Cité
du Vatican, 1 décembre 2015 (VIS). Comme à son habitude, durant le
vol de retour vers Rome hier, le pape a parlé avec les journalistes
dans l'avion. Suit une sélection de questions et réponses:
Qu'avez-vous
éprouvé face à tant de témoignages d'exclusion et de corruption
racontés par les familles pauvres du bidonville de Kangemi et les
jeunes au Kenya?
''Les
80% de la richesse du monde seraient entre les mains de 17% de la
population. Je ne sais pas si c'est vrai, mais...il est certain que
le coeur du système économique mondial est le dieu argent. si les
choses continuent comme ça, le monde n'avancera pas... J'ai ressenti
de grandes souffrances, par exemple à l'hôpital pédiatrique de
Bangui... Et soins intensifs ils n'ont même pas le matériel pour
l'oxygène. Le médecin m'a dit que la plupart de ces enfants
allaient mourir parce qu'ils sont mal nourris et souffrent du
paludisme... Qu'en pensent ceux qui détiennent 80% de la richesse
du monde?''.
Quel
fut le moment le plus fort de cette visite en Afrique?
''J'ai
été surpris par l'Afrique. Dieu nous surprend, mais l'Afrique aussi
m'a plusieurs fois surpris... Les africains ont un grand sens de
l'hospitalité...même si chaque pays a sa propre identité. Le Kenya
est plus moderne, plus développé. L'Ouganda a l'identité des
martyrs...qui ont le courage de donner leur vie pour un idéal. Et la
Centrafricaine démontre un grand désir de paix, de réconciliation
et de pardon''.
A
propos de Vatileaks, le Saint-Père a dit que "la presse
professionnelle, laïque ou religieuse, doit avant tout être
professionnelle. Pour moi il est important qu'il s'agisse de vrais
professionnels, parce que la dénonciation des injustices et de la
corruption est un travail utile... Ils disent là il y a de la
corruption, les responsables doivent faire quelque chose, juger,
constituer un tribunal. Mais la presse spécialisée doit éviter les
trois péchés les plus communs que sont la désinformation ou ne
dire les choses qu'à moitié, la calomnie et...la diffamation, qui
nuit à la réputation d'une personne...qui a éventuellement mal
fait dans le passé... Voici les trois défauts qui compromettent le
professionnalisme de la presse. Or, nous avons besoin de
professionnalisme''.
Et
à propos de la plate-forme constituée par l'Archevêque de Bangui
et d'autres dignitaires religieux, ne pensez-vous pas que c'est un
risque d'intervenir en politique?: ''Cela ne signifie pas faire de la
politique. Agir pour un prêtre, un pasteur, un imam, un rabbin, fait
partie de sa vocation. C'est faire de la politique que de prêcher
les valeurs réelles? L'une des plus grandes valeurs est la
fraternité entre nous... Le fondamentalisme est une maladie que l'on
trouve dans toutes les religions. Nous, catholiques, avons nos
fondamentalistes. Ils sont nombreux et croient qu'ils ont la vérité
absolue, salissant les autres au moyen de la diffamation et de la
calomnie, faisant ainsi beaucoup de mal... Le fondamentalisme
religieux est pas religieux. Pourquoi? Parce que Dieu y est absent.
Le fondamentalisme est idolâtrie comme l'argent. Alors agir comme
ces dignitaires religieux en Centrafirque c'est faire de la politique
dans le sens de convaincre les fondamentalistes religieux''.
Un
journaliste italien a demandé pourquoi avaient été nommés deux
des accusés de Vatileaks, Mgr.Vallejo Balda et Mme.Francesca
Inmacolata Chaouqui: ''Je pense quune erreur a été commise. Mgr
Vallejo Balda était déjà le Secrétaire de la Préfecture pour les
affaires économiques. Je ne suis pas sûr de savoir comment il est
arrivé à ce poste, mais je ne crois pas me tromper si je dis - mais
je ne suis pas sûr- qui a présenté Mme.Chaouqui comme une personne
qui connaissait le monde des relations commerciales... ils ont
travaillé ensemble dans la COSEA. Après la fin des travaux de la
commission il resté en poste au Vatican tandis que Mme.Chaouqui
s'est retirée... On dit qu'elle était en colère parce qu'elle
n'était pas resté... Le tribunal nous dira la vérité sur leurs
intentions. Pour moi ce qui a été publié n'a pas été une
surprise. Ça ne m'a pas empêché de dormir, parce qu'on savait le
travail entrepris par la Commission des Cardinaux pour identifier la
corruption et tout ce qui ne fonctionne pas. Et là, je veux dire
quelque chose à propos de la corruption. Treize jours avant la mort
de Jean-Paul II, le Cardinal Ratzinger avait parlé de la saleté
dans l'Eglise... Il fut le premier à la dénoncer...et lors de la
messe Pro Eligendo Pontife, en tant que Doyen, a repris cette
question. Nous l'avons choisi pour sa liberté de dire ces choses.
Dès lors on savait que la corruption était dans l'air.... En ce qui
concerne la corruption au Vatican, j'ai fourni aux juges des
accusations concrètes, car ce qui importe pour la défense c'est la
formulation des chefs d'inculpation. Je n'ai pas lu les charges
techniques, et j'aurais aimé que tout soit réglé avant le 8
décembre... Mais je crois que cela ne sera pas possible...parce que
les avocats de la défense doivent avoir le temps de se préparer".
