour attirer l’attention sur la manière dont cette première
fraternité a été trahie. Caïn et Abel sont frères. Ils
proviennent tous deux du même sein, ils sont égaux en dignité et
créés à l’image et ressemblance de Dieu, mais leur fraternité
de créatures est rompue. Non seulement Caïn ne supporte pas son
frère Abel, mais il le tue par envie. Le fratricide devient alors la
forme de trahison, et le refus par Caïn de la fraternité d’Abel
est la première rupture dans les relations familiales de fraternité,
de solidarité et de respect réciproque. Dieu intervient alors, pour
appeler l’homme à la responsabilité à l’égard de son
semblable, comme il a fait lorsqu’Adam et Eve, les premiers
parents, ont rompu la communion avec le Créateur. Le Seigneur dit à
Caïn: Où est ton frère Abel? Il répondit: Je ne sais pas. Suis-je
le gardien de mon frère? Le Seigneur reprit: Qu’as-tu fait! Ecoute
le sang de ton frère crier vers moi du sol. Caïn dit ne pas savoir
ce qui est arrivé à son frère, il dit ne pas être son gardien. Il
ne se sent pas responsable de sa vie, de son sort. Il ne se sent pas
impliqué. Il est indifférent envers son frère, bien qu’ils
soient liés par l’origine commune. Quelle tristesse! Quel drame
fraternel, familial, humain. C’est la première manifestation de
l’indifférence entre frères. Dieu, au contraire, n’est pas
indifférent. Le sang d’Abel a grande valeur à ses yeux et il
demande à Caïn d’en rendre compte. Donc Dieu se révèle depuis
les débuts de l’humanité comme Celui qui s’intéresse au sort
de l’homme. Quand plus tard, les fils d’Israël se trouvent en
esclavage en Egypte, Dieu intervient à nouveau. Il dit à Moïse:
J’ai vu, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Egypte. J’ai
entendu son cri devant ses oppresseurs, oui, je connais ses
angoisses. Je suis descendu pour le délivrer de la main des
égyptiens et le faire monter de cette terre vers une terre
plantureuse et vaste, vers une terre qui ruisselle de lait et de
miel. Il est important de noter les verbes qui décrivent
l’intervention de Dieu: Il observe, il entend, il connaît, il
descend, il libère. Dieu n’est pas indifférent. Il est attentif
et il agit.
De
la même façon, en son Fils Jésus, Dieu est descendu parmi les
hommes, il s’est incarné et il s’est montré solidaire de
l’humanité, en toute chose, excepté le péché. Jésus
s’identifie avec l’humanité, étant l’aîné d’une multitude
de frères. Il ne se contente pas d’enseigner aux foules, mais il
se préoccupe d’elles, spécialement quand il les voyait affamées
ou sans travail. Son regard n’était pas tourné seulement vers les
hommes, mais aussi vers les poissons de la mer, les oiseaux du ciel,
les plantes et les arbres, petits et grands. Il embrassait le créé
tout entier. Il voit, certainement, mais il ne se limite pas à cela,
parce qu’il touche les personnes, il parle avec elles, agit en leur
faveur et fait du bien à celui qui est dans le besoin. Non
seulement, mais il se laisse émouvoir et il pleure. Et il agit pour
mettre fin à la souffrance, à la tristesse, à la misère et à la
mort. Jésus nous enseigne à être miséricordieux comme le Père.
Dans la parabole du Bon Samaritain, il dénonce l’omission d’aide
devant l’urgente nécessité de ses semblables. Il le vit et passa
outre. En même temps, à l’aide de cet exemple, il invite ses
auditeurs, et en particulier ses disciples, à apprendre à s’arrêter
devant les souffrances de ce monde pour les soulager, devant les
blessures des autres pour les soigner, avec les moyens dont on
dispose, à commencer par son temps, malgré les nombreuses
occupations. L’indifférence, en effet, cherche souvent des
prétextes dans l’observance des préceptes rituels, dans la
quantité de choses qu’il faut faire, dans les antagonismes qui
nous tienne éloignés les uns des autres, dans les préjudices de
tout genre qui nous empêchent de nous faire proche.
