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vendredi 10 juillet 2015

Messe d'ouverture du V Congrès eucharistique bolivien


Cité du Vatican, 10 juillet 2015 (VIS). L'Eucharistie, pain partagé pour la vie du monde, tel est le thème du V Congrès eucharistique bolivien que le Pape a inauguré hier à Santa Cruz de la Sierra. La grand messe, qui s'est déroulée sur la place du Rédempteur en présence de près de deux millions de fidèles, a utilisé outre l'espagnol diverses langues indigènes. Voici l'homélie prononcée par le Saint-Père: "Nous sommes venus de divers lieux, régions, localités, pour célébrer la présence vivante de Dieu parmi nous. Nous sommes sortis depuis des heures de nos maisons et communautés pour pouvoir être ensemble, comme peuple saint de Dieu. La croix et l’image de la mission nous portent à l’esprit le souvenir de toutes les communautés qui sont nées au nom de Jésus sur ces terres, dont nous sommes des héritiers. Dans l’Evangile que nous venons d’entendre, est décrite une situation assez semblable à celle que nous vivons. Comme eux, nous sommes désireux d’écouter la parole de Jésus et de recevoir sa vie. Eux hier et nous aujourd’hui, avec le Maître, Pain de vie".

"Ces jours-ci, j’ai pu voir beaucoup de mères avec leurs enfants dans le dos, portant sur elles la vie, l’avenir de leur peuple, portant les raisons de leur joie, de leurs espérances, portant les bénédictions de la terre dans les fruits, portant le travail réalisé de leurs mains. Mains qui ont façonné le présent et qui tisseront les aspirations du lendemain. Mais elles portent aussi sur leurs épaules des déceptions, des tristesses et des chagrins, l’injustice qui semble ne pas avoir de fin et les cicatrices d’une justice qui ne s’est pas réalisée. Elles portent sur elles la joie et la douleur d’une terre. Vous portez la mémoire de votre peuple. Car, les peuples ont une mémoire, une mémoire qui se transmet de génération en génération, une mémoire en chemin. Souvent nous faisons l’expérience de la fatigue de ce chemin, lorsque les forces manquent pour maintenir vivante l’espérance. Que de fois nous vivons des situations qui ont la prétention de nous anesthésier la mémoire, et ainsi s’affaiblit l’espérance et se perdent progressivement les motifs de joie. Et une tristesse qui devient individualiste, qui nous fait perdre la mémoire de peuple aimé, peuple élu, commence à nous gagner. Cette perte nous désagrège, fait en sorte que nous nous fermons aux autres, spécialement aux plus pauvres. Cela peut nous arriver comme aux disciples d’autrefois, quand ils virent le grand nombre de gens qui était là. Ils demandèrent à Jésus de les renvoyer, du moment qu’il était impossible de donner à manger à tout ce monde. Face à tant de situations de faim dans le monde nous pouvons dire: Les chiffres ne sont pas bons, le compte n’y est pas, c’est impossible d’affronter ces situations, et alors le désespoir finit par nous envahir. Dans un cœur désespéré il est très facile que prenne place la logique qui prétend s’imposer dans le monde d’aujourd’hui. Une logique qui cherche à tout transformer en objet d’échange, de consommation, qui rend tout négociable. Une logique qui prétend donner espace à un petit nombre, en écartant tous ceux qui ne produisent pas, qui ne sont pas considérés aptes ou dignes parce que apparemment le compte n’y est pas. Jésus encore une autre fois nous parle et nous dit: Il n’est pas nécessaire qu’ils s’en aillent, donnez-leur vous-mêmes à manger. C’est une invitation qui résonne avec force aujourd’hui pour nous: Personne ne doit s’en aller, c’en est assez des rejets, donnez-leur vous-mêmes à manger. Jésus continue à nous le dire ici même".

"Oui, c'en est assez de ces personnes mises à l’écart. Donnez-leur vous-mêmes à manger. Le regard de Jésus n’accepte pas de logique, ni n’accepte que l'on taille toujours du côté du plus faible, de qui est dans le besoin. En acceptant le pari, lui-même nous donne l’exemple, nous indique la route. Une attitude en trois gestes: Il prend un peu de pain et quelques poissons, les bénit et les donne pour que les disciples les partagent avec les autres. C’est le miracle, et certainement pas de magie ou d’idolâtrie. Jésus, par ces trois actions, réussit à transformer une logique de la mise à l’écart, en une logique de communion, de communauté. Je voudrais souligner brièvement chacune de ces actions. Le point de départ est qu’il prend très au sérieux la vie des siens. Il les regarde dans les yeux et à travers ces yeux il comprend leur vie, leurs sentiments. Il voit dans ces regards ce qui palpite et ce qui a cessé de palpiter dans la mémoire et dans le cœur de son peuple. Il le considère et le valorise. Il valorise tout ce qu’ils peuvent offrir de bon, tout le bien sur la base duquel on peut construire. Mais il ne parle pas des objets ou des biens culturels, ou des idées, mais des personnes. La richesse authentique d’une société se mesure dans la vie de ses gens, elle se mesure dans les personnes âgées qui réussissent à transmettre leur sagesse et la mémoire de leur peuple aux plus petits. Jésus ne néglige jamais la dignité de personne, avec l’excuse qu’il n’a rien à donner ou à partager. Il bénit. Jésus prend sur lui, et il bénit le Père. Il sait que ces dons sont un don de Dieu. C’est pourquoi il ne les traite pas comme une chose quelconque, parce que toute cette vie est le fruit de l’amour miséricordieux. Il le reconnaît. Il va au-delà de la simple apparence et dans le geste de bénédiction, dans la louange, il demande à son Père le don de l’Esprit Saint. Bénir comporte ce double regard, d’une part remercier et de l’autre pouvoir transformer. C’est reconnaître que la vie est toujours un don, un cadeau qui, placé entre les mains de Dieu, acquiert une force de multiplication. Notre Père n’enlève rien, il multiplie tout".


