Cité
du Vatican, 9 octobre (VIS). Au cours de la IV Congrégation, les
Rapporteurs des groupes linguistiques de travail ont présenté la
synthèse de leurs réflexions sur la première partie de
l'Instrumentum Laboris (mission de la famille et de l'Eglise dans le
monde). Ils ont largement convergé pour estimer qu'il faudrait
donner une lecture moins négative de la société et de la culture,
mais aussi de la la situation de la famille. "Il ne faudrait pas
que la seule option de l'Eglise soit la condamnation", a déclaré
Mgr.Mark Coleridge (Australie). "Il faut plutôt souligner les
aspects positifs et y voir des signes de Dieu. L'Eglise ne vit pas
dans un monde intemporel, détaché des cultures. Elle est elle même
formée de diverses cultures... En nous penchant sur la famille et le
mariage nous sommes conscients de la nécessité de réfléchir sur
la réalité, certes avec les yeux de la foi et selon la volonté
divine. Il faut effectivement cueillir les signes des temps".
Ayant
rappelé que la vie est une expression de l'amour de Dieu pour son
peuple, Mgr.Diarmuid Martin (Irlande) a affirmé que dans toutes les
cultures, les familles trouvent grâce à la foi la force de mener à
bien leur vocation. Le Synode devrait exprimer une forte appréciation
à ces familles. "Parallèlement aux défis socio-culturels
auxquels les familles font face, nous devrions reconnaître
ouvertement l'insuffisance du soutien pastoral de l'Eglise... Nous
avons partagé une réflexion...de laquelle il ressort que loin du
stéréotype d'une famille idéal, on voit plutôt un collage de
différentes familles dans leur milieu social, ethnique et religieux.
Au milieu des difficultés les familles savent exprimer le don de
l'amour et le don de la foi...ce qui peut conduire à un discernement
plus profond de la façon dont elles souffrent de la marginalisation
et des formes de pauvreté qui vont au-delà de la pauvreté
économique. Un tel discernement devrait nous aider à identifier les
groupes familiaux...qui se trouvent dans une situation similaire à
celle de Jésus et de ses parents, pour qui il n'y avait pas de place
à l'auberge... N'oublions donc pas les familles souffrant de
l'exclusion, les familles qui sont victimes de discrimination ou
marginalisés à cause de leur foi en Jésus-Christ... Les situations
dans lesquelles les familles aspirent à vivre leur vocation sont
variées... Chaque Eglise locale devrait essayer d'identifier les
situations particulières de la marginalisation de la famille dans
leur propre société... Les jeunes, qui vivent dans une culture
ultra sexualisée, ont besoin d'être éduqués à la culture du don
de soi, qui est la base de l'auto-don de l'amour conjugal. Les jeunes
ont besoin de développer la capacité de vivre en harmonie avec les
émotions et les sentiments, et de trouver une maturité dans les
relations aux autres. Cela peut être un antidote à l'égoïsme et à
l'isolement, qui conduisent souvent les jeunes à un manque de sens à
leur vie et même au désespoir, l'automutilation et le suicide. La
générosité et l'espoir sont à l'origine d'une culture de la
vie... L'humanisation de la société et notre avenir à tous
dépendra de la façon dont une communauté réalisera le rêve de
Dieu pour sa création. Nous ne pouvons que rendre grâce à Dieu
pour nos familles chrétiennes qui, par leur amour et de don de soi,
même imparfait, ouvrir leur cœur à l'amour de guérison de Dieu
révélé en Jésus-Christ".
Mgr.Paul-André
Durocher (Canada), a d'abord rappelé que les pères synodaux sont
des hommes de famille. Nous avons des parents, des frères et des
soeurs, des beaux-frères et des belles-soeurs, des cousins et
cousines, des neveux et des nièces. Les familles dont nous parlons
ne nous sont pas étrangères, elles font partie de nos vies... Cela
doit paraître dans notre langage, dans le ton de notre texte, dans
notre souci et notre compassion pour les familles de toute la terre.
Il y a un danger à parler de la famille dans l’abstrait, comme
d’une réalité qui nous est extérieure. Il faut s’efforcer de
parler des familles...dans leur réalité concrète et variée. En
particulier, il faut favoriser la solidarité internationale entre
toutes les familles chrétiennes en faveur de celles qui aujourd’hui
connaissent la persécution, la guerre et la précarité. Mais nous
sommes aussi des hommes de foi" qui ne prétendent "pas
être psychologues, sociologues ou économes, même si certains de
nous on une formation poussée en ces domaines. Nous parlons d’abord
en hommes de foi, et cela doit se voir... Enfin, nous sommes des
pasteurs. Notre souci, c’est que la mission que le Christ a confiée
à son Eglise, la mission qu’est l’Eglise, se réalise de mieux
en mieux dans le monde d’aujourd’hui. Tout l’effort synodal
doit tendre vers ce but. Le texte que nous élaborons doit être
motivé par cette préoccupation fondamentale... Il faut aider les
familles à répondre à deux questions, celle de la vocation
(famille, qui es-tu?) et celle de la mission (famille, que fais-tu?).
Tout le reste, aussi intéressant qu’il soit, est secondaire. Notre
texte devrait être épuré selon ce critère. Surtout,
rappelons-nous que la pastorale familiale n’est pas seulement
l’action de l’institution ecclésiale en faveur des familles,
mais l’action de l’Eglise qui se réalise dans la famille et par
la famille. Voilà la vraie nouveauté de la pastorale familiale que
nous sommes appelés à développer en cette assemblée synodale...