La
miséricorde est le cœur de Dieu. Elle doit donc être aussi le cœur
de tous ceux qui se reconnaissent membres de l’unique grande
famille de ses enfants, un cœur qui bat fort partout où la dignité
humaine, reflet du visage de Dieu dans ses créatures il est en jeu.
Jésus nous avertit: L’amour pour les autres, pour les étrangers,
les malades, les prisonniers, les sans-domicile-fixe, même les
ennemis, est l’unité de mesure de Dieu pour juger nos actions. De
cela dépend notre destin éternel. Il n’y a pas à s’étonner
que Paul invite les chrétiens de Rome à se réjouir avec ceux qui
se réjouissent et à pleurer avec ceux qui pleurent, ou qu’il
recommande à ceux de Corinthe d’organiser des collectes en signe
de solidarité avec les membres souffrants de l’Eglise. Et saint
Jean écrit: Si quelqu’un, jouissant des biens de ce monde, voit
son frère dans la nécessité et lui ferme ses entrailles, comment
l’amour de Dieu demeurait-il en lui? Voilà pourquoi il
est déterminant pour l’Eglise et pour la crédibilité de son
annonce de vivre et de témoigner elle-même de la miséricorde. Son
langage et ses gestes doivent transmettre la miséricorde pour
pénétrer le cœur des personnes et les inciter à retrouver le
chemin du retour au Père. La vérité première de l’Eglise est
l’amour du Christ. De cet amour, qui va jusqu’au pardon et au
don de soi, l’Eglise se fait servante et médiatrice auprès des
hommes. En conséquence, là où l’Eglise est présente, la
miséricorde du Père doit être manifeste. Dans nos paroisses, les
communautés, les associations et les mouvements, en bref, là où
il y a des chrétiens, quiconque doit pouvoir trouver une oasis de
miséricorde.
Ainsi,
nous aussi, nous sommes appelés à faire de l’amour, de la
compassion, de la miséricorde et de la solidarité un vrai programme
de vie, un style de comportement dans nos relations les uns avec les
autres. Cela demande la conversion du cœur, c’est à dire que la
grâce de Dieu transforme notre cœur de pierre en un cœur de chair,
capables de s’ouvrir aux autres avec une solidarité authentique.
Cela en effet, est beaucoup plus qu’un sentiment de
compassion vague ou d’attendrissement superficiel pour les maux
subis par tant de personnes, proches ou lointaines. La
solidarité est la détermination ferme et persévérante de
travailler pour le bien commun, c’est-à-dire pour le bien de tous
et de chacun parce que tous nous sommes vraiment responsables de
tous, parce que la compassion jaillit de la fraternité. Ainsi
comprise la solidarité constitue l’attitude morale et sociale qui
répond le mieux à la prise de conscience des plaies de notre temps
et de l’incontestable interdépendance qui existe toujours plus,
spécialement dans un monde globalisé, entre la vie de l’individu
et de sa communauté dans un lieu déterminé et celle des autres
hommes et femmes dans le reste du monde.
Promouvoir
une culture de solidarité et de miséricorde pour vaincre
l’indifférence. La solidarité comme vertu morale et attitude
sociale, fruit de la conversion personnelle, exige un engagement
d’une multiplicité de sujets, qui ont une responsabilité de
caractère éducatif et formateur. Ma première pensée va aux
familles, appelées à une mission éducative première et
incontournable. Elles constituent le premier lieu où se vivent et se
transmettent les valeurs de l’amour et de la fraternité, de la
convivialité et du partage, de l’attention et du soin de l’autre.