"Dans la vie de Jésus il n’y a pas un geste qui ne soit une bénédiction, et il n’y a pas une bénédiction qui ne soit engagement. La bénédiction est toujours aussi mission, elle a une finalité, partager, le fait de partager ensemble ce qui est reçu, car c’est seulement dans l’engagement, c’est dans le partager-avec que nous trouvons, comme personnes humaines, la source de la joie et nous faisons l’expérience du salut. Un engagement qui désire reconstruire la mémoire d’être un peuple saint, un peuple invité, appelé à porter la joie du salut. Les mains que Jésus lève pour bénir le Dieu du ciel sont les mêmes qui distribuent le pain à la multitude qui a faim. Nous pouvons imaginer comment passaient de main en main les pains et les poissons jusqu’à atteindre ceux qui étaient le plus loin. Jésus réussit à créer un courant entre les siens, tous partageaient ce qu’ils avaient, le faisant devenir don pour les autres et ce fut ainsi qu’ils mangèrent à satiété et incroyablement il en resta : ils le recueillirent en sept corbeilles. Une mémoire prise entre les mains, bénie et offerte rassasie toujours un peuple. L’Eucharistie est pain rompu pour la vie du monde... Elle est sacrement de communion, qui nous fait sortir de l’individualisme pour vivre ensemble la suite de Jésus et nous donne la certitude que ce que nous possédons et ce que nous sommes, si c’est accueilli, béni et offert, par la puissance de Dieu, avec la puissance de son amour, devient pain de vie pour les autres. L'Eglise est une communauté qui fait mémoire. C’est pourquoi, fidèle au mandat du Seigneur, elle répète le: Faites cela en mémoire de moi. Elle actualise de génération en génération, dans les coins les plus divers de notre terre, le mystère du Pain de Vie. Elle nous le rend présent et nous l’offre. Jésus veut que nous participions de sa vie et que, par nous, elle se multiplie dans notre société. Nous ne sommes pas des personnes isolées, séparées, mais le Peuple de la mémoire actualisée et toujours offerte. Une vie qui fait mémoire a besoin des autres, des relations, de la rencontre, d’une solidarité réelle qui soit capable d’entrer dans la logique de l’accueil, de la bénédiction et de l’offrande dans la logique de l’amour. Que Marie, qui, comme beaucoup de vous, a porté sur elle la mémoire de son peuple, la vie de son Fils, et a expérimenté en elle-même la grandeur de Dieu, proclamant avec jubilation qu’il comble de biens les affamés, soit aujourd’hui notre exemple pour nous confier à la bonté du Seigneur, qui accomplit de grandes œuvres par l’humilité de ses serviteurs". 

Ne pas entendre les personnes c'est être sourd à la Parole


Cité du Vatican, 10 juillet 2015 (VIS). Devant 4.000 prêtres, séminaristes et religieux rassemblés au Colisée Don Bosco de Santa Cruz de la Sierra, le Pape a commenté le récit par Marc de l'histoire de Bartimée, un disciple de la dernière heure: "Aveugle et mendiant, il était au bord du chemin, marginalisé, et quand il a appris que Jésus passait, il a commencé à crier au milieu de la foule. Autour de Jésus il y avait les apôtres, les disciples, les femmes qui le suivaient d'habitude, avec qui il a parcouru durant sa vie les chemins de la Palestine pour annoncer le Royaume... On a d'un côté, le cri d'un mendiant et de l'autre, les diverses réactions des disciples. C’est comme si l'Evangéliste voulait nous montrer quel genre d'écho trouva le cri de Bartimée dans la vie des gens et des disciples de Jésus. Comment réagissent-ils en face de la douleur de celui qui est au bord du chemin, de celui qui est replié sur sa douleur? Ceci vaut aujourd'hui pour nous tous, pour toutes les composantes du peuple de Dieu!". De trois manières différentes, passer son chemin, se taire et l'encouragement à se lever. "Passer sans s’arrêter: Certains, peut-être parce qu'ils n'ont pas entendu. Passer, c'est l'écho de l'indifférence, de passer à côté des problèmes et que ceux-ci ne nous touchent pas. Nous ne les entendons pas, nous ne les reconnaissons pas. C'est la tentation de voir la douleur comme quelque chose de naturel, de s'habituer à l'injustice. Nous nous disons que c’est normal, qu'il en a été toujours ainsi. C'est l'écho qui naît dans un cœur blindé, fermé, qui a perdu la capacité d'étonnement et, par conséquent, la possibilité de changement. Il s'agit d'un cœur qui s'est habitué à passer sans se laisser toucher. C'est une existence qui, en passant d'ici vers là-bas, n’arrive pas à s'enraciner dans la vie de son peuple. Nous pourrions l'appeler, la spiritualité du Zapping. Elle passe et repasse, mais rien ne reste. Combien de fois des évêques, des prêtres des religieux entendent sans écouter les cris lancés sur le passage! Ce sont ceux qui courent après la dernière nouveauté, après le dernier Best Seller mais ne réussissent pas à entrer en contact, à entrer en relation, à s’impliquer. On pourrait dire qu'ils étaient attentifs aux paroles du Maître. Je crois que c’est le plus difficile de la spiritualité chrétienne. Comme l'Evangéliste Jean nous le rappelle, comment peut aimer Dieu qu'on ne voit pas celui qui n'aime pas son frère qu'il voit? Diviser cette unité, c'est l'une des grandes tentations qui nous accompagneront tout le long du chemin. Et nous devons en être conscients. Comme nous écoutons notre Père, c’est de cette même manière que nous écoutons le peuple fidèle de Dieu. Passer sans écouter la douleur de nos gens, sans nous enraciner dans leurs vies, dans leur terre, c’est comme écouter la parole de Dieu, sans permettre qu’elle prenne racine en nous et soit féconde. Une plante, une histoire sans racines, c’est une vie sans sève... Non, on ne peut conduire une vie religieuse en pensant, d'accord c'est triste mais il est naturel qu'il y ait des malades, des pauvres, des personnes qui souffrent, qui se lamentent et demandent une aide".

