Cité
du Vatican, 20 septembre 2013 (VIS). Le Pape François a accordé une
interview diffusée en plusieurs langues par 17 revues de la
Compagnie de Jésus. Elle est le résultat de plus de six heures
d'entretien en août avec le P.Antonio Spadaro, SJ, Directeur de
Civiltà Cattolica. Au long de trente pages, le Pape parle très
librement de lui, de sa vie et de son parcours de jésuite puis
d'évêque. Il y évoque aussi ses goûts culturels et artistiques
(Dostoïevski et Holderin, Borges et Cervantes, Le Caravage et
Chagall, Fellini pour La Strada, Rossellini, ou bien le film Le
festin de Babette, Mozart et Wagner, sa Tétralogie principalement):
Je ne sais pas, dit-il, "quelle est la définition la plus
juste" de moi: "Je suis un pécheur. C’est la définition
la plus juste. Ce n’est pas une manière de parler, ni un genre
littéraire: Je suis un pécheur... Ma manière autoritaire et rapide
de prendre des décisions m’a conduit à avoir de sérieux
problèmes et à être accusé d’ultra-conservatisme". Or "je
crois que la consultation est essentielle. Les consistoires ou les
synodes sont, par exemple, des cadres importants pour rendre vraie et
active cette consultation. Il est cependant nécessaire de les rendre
moins rigides dans leur forme".
"Nombreux
sont ceux qui pensent que les changements et les réformes peuvent
advenir dans un temps bref. Je crois au contraire qu’il y a
toujours besoin de temps pour poser les bases d’un changement réel
et efficace. La sagesse du discernement compense l'inévitable
ambiguïté de la vie et fait trouver les moyens les plus opportuns,
qui ne s’identifient pas toujours avec ce qui semble grand ou
fort... Je vois avec clarté que la chose dont a le plus besoin
l’Eglise aujourd’hui c’est la capacité de soigner les
blessures et de réchauffer le coeur des fidèles, la proximité, la
convivialité. Je vois l’Eglise comme un hôpital de campagne après
une bataille. Il est inutile de demander à un blessé grave s’il a
du cholestérol ou si son taux de sucre est trop haut ! Nous devons
soigner les blessures. Ensuite nous pourrons aborder le reste.
Soigner les blessures, soigner les blessures. Il faut commencer par
le bas. L’Eglise s’est parfois laissé enfermer dans des petites
choses, de petits préceptes. Le plus important et la première
annonce est: Jésus-Christ t’a sauvé! Le peuple de Dieu veut des
pasteurs et pas des fonctionnaires... Au lieu d’être simplement
une Eglise qui accueille et qui reçoit portes ouvertes,
efforçons-nous d’être une Eglise qui trouve de nouvelles routes,
qui est capable de sortir d’elle-même et d’aller vers celui qui
ne la fréquente pas, qui s’en est allé ou qui est indifférent.
Il faut toujours considérer la personne, car nous entrons dans le
mystère de l’homme". Ceci vaut en particulier dans le cas des
divorcés remariés ou des personnes homosexuelles. "Dans la vie
de tous les jours, Dieu accompagne chacun et nous avons le devoir
d'accompagner toutes personnes sans tenir compte de leur condition.
Il faut accompagner avec miséricorde".
"Les
enseignements, tant dogmatiques que moraux, en sont pas tous
équivalents. Une pastorale missionnaire ne peut être obsédée par
la transmission désarticulée d’une multitude de doctrines à
imposer avec insistance. Nous devons donc trouver un nouvel
équilibre" de manière à ce que "l’annonce évangélique
soit plus simple, plus profonde et irradiante. C’est à partir de
cette annonce que viennent ensuite les conséquences morales... Le
génie féminin est nécessaire là où se prennent les décisions
importantes. Aujourd’hui l'enjeu est de réfléchir à la place
précise des femmes, aussi là où s’exerce l’autorité dans les
différents domaines de l’Eglise".
Le
concile "Vatican II fut une relecture de l’Evangile à la
lumière de la culture contemporaine. Il a produit un mouvement de
rénovation qui vient simplement de l’Évangile lui-même. Les
fruits sont considérables. Il suffit de rappeler la liturgie. Le
travail de la réforme liturgique fut un service du peuple en tant
que relecture de l’Evangile à partir d’une situation historique
concrète. Il y a certes des lignes herméneutiques de continuité ou
de discontinuité, pourtant une chose est claire : la manière de
lire l’Évangile en l’actualisant, qui fut propre au Concile, est
absolument irréversible. Il y a ensuite des questions particulières
comme la liturgie selon le Vetus Ordo. Je pense que le choix du Pape
Benoît fut prudentiel, lié à l’aide de personnes qui avaient
cette sensibilité particulière. Ce qui est préoccupant, c’est le
risque d’idéologiser le rite ancien, de l'instrumentaliser...
Chercher Dieu dans le passé ou dans le futur est une tentation. Dieu
est certainement dans le passé, parce qu’il est dans les traces
qu’il a laissées. Et il est aussi dans le futur comme promesse.
Ceci dit le Dieu concret pour ainsi dire, est dans le présent. C’est
pourquoi les lamentations ne nous aideront jamais à trouver Dieu.
Les lamentations qui dénoncent un monde barbare finissent par faire
naître au sein de l’Eglise des désirs d’un ordre entendu comme
pure conservation ou réaction de défense. Non, Dieu se rencontre
dans l’aujourd’hui".
Pour
accéder au texte complet: http: // www.revue-etudes.com
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