Elles sont aussi le milieu privilégié pour la transmission de la
foi, en commençant par ces simples gestes de dévotion que les mères
enseignent à leurs enfants. Pour ce qui concerne les éducateurs et
les formateurs qui, à l’école ou dans les différents centres de
socialisation infantile et juvénile, ont la tâche exigeante
d’éduquer des enfants et des jeunes, ils sont appelés à être
conscients que leur responsabilité regarde les dimensions morales,
spirituelles et sociales de la personne. Les valeurs de la liberté,
du respect réciproque et de la solidarité peuvent être transmises
dès le plus jeune âge. S’adressant aux responsables des
institutions qui ont des tâches éducatives, Benoît XVI a affirmé:
Que chaque structure éducative puisse être un lieu d’ouverture au
transcendant et aux autres, un lieu de dialogue, de cohésion et
d’écoute, où le jeune se sente valorisé dans ses propres
potentialités et ses richesses intérieures, et apprenne à estimer
vraiment ses frères. Que ce lieu puisse enseigner aussi à goûter
la joie qui jaillit du fait de vivre, jour après jour, dans la
charité et dans la compassion envers le prochain, et dans la
participation active à la construction d’une société plus
humaine et fraternelle. Les agents culturels et des media aussi une
responsabilité dans le domaine de l’éducation et de la formation,
spécialement dans la société contemporaine, où l’accès aux
instruments d’information et de communication est toujours plus
répandu. C’est leur tâche de se mettre par-dessus tout au service
de la vérité et non d’intérêts particuliers. Les moyens de
communication en effet, non seulement informent,
mais ils façonnent aussi l’esprit de leurs destinataires et ils
peuvent donc contribuer de façon notable à l’éducation des
jeunes. Il est important de retenir que le lien entre éducation et
communication est très étroit: L’éducation advient en effet par
les moyens de communication, qui influent sur la formation de la
personne d’une manière positive ou négative. Les agents culturels
et des media devraient être aussi vigilants afin que la manière
dont ils obtiennent et diffusent les informations soit toujours
juridiquement et moralement licite.
La
paix, fruit d’une culture de solidarité, de miséricorde et de
compassion. Conscients de la menace d’une globalisation de
l’indifférence, nous ne pouvons pas ne pas reconnaître que, dans
le scenario décrit ci-dessus, s’insèrent aussi de nombreuses
intiatives et actions positives qui témoignent la compassion, la
miséricorde et la solidarité dont l’homme est capable. Je
voudrais rappeler quelques exemples d’engagement louable, qui
montrent comment chacun peut vaincre l’indifférence lorsqu’il
choisit de ne pas détourner le regard de son prochain, et qui
constituent de bonnes pratiques sur le chemin vers une société plus
humaine. Il y a beaucoup d’organisations non grouvernementales et
de groupes caritatifs, à l’intérieur de l’Eglise et en dehors
d’elle, dont les membres, à l’occasion d’épidémies, de
calamités ou de conflits armés, affrontent difficultés et dangers
pour soigner les blessés et les malades et pour enterrer les
défunts. A côté d’elles, je voudrais mentionner les personnes et
les associations qui portent secours aux migrants qui traversent des
déserts et sillonnent des mers à la recherche de meilleures
conditions de vie. Ces actions sont des oeuvres de miséricorde
corporelle et spirituelle, sur lesquelles nous serons jugés à la
fin de notre vie.
Ma
pensée va aux journalistes et aux photographes qui informent
l’opinion publique sur les situations difficiles qui
interpellent les consciences, et à ceux qui s’engagent pour la
défense des droits humains, en particulier ceux des minorités
ethniques et religieuses, des peuples indigènes, des femmes et des
enfants, et de tous ceux qui vivent dans des conditions de plus
grande vulnérabilité. Parmi eux, il y a aussi beaucoup de prêtres
et de missionnaires qui, comme des bons pasteurs, restent à côté
de leurs fidèles et les soutiennent malgré les dangers et les
difficultés, en particulier durant les conflits armés. Combien de
familles, ensuite, au milieu de nombreuses difficultés sociales et
de travail, s’engagent concrètement pour éduquer leurs enfants à
contre-courant, au prix de beaucoup de sacrifices, aux valeurs de la
solidarité, de la compassion et de la fraternité! Combien de
familles ouvrent leurs cœurs et leurs maisons à celui qui est dans
le besoin, comme aux réfugiés et aux migrants! Je veux remercier de
façon particulière toutes les personnes, les familles, les
paroisses, les communautés religieuses, les monastères et les
sanctuaires, qui ont répondu rapidement à mon appel à accueillir
une famille de réfugiés. Enfin, je voudrais mentionner les jeunes
qui s’unissent pour réaliser des projets de solidarité et tous
ceux qui ouvrent leurs mains pour aider le prochain dans le besoin
dans leurs villes, dans leurs pays ou dans d’autres régions du
monde. Je veux remercier et encourager tous ceux qui s’engagent
dans des actions de ce genre, même si elles ne font pas l’objet de
publicité. Leur faim et soif de justice sera rassasiée, leur
miséricorde leur fera trouver miséricorde et, en tant qu’artisans
de paix, ils seront appelés fils de Dieu.