"Tais-toi, c’est la deuxième attitude en face du cri de Bartimée. Tais-toi, ne gêne pas, ne dérange pas. A la différence de l'attitude antérieure, celle-ci écoute, reconnaît, entre en contact avec le cri de l'autre. Elle sait qu'il est là et réagit d'une façon très simple, en le reprenant. C'est l'attitude de ceux qui face au peuple de Dieu, le reprennent continuellement, ronchonnant, en lui ordonnant de se taire. C'est le drame de la conscience isolée, de ceux qui pensent que la vie de Jésus est seulement pour ceux qui se croient aptes. Il semblerait permis que trouvent place seulement les autorisés, une caste de différents qui se sépare peu à peu, en se différenciant de leur peuple. Ils ont fait de l'identité une question de supériorité. Ils écoutent mais n'entendent pas, ils voient mais ne regardent pas. La nécessité de se différencier leur a bloqué le cœur. La nécessité de se dire: Je ne suis pas comme lui, comme eux, les a écartés non seulement du cri de leur gens et de leurs pleurs, mais aussi spécialement des motifs de joie. Rire avec ceux qui rient, pleurer avec ceux qui pleurent, voilà, cela part du mystère du cœur sacerdotal".

Enfin, "Courage, lève-toi. Et finalement nous nous trouvons avec le troisième écho. Un écho qui ne naît pas directement du cri de Bartimée, mais du fait de regarder comment Jésus a agi devant le cri de l'aveugle mendiant. C'est un cri qui se transforme en Parole, en invitation en changement, en proposition de nouveauté face à nos façons de réagir devant le saint peuple de Dieu. Contrairement aux autres, qui passaient, l'Evangile dit que Jésus s'est arrêté et a demandé ce qui se passait. Il s'arrête face au cri d'une personne. Il sort de l'anonymat de la foule pour l'identifier et de cette manière s’engage avec lui. Il s'enracine dans sa vie. Et loin de lui ordonner de se taire, il lui demande: Que puis-je faire pour toi? Il n'a pas besoin de se différencier, de se séparer, il ne le classe pas pour voir s'il est autorisé ou non à parler. Il lui pose seulement une question, l’identifie en voulant faire partie de la vie de cet homme, en voulant assumer le même sort que lui. Ainsi il lui restitue peu à la peu la dignité qu'il avait perdue, il l'inclut. Loin de le voir du dehors, il décide de s’identifier à ses problèmes et ainsi lui manifester la force transformatrice de la miséricorde. Il n’existe pas de compassion qui ne s'arrête pas, n’écoute pas et ne se solidarise pas avec l'autre. La compassion n'est pas du Zapping, ce n'est pas d'étouffer la douleur, au contraire, c'est la logique même de l'amour. C'est la logique qui ne se concentre pas sur la peur mais sur la liberté qui naît du fait d'aimer et met le bien de l'autre au-dessus de toutes choses. C'est la logique qui naît du fait de ne pas avoir peur de s'approcher de la douleur de nos gens. Bien que souvent, ce ne soit que pour être à leur côté et pour faire de ce moment une opportunité de prière. C'est la logique du fait d’être disciple, c'est ce que fait l'Esprit avec nous et en nous. De cela, nous sommes témoins. Un jour, Jésus nous a vus au bord du chemin, assis sur nos douleurs, sur nos misères. Il n'a pas étouffé nos cris, au contraire il s'est arrêté, s'est approché et nous a demandé ce qu'il pouvait faire pour nous. Et grâce à tant de témoins, qui nous ont dit : ‘‘courage lève-toi’’, peu à peu nous avons touché cet amour miséricordieux, cet amour qui transforme, qui nous a permis de voir la lumière. Nous ne sommes pas témoins d'une idéologie, d'une recette, d'une manière de faire de la théologie. Nous sommes témoins de l'amour purificateur et miséricordieux de Jésus. Nous sommes témoins de son agir dans la vie de nos communautés. C'est la pédagogie du Maître, c'est la pédagogie de Dieu avec son Peuple. Passer de l'indifférence du Zapping au Courage, lève-toi, le Maître t’appelle. Non parce que nous sommes spéciaux, non parce que nous sommes meilleurs, non parce que nous sommes fonctionnaires de Dieu, mais seulement parce que nous sommes des témoins reconnaissants de la miséricorde qui nous transforme".


"Nous ne sommes pas seuls sur ce chemin. Nous nous aidons les uns les autres par l'exemple et la prière. Nous avons autour de nous une multitude de témoins. Souvenons-nous de la bienheureuse Nazaria Ignacia, qui a dédié sa vie à l'annonce du Royaume à travers l'attention aux personnes âgées, avec la ‘‘marmite du pauvre’’ pour ceux qui n'avaient pas à manger, en ouvrant des asiles pour les enfants orphelins, des hôpitaux pour les blessés de la guerre, et même en créant un syndicat féminin pour la promotion de la femme. Souvenons-nous aussi de la vénérable Virginia Blanco Tardío, totalement dévouée à l'évangélisation et au soin des personnes pauvres et malades. Elles et tant d’autres constituent un encouragement sur notre chemin. Allons de l’avant grâce à l'aide de Dieu et à la collaboration de tous. Le Seigneur se sert de nous pour que sa lumière arrive aux confins de la terre".