Mais notre analyse doit être lucide, car nous voulons que notre
pastorale soit enracinée dans la réalité. En particulier, il nous
faut reconnaître que l’anthropologie implicite de la culture
moderne est loin de la vision chrétienne. Son insistance sur
l’individu, doué d’une liberté sans borne, souvent lié au
relativisme moral, contraste avec notre conviction que la personne
humaine est faite pour être en relation, à l’image du
Dieu-Trinité. La famille est plus qu’une unité de base sociale,
elle est la matrice de la personne humaine en devenir... Nous tenons
à souligner deux aspects de cette nouvelle culture qui nous
préoccupent profondément. L’un est l’apparition...d'une
idéologie des genres... L’autre aspect qui nous préoccupe
hautement, c’est le développement de technologies bioéthiques qui
permettent de décomposer et de recomposer le vivant lui-même...
Devant ces deux réalités, nous devons tous être vigilants et
engagés".
Par
ailleurs, Mgr.Laurent Ulrich (France), a souligné qu'il ne fallait
pas concentrer toute l'attention sur la seule sacramentalité du
mariage, ni se limiter aux problèmes et situations douloureuses de
la vie familiale. "Il n'est pas bon que le Synode tourne
seulement autour des problèmes et crises que traversent les familles
en Occident... Il existe des familles qui vivent heureusement leur
enracinement dans le Christ et dans la foi... Il nous faut partir de
ce qui est vécu par les familles, et qui constitue des points
d'appui pour une annonce de l'Evangile". Il est nécessaire
d'adopter "le point de vue de la vie des familles, sans se
limiter à celle des couples et au mariage, même s'il est essentiel
de l'aborder... Quoi qu'il en soit, certains, qui ont de
l'expérience, expriment une certaine inquiétude": Qu'une
partie de nos propositions, "rédigées et adoptées après de
bons débats ne soient pas retenues... Ceci dit, dans une discussion
qui concerne les aspects si concrets et si multiples de la vie des
familles, nous sentons que nous faisons là une expérience unique de
catholicité, laquelle n'est jamais définitivement acquise. C'est un
don de Dieu qui nous est fait à travers cette expérience d'Eglise.
Il nous faut le recevoir, le vivre avec fidélité, l'approfondir en
vérité. Il nous faut prendre le temps de nous écouter, d'aller au
fond de nos réflexions et de les partager.. en vertu des expériences
que nous exprimons. C'est avec précaution que nous avançons, c'est
un défi très intéressant d'accueil et d'écoute mutuelle qui nous
est lancé" dans ce Synode.
Le
Cardinal Sarah (Cor Unum), a résumé les réflexions de son groupe
en trois points: 1) La nécessaire prise en compte de la diversité
des contextes socio-culturels et des situations pastorales. 2) Les
attentes exprimées: Que le Synode réussisse à faire comprendre la
confiance de l’Eglise dans les familles; qu'il donne des repères
et permette à la famille de vivre sa vocation et sa mission selon le
plan de Dieu et l’enseignement de l’Eglise; qu’il sache
exprimer son soutien aux familles du Proche et du Moyen Orient,
souvent éparpillées et tentées par l’émigration; qu’il ait
aussi un regard positif sur la famille qui demeure une école
d’humanité; qu'au-delà des causes profondes de certaines
turbulences actuelles, il aide les membres des familles, à reprendre
force et espérance. 3) Il convient d'examiner attentivement les
causes des perturbations qui affectent la famille et, à travers
elle, la société; il faut demeurer dans une réflexion enracinée
dans le Christ; il faut une intervention magistérielle qui vise à
donner plus de cohérence à un ensemble de textes qui, d’ordre
théologique et canonique, semblent plus juxtaposés qu’articulés.
Ensuite, à propos de la première partie de l'Instrumentum Laboris,
deux observations générales ont été formulées: L’analyse
proposée de la famille présente souvent un caractère négatif avec
des termes forts... Le texte est marqué par une problématique très
européenne voire trop européenne, au risqué de voir les choses à
travers un certain prisme... Il convient de rappeler que la famille
est le pilier incontournable et irremplaçable de la vie en société,
qu’elle est “le fondement de la société, ce qui oblige
l’Eglise, experte en humanité, à affronter la question de la
famille aujourd’hui dans sa vocation et sa mission propre. La
théorie du genre a fait l’objet d’une ample discussion...qui a
souligné son caractère idéologique, notamment quand elle est
diffusée voire imposée par certaines organisations
internationales... Nous avons par contre beaucoup apprécié la
manière dont l’Instrumentum Laboris insiste sur la dignité de la
femme, sur son rôle propre et ses responsabilités... Cette juste
insistance appelle à considérer que les femmes se trouvent parfois
minorées ou oubliées... Plusieurs autres problèmes ont été
retenus, notamment le défi du handicap, le défi économique et plus
particulièrement le défi des migrations... Nous avons aussi
considéré les familles appartenant aux Eglises orientales
catholiques", contraintes à l’émigration et aux conséquences
du phénomène sur les sociétés d'accueil. Ce volet a également
été souligné par le groupe italianophone, qui a insisté sur la
prise en compte de l'insertion, y compris du point de vue culturel et
religieux. Le Cardinal Mauro Piacenza a tenu à rappeler le problème
des enfants soldats, des nouvelles formes d'esclavage frappant les
femmes, leur exploitation y compris ce qu'on définit comme la
location d'utérus.
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