La
paix dans le signe du Jubilé de la Miséricorde. Dans l’esprit du
Jubilé de la Miséricorde, chacun est appeler à reconnaître
comment l’indifférence se manifeste dans sa propre vie, et à
adopter un engagement concret pour contribuer à améliorer la
réalité dans laquelle il vit, à partir de sa propre famille, de
son voisinage ou de son milieu de travail. Les états sont aussi
appelés à des gestes concrets, à des actes de courage à l’égard
des personnes les plus fragiles de leurs sociétés, comme les
prisonniers, les migrants, les chômeurs et les malades. Pour ce qui
concerne les détenus, dans beaucoup de cas, il semble urgent
d’adopter des mesures concrètes pour améliorer leurs conditions
de vie dans les prisons, accordant une attention spéciale à ceux
qui sont privés de liberté en attente de jugement, ayant à
l’esprit la finalité de rééducation de la sanction pénale et
évaluant la possibilité d’insérer dans les législations
nationales des peines alternatives à la détention carcérale. Dans
ce contexte, je désire renouveler l’appel aux autorités étatiques
pour l’abolition de la peine de mort, là où elle est encore en
vigueur, et à considérer la possibilité d’une amnistie. En ce
qui concerne les migrants, je voudrais inviter à repenser les
législations sur les migrations, afin qu’elles soient animées par
la volonté de l’accueil, dans le respect des devoirs et des
responsabilités réciproques, et puissent faciliter l’intégration
des migrants. Dans cette perspective, une attention spéciale devrait
être portée aux conditions de séjour des migrants, se rappelant
que la clandestinité risque de les entraîner vers la criminalité.
Je
désire, en outre, en cette Année jubilaire, formuler un appel
pressant aux responsables des états à accomplir des gestes concrets
en faveur de nos frères et sœurs qui souffrent à cause du manque
de travail, de terre et de toit. Je pense à la création de postes
de travail décent, pour lutter contre la plaie sociale du chômage,
qui écrase un grand nombre de familles et de jeunes et a des
conséquences très importantes sur le maintien de la société tout
entière. Le manque de travail entame lourdement le sens de la
dignité et de l’espérance, et peut être compensé seulement
partiellement par des subsides, également nécessaires, destinés
aux chômeurs et à leurs familles. Une attention spéciale devrait
être donnée aux femmes, malheureusement encore discriminées dans
le domaine du travail, et à certaines catégories de travailleurs,
dont les conditions sont précaires ou dangereuses et dont les
rétributions ne sont pas proportionnées à l’importance de leur
mission sociale. Enfin, je voudrais inviter à accomplir des actions
efficaces pour améliorer les conditions de vie des malades,
garantissant à tous l’accès à des soins médicaux et aux
médicaments indispensables à la vie, y compris la possibilité de
soins à domicile. Tournant leur regard au-delà de leurs propres
frontières, les responsables des états sont aussi appelés à
renouveler leurs relations avec les autres peuples, permettant à
tous une participation effective et une inclusion à la vie de la
communauté internationale, afin que la fraternité se réalise
également à l'intérieur de la famille des nations. Dans cette
perspective, je désire adresser un triple appel à s'abstenir
d'entraîner les autres peuples dans des conflits ou des guerres qui
en détruisent non seulement les richesses matérielles, culturelles
et sociales, mais aussi et pour longtemps l'intégrité morale et
spirituelle, à l'effacement ou à la gestion soutenable de la dette
internationale des pays les plus pauvres, à l'adoption de politiques
de coopération qui, au lieu de se plier à la dictature de certaines
idéologies, soient respectueuses des valeurs des populations locales
et qui, dans chaque cas, ne portent pas atteinte au droit fondamental
et inaliénable des enfants à naître à la vie. Je confie ces
réflexions, ainsi que mes meilleurs vœux pour la nouvelle année, à
l'intercession de Marie, la Très Sainte, Mère attentive aux besoins
de l'humanité, afin qu'elle obtienne de son Fils Jésus, Prince de
la Paix, d’exaucer nos supplications et de bénir notre engagement
quotidien pour un monde fraternel et solidaire".