Rencontre du Pape avec les Mouvements populaires


Cité du Vatican, 10 juillet 2015 (VIS). Le dernier rendez-vous du Pape François hier en Bolivie a été son intervention devant la II Rencontre mondiale des Mouvements populaires à Santa Cruz de la Sierra, organisée en collaboration avec le Conseil pontifical Iustitia et Pax et l'Académie pontificale des sciences sociales. La manifestation regroupe trois mille délégués du monde entier, travailleurs précaires, paysans sans terre, habitants de banlieues défavorisées, indigènes et émigrés... La premier Rencontre s'était déroulée au Vatican en octobre dernier, en présence notamment du Président bolivien. Voici le discours du Saint-Père: "J’ai présent à l’esprit cette première rencontre de Rome. Durant ce temps, je vous ai portés dans mon cœur et dans mes prières. Je me réjouis de vous voir ici, échangeant sur les meilleures façons d’affronter les graves situations d’injustice dont souffrent les exclus dans le monde entier... La dernière fois, j’ai senti quelque chose de très beau, la fraternité, l’entraide, l’engagement, la soif de justice. Aujourd’hui, à Santa Cruz de la Sierra, je ressens de nouveau la même chose. Merci pour cela". J’ai appris grâce au Cardinal Turkson "qu’ils sont nombreux dans l’Eglise ceux qui se sentent plus proches des mouvements populaires. Je m'en réjouis beaucoup. De voir l’Eglise ouvrant les portes à vous tous, l’Eglise qui s’implique, accompagne et arrive à systématiser dans chaque diocèse, dans chaque Commission de Justice et Paix, une collaboration réelle, permanente et engagée avec les mouvements populaires. Je vous invite tous, évêques, prêtres et laïcs, ensemble avec les organisations sociales des périphéries urbaines et rurales, à approfondir cette rencontre. Dieu a permis que nous nous voyions une fois encore. La Bible nous rappelle que Dieu écoute le cri de son peuple et je voudrais moi aussi unir de nouveau ma voix à la vôtre: Terre, toit et travail pour tous nos frères et sœurs. Je l’ai dit et je le répète, ce sont des droits sacrés. Cela vaut la peine, cela vaut la peine de lutter pour ces droits. Que le cri des exclus soit entendu en Amérique latine et par toute la terre".

"Commençons par reconnaître que nous avons besoin d’un changement. Je veux clarifier, pour qu’il n’y ait pas de malentendus, que je parle des problèmes communs de tous les latino-américains et, en général, de toute l’humanité. Des problèmes qui ont une racine globale et qu’aujourd’hui aucun pays ne peut résoudre seul. Cette clarification faite, je propose que nous nous posions ces questions:
-Reconnaissons-nous que les choses ne marchent pas bien dans un monde où il y a tant de paysans sans terre, tant de familles sans toit, tant de travailleurs sans droits, tant de personnes blessées dans leur dignité?
-Reconnaissons-nous que les choses ne vont bien quand éclatent tant de guerres absurdes et que la violence fratricide s’empare même de nos quartiers? -Reconnaissons-nous que les choses ne vont pas bien quand le sol, l’eau, l’air et tous les êtres de la création sont sous une permanente menace?
Donc, disons-le sans peur, nous avons besoin d’un changement et nous le voulons.
Par vos lettres comme au cours de nos rencontres, vous m'avez informé des multiples exclusions et les injustices dont vous souffrez dans chaque activité de travail, dans chaque quartier, dans chaque territoire. Elles sont nombreuses et si diverses comme nombreuses et diverses sont les manières de les affronter. Il y a, toutefois, un fil invisible qui unit chacune de ces exclusions. Pouvons-nous le reconnaître? Car, il ne s’agit pas de questions isolées. Je me demande si nous sommes capables de reconnaître que ces réalités destructrices répondent à un système qui est devenu global. Reconnaissons-nous que ce système a imposé la logique du gain à n’importe quel prix sans penser à l’exclusion sociale ou à la destruction de la nature? S’il en est ainsi, disons-le sans peur, nous voulons un changement, un changement réel, un changement de structures. On ne peut plus supporter ce système, les paysans ne le supportent pas, les travailleurs ne le supportent pas, les communautés ne le supportent pas, les peuples ne le supportent pas... Et la terre non plus ne le supporte pas, la sœur terre comme disait saint François. Nous voulons un changement dans nos vies, dans nos quartiers, dans le terroir, dans notre réalité la plus proche, également un changement qui touche le monde entier parce qu’aujourd’hui l’interdépendance planétaire requiert des réponses globales aux problèmes locaux. La globalisation de l’espérance, qui naît des peuples et s’accroît parmi les pauvres, doit substituer cette globalisation de l’exclusion et de l’indifférence! Je voudrais aujourd’hui réfléchir avec vous sur le changement que nous voulons et dont nous avons besoin. Vous savez que récemment j’ai écrit sur les problèmes du changement climatique. Mais, cette fois-ci, je veux parler d’un changement dans l’autre sens. Un changement positif, un changement qui nous fasse du bien. Car nous en avons besoin. Je sais que vous cherchez un changement et pas vous uniquement. Au cours de nos diverses rencontres, au cours de différents voyages, j’ai constaté qu’il existe une attente, une intense recherche, un ardent désir de changement de la part des peuples du monde. Même dans cette minorité toujours plus réduite qui croit bénéficier de ce système règnent l’insatisfaction et spécialement la tristesse. Beaucoup espèrent un changement qui les libère de cette tristesse individualiste asservissante".

"Le temps, frères et sœurs, il semble que le temps soit sur le point de s’épuiser, nous quereller entre nous ne nous a pas suffi, et nous nous nous acharnons contre notre maison. Aujourd’hui, la communauté scientifique accepte ce que depuis longtemps de simples privés dénonçaient déjà on est en train de causer des dommages peut-être irréversibles à l’écosystème. On est en train de châtier la terre, les peuples et les personnes de façon presque sauvage. Et derrière tant de douleur, tant de mort et de destruction, se sent l’odeur de ce que Basile de Césarée appelait le fumier du Diable, l’ambition sans retenue de l’argent qui commande. Le service du bien commun est relégué à l’arrière-plan. Quand le capital est érigé en idole et commande toutes les options des êtres humains, quand l’avidité pour l’argent oriente tout le système socio-économique, cela ruine la société, condamne l’homme, le transforme en esclave, détruit la fraternité entre les hommes, oppose les peuples les uns aux autres, et comme nous le voyons, met même en danger notre maison commune. Je ne veux pas m’étendre en décrivant les effets pernicieux de cette dictature subtile : vous les connaissez. Il ne suffit pas non plus de signaler les causes structurelles du drame social et environnemental contemporain. Nous souffrons d’un certain excès de diagnostic qui nous conduit parfois à un pessimisme charlatanesque ou à nous complaire dans le négatif. En considérant la chronique noire de chaque jour, nous croyons qu’il n’y a rien à faire sauf prendre soin de soi-même ainsi que du petit cercle de la famille et de ceux qui nous sont cher. Alors que puis-je faire, moi, chiffonnier, comptable, ramasseur d’ordures, agent de recyclage, face à tant de problèmes si je gagne à peine assez pour manger? Que puis-je faire, moi, artisan, vendeur ambulant, transporteur, travailleur exclu si je n’ai même pas les droits des travailleurs? Que puis-je faire, moi, paysanne, indigène, pêcheur qui peut à peine résister à l’asservissement des grands groupes? Que puis-je faire, moi, depuis mon bidonville, depuis ma cabane, de mon village, de ma ferme quand je suis quotidiennement discriminé et marginalisé ? Que peut faire cet étudiant, ce jeune, ce militant, ce missionnaire qui parcourt les banlieues et les environs, le cœur plein de rêves, mais sans presqu’aucune solution pour mes problèmes? Ils peuvent faire beaucoup. Vous, les plus humbles, les exploités, les pauvres et les exclus, vous pouvez et faites beaucoup. J'ose vous dire que l'avenir de l'humanité est, dans une grande mesure, dans vos mains, dans votre capacité de vous organiser et de promouvoir des alternatives créatives, dans la recherche quotidienne des 3 T (travail, toit, terre) et aussi, dans votre participation en tant que protagonistes aux grands processus de changement, nationaux, régionaux et mondiaux. Ne vous sous-estimez pas!".

"Vous êtes des semeurs de changement. Ici en Bolivie, j'ai entendu une formule qui me plaît beaucoup, le processus de changement. Le changement conçu non pas comme quelque chose qui un jour se réalisera parce qu’on a imposé telle ou telle option politique ou parce que telle ou telle structure sociale a été instaurée. Nous avons appris douloureusement qu'un changement de structures qui n’est pas accompagné d'une conversion sincère des attitudes et du cœur finit tôt ou tard par se bureaucratiser, par se corrompre et par succomber. Voilà pourquoi me plaît tant l'image du processus, où la passion de semer, d’arroser sereinement ce que d’autres verront fleurir, remplace l'obsession d’occuper tous les espaces de pouvoir disponibles et de voir des résultats immédiats. Chacun de nous n’est qu’une part d’un tout complexe et divers, interagissant dans le temps : des peuples qui luttent pour une signification, pour un destin, pour vivre avec dignité, pour vivre bien. A partir des mouvements populaires, vous assumez des activités de toujours, motivés par l'amour fraternel qui se révèle contre l'injustice sociale. Quand nous regardons le visage de ceux qui souffrent, le visage du paysan menacé, du travailleur exclu, de l'indigène opprimé, de la famille sans toit, du migrant persécuté, du jeune en chômage, de l'enfant exploité, de la mère qui a perdu son fils dans une fusillade parce que le quartier a été accaparé par le trafic de stupéfiants, du père qui a perdu sa fille parce qu'elle a été soumise à l'esclavage ; quand nous nous rappelons ces visages et ces noms, nous sommes retournés face à tant de douleur et nous sommes émus. Car nous avons vu et entendu’, non pas la statistique froide mais les blessures de l'humanité souffrante, nos blessures, notre chair. Cela est très différent de la théorisation abstraite ou de l'indignation élégante. Cela nous émeut, nous fait bouger et nous cherchons l'autre pour bouger ensemble. Cette émotion faite action communautaire ne se comprend pas uniquement avec la raison. Elle a un supplément de sens que seuls comprennent les peuples et qui donne aux vrais mouvements populaires leur mystique particulière. Vous vivez chaque jour au cœur de la tempête humaine. Vous m’avez parlé de vos causes, vos m’avez fait part de vos luttes et je vous en remercie. Chers frères, vous travaillez bien souvent dans ce qui est petit, proche, dans la réalité injuste qui vous a été imposée et à laquelle nous ne vous résignez pas, en opposant une résistance active au système idolâtrique qui exclut, dégrade et tue. Je vous ai vus travailler inlassablement pour la terre et pour l'agriculture paysanne, pour vos territoires et vos communautés, pour la promotion de la dignité de l'économie populaire, pour l'intégration urbaine de vos bidonvilles et campements, pour l'auto construction de logements et le développement d'infrastructure de quartier, et dans tant d'activités communautaires qui visent la réaffirmation de quelque chose de si élémentaire et d’indéniablement nécessaire comme le droit aux 3 T. Cet enracinement dans le quartier, dans la terre, dans le territoire, dans le métier, dans la corporation, ce fait de se reconnaître dans le visage de l'autre, cette proximité de chaque jour, avec ses misères et ses héroïsmes quotidiens, est ce qui permet de vivre le commandement de l'amour, non pas à partir des idées ou des concepts mais à partir de la rencontre authentique entre des personnes, parce que ni les concepts ni les idées ne s'aiment ; ce sont les personnes qui s'aiment. L’engagement, le véritable engagement surgit de l'amour envers des hommes et des femmes, envers des enfants et des vieillards, des populations et des communautés, des visages et des noms qui remplissent le cœur. De ces graines d'espérance semées patiemment dans les périphéries oubliées de la planète, de ces bourgeons de tendresse qui luttent pour subsister dans l'obscurité de l'exclusion, croîtront de grands arbres, surgiront des forêts denses d'espérance pour oxygéner ce monde".

"Je constate avec joie que vous travaillez sur ce qui est proche, en soignant les bourgeons, mais, en même temps, dans une perspective plus ample, en protégeant le bosquet. Vous travaillez dans une perspective qui non seulement aborde la réalité sectorielle que chacun de vous représente et dans laquelle il est heureusement enraciné, mais vous cherchez également à affronter à la racine les problèmes généraux de pauvreté, d'inégalité et d'exclusion. Je vous en félicite. Il est indispensable que, avec la revendication de leurs droits légitimes, les peuples et leurs organisations sociales construisent une alternative humaine à la globalisation qui exclut. Vous êtes des semeurs de changement. Que Dieu vous donne courage, joie, persévérance et passion pour continuer à semer. Soyez sûrs que tôt ou tard nous verrons les fruits. Aux dirigeants, je demande d'être créatifs: Ne perdez jamais l’enracinement dans ce qui est proche, parce que le père du mensonge sait usurper de nobles paroles, promouvoir des modes intellectuelles et adopter des positions idéologiques, mais si vous construisez sur des bases solides, sur les besoins réels et sur l’expérience vivante de vos frères, des paysans et des indigènes, des travailleurs exclus et des familles marginalisées, sûrement vous n’allez pas vous tromper. L’Eglise ne peut pas ni ne doit être étrangère à ce processus dans l’annonce de l’Evangile. De nombreux prêtres et agents pastoraux accomplissent une énorme tâche en accompagnant et en promouvant les exclus dans le monde entier, avec des coopératives, en impulsant des initiatives, en construisant des logements, en travaillant avec abnégation dans les domaines de la santé, du sport et de l’éducation. Je suis convaincu que la collaboration respectueuse avec les mouvements populaires peut renforcer ces efforts et fortifier les processus de changement. Ayons toujours présent au cœur la Vierge Marie, une humble fille d’un petit village perdu dans la périphérie d’un grand empire, une mère sans toit qui a su transformer une caverne d’animaux en la maison de Jésus avec quelques langes et une montagne de tendresse. Marie est signe d’espérance pour les peuples qui souffrent les douleurs de l’enfantement jusqu’à ce que germe la justice. Je prie la Vierge du Carmel, patronne de la Bolivie, afin qu’elle permette que notre rencontre soit ferment de changement. Je voudrais, enfin, que nous pensions ensemble quelques tâches importantes pour ce moment historique, parce que, nous le savons, nous voulons un changement positif pour le bien de tous nos frères et soeurs. Nous voulons un changement qui s’enrichisse, nous le savons aussi, grâce au travail concerté des gouvernements, des mouvements populaires et des autres forces sociales. Mais il n'est pas si facile de définir le contenu du changement, on pourrait dire, le programme social qui reflète ce projet de fraternité et de justice que nous attendons. Dans ce sens, n'attendez pas de ce Pape une recette. Ni le Pape ni l'Eglise n’ont le monopole de l'interprétation de la réalité sociale ni le monopole de proposition de solutions aux problèmes contemporains. J'oserais dire qu'il n’existe pas de recette. L’histoire, ce sont les générations successives des peuples en marche à la recherche de leur propre chemin et dans le respect des valeurs que Dieu a mises dans le cœur, qui la construisent".
"Je voudrais, cependant, proposer trois grandes tâches qui requièrent l'apport décisif de l'ensemble des mouvements populaires:
-La première tâche est de mettre l'économie au service des peuples : les êtres humains et la nature ne doivent pas être au service de l'argent. Disons non à une économie d'exclusion et d'injustice où l'argent règne au lieu de servir. Cette économie tue. Cette économie exclut. Cette économie détruit la terre nourricière. L'économie ne devrait pas être un mécanisme d'accumulation mais l'administration adéquate de la maison commune. Cela implique de prendre jalousement soin de la maison et de distribuer convenablement les biens entre tous. Son objet n'est pas uniquement d'assurer la nourriture ou une convenable subsistance. Ni même, bien que ce serait déjà un grand pas, de garantir l'accès aux 3 T pour lesquels vous luttez. Une économie vraiment communautaire, l’on pourrait dire, une économie d'inspiration chrétienne, doit garantir aux peuples dignité, un accomplissement sans fin Cela implique les 3 T mais aussi l'accès à l'éducation, à la santé, à l'innovation, aux manifestations artistiques et culturelles, à la communication, au sport et au loisir. Une économie juste doit créer les conditions pour que chaque personne puisse jouir d'une enfance sans privations, développer ses talents durant la jeunesse, travailler de plein droit pendant les années d'activité et accéder à une retraite digne dans les vieux jours. C'est une économie où l'être humain, en harmonie avec la nature, structure tout le système de production et de distribution pour que les capacités et les nécessités de chacun trouvent une place appropriée dans l'être social. Vous, et aussi d'autres peuples, vous résumez ce désir ardent d'une manière simple et belle: Vivre bien. Cette économie est non seulement désirable et nécessaire mais aussi possible. Ce n'est pas une utopie et une imagination. C'est une perspective extrêmement réaliste. Nous pouvons l’atteindre. Les ressources disponibles dans le monde, fruit du travail intergénérationnel des peuples et les dons de la création, sont plus que suffisants pour le développement intégral de tout homme et tout l'homme. Le problème est, en revanche, autre. Un système existe avec d'autres objectifs. Un système qui même en accélérant de façon irresponsable les rythmes de la production, même en mettant en œuvre des méthodes dans l'industrie et dans l'agriculture, méthodes préjudiciables à la terre au nom de la productivité, continue de nier à des milliers de millions de frères les droits économiques, sociaux et culturels les plus élémentaires. Ce système porte atteinte au projet de Jésus. La juste distribution des fruits de la terre et du travail humain n'est pas de la pure philanthropie. C'est un devoir moral. Pour les chrétiens, la charge est encore plus lourde, c'est un commandement. Il s'agit de rendre aux pauvres et aux peuples ce qui leur appartient. La destination universelle des biens n'est pas une figure de style de la doctrine sociale de l'Eglise. C'est une réalité antérieure à la propriété privée. La propriété, surtout quand elle affecte les ressources naturelles, doit toujours être en fonction des nécessités des peuples. Et ces nécessités ne se limitent pas à la consommation. Il ne suffit pas de laisser tomber quelques gouttes quand les pauvres agitent cette coupe qui ne se renverse jamais d’elle-même. Les plans d'assistance qui s'occupent de certaines urgences devraient être pensés seulement comme des réponses passagères. Ils ne pourront jamais substituer la vraie inclusion, celle qui donne le travail digne, libre, créatif, participatif et solidaire. Sur ce chemin, les mouvements populaires ont un rôle essentiel, non seulement en exigeant et en réclamant, mais fondamentalement en créant. Vous êtes des poètes sociaux, es créateurs de travail, des constructeurs de logements, des producteurs de nourriture, surtout pour ceux qui sont marginalisés par le marché mondial. J'ai connu de près diverses expériences où les travailleurs, unis dans des coopératives et dans d'autres formes d'organisation communautaire, ont réussi à créer un travail là où il y avait seulement des restes de l'économie idolâtre. Les entreprises récupérées, les marchés aux puces et les coopératives de chiffonniers sont des exemples de cette économie populaire qui surgit de l'exclusion et, petit à petit, avec effort et patience, adopte des formes solidaires qui la rendent digne. Que cela est différent de l’exploitation des marginalisés du marché formel comme des esclaves! Les gouvernements qui assument comme leur la tâche de mettre l'économie au service des peuples doivent promouvoir le raffermissement, l'amélioration, la coordination et l'expansion de ces formes d'économie populaire et de production communautaire. Cela implique d’améliorer les processus de travail, de pourvoir une infrastructure adéquate et de garantir tous les droits aux travailleurs de ce secteur alternatif. Quand l'Etat et les organisations sociales assument ensemble la mission des 3 T, s'activent les principes de solidarité et de subsidiarité qui permettent d'édifier le bien commun dans une démocratie pleine et participative.
-La deuxième tâche est d'unir nos peuples sur le chemin de la paix et de la justice. Les peuples du monde veulent être artisans de leur propre destin. Ils veulent conduire dans la paix leur marche vers la justice. Ils ne veulent pas de tutelles ni d'ingérence où le plus fort subordonne le plus faible. Ils veulent que leur culture, leur langue, leurs processus sociaux et leurs traditions religieuses soient respectés. Aucun pouvoir de fait ou constitué n'a le droit de priver les pays pauvres du plein exercice de leur souveraineté et, quand on le fait, nous voyons de nouvelles formes de colonialisme qui affectent sérieusement les possibilités de paix et de justice parce que la paix se fonde non seulement sur le respect des droits de l'homme, mais aussi sur les droits des peuples particulièrement le droit à l'indépendance. Les peuples de l'Amérique latine ont accouché de leur indépendance politique dans la douleur et, depuis lors, ils ont passé deux siècles d'une histoire dramatique et pleine de contradictions à essayer de conquérir une pleine indépendance. Au cours de ces dernières années, après tant de désaccords, beaucoup de pays latino-américains ont vu croître la fraternité entre leurs peuples. Les gouvernements de la région ont uni leurs efforts pour faire respecter leur souveraineté, celle de chaque pays et celle de l'ensemble de la région, que, comme nos pères, ils appellent si admirablement la Grande Patrie. Je vous demande, frères et sœurs des mouvements populaires, de soigner et d’accroître cette unité. Maintenir l'unité face à toute tentative de division est nécessaire pour que la région croisse dans la paix et la justice. Malgré ces progrès, subsistent encore des facteurs qui compromettent le développement humain équitable et limitent la souveraineté des pays de la Grande Patrie et sous d’autres latitudes de la planète. Le nouveau colonialisme adopte des visages différents. Parfois, c'est le pouvoir anonyme de l'idole argent: Des corporations, des prêteurs sur gages, quelques traités dénommés de libre commerce et l'imposition de mesures d’austérité qui serrent toujours la ceinture des travailleurs et des pauvres. Les évêques latino-américains le dénoncent avec une clarté totale dans le Document d'Aparecida quand ils affirment: Les institutions financières et les entreprises transnationales se fortifient au point de subordonner les économies locales, surtout, en affaiblissant les états, qui apparaissent de plus en plus incapables de conduire des projets de développement au service de leurs populations. En d'autres occasions, sous la noble apparence de la lutte contre la corruption, contre le trafic de stupéfiants ou le terrorisme, des fléaux graves qui requièrent une action internationale coordonnée, nous voyons qu'on impose aux états des mesures qui ont peu à voir avec la résolution de ces questions et bien des fois aggravent les choses. De la même façon, la concentration sous forme de monopoles des moyens de communication sociale qui essaie d'imposer des directives aliénantes de consommation et une certaine uniformité culturelle est l’une des autres formes que le nouveau colonialisme adopte. C'est le colonialisme idéologique. Comme le disent les évêques d'Afrique, souvent on essaie de transformer les pays pauvres en pièces d'un mécanisme, en parties d'un engrenage gigantesque".

"Il faut reconnaître qu'aucun des graves problèmes de l'humanité ne peut être résolu sans l’interaction entre les états et les peuples au plan international. Tout acte d'envergure réalisé dans une partie de la planète se répercute sur l’ensemble en termes économiques, écologiques, sociaux et culturels. Même le crime et la violence se sont globalisés. Par conséquent, aucun gouvernement ne peut agir en marge d'une responsabilité commune. Si nous voulons réellement un changement positif, nous devons humblement assumer notre interdépendance. Mais interaction n'est pas synonyme d'imposition, ce n'est pas une subordination des uns en fonction des intérêts des autres. Le colonialisme, nouveau et ancien, qui réduit les pays pauvres en de simples fournisseurs de matière première et de travail bon marché, engendre violence, misère, migrations forcées et tous les malheurs qui vont de pair, précisément parce que, en ordonnant la périphérie en fonction du centre, le colonialisme refuse à ces pays le droit à un développement intégral. C’est de l’injustice et l’injustice génère la violence qu’aucun recours policier, militaire ni aucun service d'intelligence ne peut arrêter. Disons non aux vieilles et nouvelles formes de colonialisme. Disons oui à la rencontre entre les peuples et les cultures. Bienheureux les artisans de paix. Ici je veux m'arrêter sur un sujet important. Car, quelqu’un pourra dire, avec raison, quand le Pape parle du colonialisme il oublie certaines actions de l'Eglise. Je leur dis, avec peine que de nombreux et de graves péchés ont été commis contre les peuples originaires de l'Amérique au nom de Dieu. Mes prédécesseurs l'ont reconnu, le CELAM l'a dit et je veux le dire également. A l’instar de Jean-Paul II, je demande que l'Eglise s'agenouille devant Dieu et implore le pardon des péchés passés et présents de ses fils. Et je voudrais vous dire, je veux être très clair, comme l’a été Jean-Paul II: Je demande humblement un pardon, non seulement pour les offenses de l’Eglise même, mais pour les crimes contre les peuples autochtones durant ce que l’on appelle la conquête de l’Amérique. Je demande aussi à vous tous, croyants et non croyants, de vous souvenir de tant d'évêques, prêtres et laïcs qui ont annoncé et annoncent la bonne nouvelle de Jésus avec courage et douceur, respect et dans la paix qui sur leur passage en cette vie ont laissé des œuvres émouvantes de promotion humaine et d'amour, souvent auprès des peuples indigènes ou en accompagnant les mouvements populaires de ceux-ci, y compris jusqu'au martyre. L'Eglise, ses fils et ses filles, font partie de l'identité des peuples latino-américains. Une identité qu’ici comme dans d'autres pays certains pouvoirs s’évertuent à effacer, peut-être parce que notre foi est révolutionnaire, parce que notre foi défie la tyrannie de l'idole argent. Aujourd'hui nous voyons avec frayeur comment beaucoup de nos frères au Moyen-Orient et en d'autres endroits du monde sont persécutés, torturés, assassinés pour leur foi en Jésus. Cela, nous devons aussi le dénoncer : en cette troisième guerre mondiale fragmentée que nous vivons, il y a une espèce de génocide en marche qui doit cesser. Frères et sœurs du mouvement indigène latino-américain, permettez-moi de vous manifester mon affection la plus profonde et de vous féliciter pour chercher l’union de vos peuples et cultures, ce que je nomme polyèdre, une forme de cohabitation où les parties conservent leur identité en construisant ensemble une pluralité qui n'attente pas à l’unité, mais la renforce. Votre recherche de cette interculturalité qui combine la réaffirmation des droits des peuples autochtones avec le respect de l'intégrité territoriale des états nous enrichit et nous fortifie tous.
-La troisième tâche, peut-être la plus importante que nous devons assumer aujourd’hui est de défendre la Mère Terre. La maison commune de nous tous est pillée, dévastée, bafouée impunément. La lâcheté dans sa défense est un grave péché. Nous voyons avec une déception croissante comment des sommets internationaux se succèdent les uns après les autres sans aucun résultat important. Il y a un impératif éthique clair, définitif et urgent d’agir, qui n’est pas accompli. On ne peut pas permettre que certains intérêts, qui sont globaux mais non universels, s'imposent, soumettent les pays ainsi que les organisations internationales, et continuent de détruire la création. Les peuples et leurs mouvements sont appelés à interpeller, à se mobiliser, à exiger pacifiquement mais tenacement l'adoption urgente de mesures appropriées. Je vous demande, au nom de Dieu, de défendre la terre. Sur ce thème, je me suis exprimé dûment dans l’encyclique Laudato Si’. Pour finir, je voudrais vous dire de nouveau que l'avenir de l'humanité n'est pas uniquement entre les mains des grands dirigeants, des grandes puissances et des élites. Il est fondamentalement dans les mains des peuples ; dans leur capacité à s’organiser et aussi dans vos mains qui arrosent avec humilité et conviction ce processus de changement. Je vous accompagne. Disons ensemble de tout cœur qu'aucune famille sans logement, aucun paysan sans terre, aucun travailleur sans droits, aucun peuple sans souveraineté, aucune personne sans dignité, aucun enfant sans enfance, aucun jeune sans des possibilités, aucun vieillard sans une vieillesse vénérable. Continuez votre lutte et, s'il vous plaît, prenez grand soin de la terre. Je prie pour vous, je prie avec vous et je veux demander à Dieu notre Père de vous accompagner et de vous bénir, de vous combler de son amour et de vous défendre sur le chemin en vous donnant abondamment cette force qui nous maintient sur pied. Cette force, c’est l'espérance, l'espérance qui ne déçoit pas".


Aujourd'hui 10 juillet, le Pape rendra visite aux détenus d'une prison de haute sécurité, puis rencontrera l'épiscopat bolivien. Peu avant 13 h locales, il gagnera l'aéroport de Santa Cruz de la Sierra d'où l'avion papal décollera à destination du Paraguay.

Autres actes pontificaux


Cité du Vatican, 10 juillet 2015 (VIS). Le Saint-Père a nommé:

Mgr.Dominique Lebrun, Archevêque métropolitain de Rouen (superficie 4.228, population 868.500, catholiques 652.000, prêtres 135, diacres 19, religieux 218), en France. Jusqu'ici Evêque de Saint-Etienne (France), il succède à Mgr.Jean-Charles Descubes, dont la renonciation a été acceptée pour limite d'âge.

Le P.George Bugeja, OFM, Coadjuteur du Vicaire apostolique de Tripoli (Libye). L'Evêque élu, né en 1962 à Xaghara (Malte), a prononcé ses voeux religieux en 1983 et a été ordonné prêtre en 1986. Diplômé en journalisme, il a occupé diverses fonctions au sein de son ordre, a été juge ecclésiastique, curé de paroisse et Official de la Congrégation pour l'évangélisation des peuples.


Avis


Cité du Vatican, 10 juillet 2015 (VIS). En raison du voyage apostolique en Amérique latine, le bulletin V.I.S. sera diffusé demain samedi 11 juillet.


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