Le
Sida continue de ravager l'Afrique. La prévention étant la clef, il
a été demandé au Pape s'il n'était pas temps de changer la
position de l'Eglise sur l'utilisation des préservatifs.
"La
question semble trop limitée et même partielle. Oui, c'est une des
méthodes. Mais je crois qu'au plan moral l'Eglise se trouve devant
une perplexité: Le le cinquième ou le sixième commandement?
Défendre la vie ou que le rapport sexuel soit ouvert à la vie? Mais
ce n'est pas la question. Le problème est plus grande. Cette
question me fait penser à celle faite à Jésus Dis-moi, Maître,
est-il permis de guérir le jour du Sabbat?... Mais sont obligatoires
la malnutrition, l'exploitation des personnes, le travail forcé, le
manque d'eau potable? Ce sont les vrais problèmes. Nous ne demandons
pas si vous pouvez utiliser un bandage ou un autre pour une petite
blessure. La grande plaie est l'injustice sociale, l'injustice
environnementale, l'injustice, l'exploitation et la malnutrition...
Quand donc tout le monde sera guéri, quand aucune de ces maladies
tragiques causées par l'homme, par l'injustice sociale ou l'avidité
de l'argent? Voila la question qui m'intéresse devant tous ces gens
qui meurent de faim, de manque d'eau, d'un toit... Est-il permis de
guérir le jour du Sabbat? Pourquoi continuer à fabriquer des armes
et en faire commerce?... Je ne veux pas réfléchir s'il est bon ou
non de guérir le jour du sabbat. Je dis à l'humanité de faire
justice, et quand tout le monde sera guéri, quand il y aura pas
d'injustice dans ce monde, nous pouvons parler du Sabbat.
Le
Pape a-t-il prévu d'aller en avril prochain en Arménie?: "L'an
dernier, j'ai promis aux trois patriarches arméniens...mais je ne
sais si ce sera possible le faire...à cause de conflits.... Les
guerres en cours sont des guerres d'ambition, je parle des guerres
qui ne sont pas celles faites pour se défendre d'un agresseur. Je
parle des guerres qui sont une industrie... La guerre est une affaire
pour les ventes d'armes. Les terroristes ont leurs armes... Qui les
leur fournit pour faire la guerre? Il y a tout un réseau d'intérêts
derrière, fait d'argent ou de pouvoir. Le pouvoir impérialiste ou
le pouvoir économique... Les guerres ne sont pas le fait de Dieu,
qui est le Dieu de la paix''.
La
Conférence de Paris sur les changements climatiques sera-t-elle le
début d'une solution au problème de l'environnement: ''Je ne suis
pas sûr, mais je peux vous dire c'est maintenant ou jamais. Chaque
année, les problèmes sont plus sérieux... Nous sommes suicidaires,
et ce n'est pas un mot trop fort. Et je suis sûr que presque tout
les participants à la Cop21 ont cette conscience et veulent faire
quelque chose. Je fais confiance à ces gens vont faire quelque
chose... Ils ont cette volonté et je prie pour cette conférence".
Un
journaliste américain a demandé ce qu'avaient à dire au monde
l'islam et les enseignements de Mahomet?: "On peut parler avec
eux car ils ont des valeurs. Beaucoup de valeurs constructives. La
prière et le jeûne, par exemple... Vous ne pouvez pas supprimer une
religion, car certains groupes...sont fondamentalistes. Il est vrai
que dans l'histoire il y a toujours eu des guerres de religion...
Nous aussi devons présenter des excuses...pour la guerre de Trente
Ans, la St.Barthélemy... Il faudrait présenter des excuses pour
l'extrémisme fondamentaliste de nos Guerres de religion''.
La
visite au Mexique et à d'autres pays d'Amérique latine a alors été
évoquée: ''Je vais aller au Mexique. Visiter d'abord la Vierge,
Mère de l'Amérique... Si il n'y avait pas la Vierge de Guadalupe,
je ne serais pas allé à Mexico...mais visiter trois ou quatre
villes qui ont jamais été visitées par mes prédécesseurs. Mais
je vais au Mexique, pour la Vierge. Ensuite, je vais aller au
Chiapas, dans le sud, à la frontière avec le Guatemala...puis à
Morella; et presque certainement à Ciudad Juarez. On m'a invité à
aller en 2017 à Aparecida, patronne de l'Amérique lusophone et à
partir de là dans un autre pays voisin du Brésil... Mais je ne sais
pas, il n'y pas encore de plans''.
Que
diriez-vous à ceux qui pensent que l'Afrique est seulement déchirée
par les guerres et en pleine de destruction?
''L'Afrique
est une victime. L'Afrique a toujours été exploitée par d'autres
puissances. Des africains ont été amenés en Amérique et vendus
comme esclaves. Il y a des puissances qui veulent seulement s'emparer
des grandes richesses de l'Afrique... Peut-être est-elle le
continent le plus riche... Mais ils ne pensent pas contribuer à sa
croissance. Plutôt que de donner à tout le monde a un emploi , ils
poursuivent son exploitation! L'Afrique est un martyr, martyr de
l'exploitation de l'histoire. Ceux qui disent que de l'Afrique
viennent toutes les catastrophes et toutes les guerres ne peuvent pas
comprendre les dégâts que causent à l'humanité certaines formes
de développement. Par conséquent, j'aime l'Afrique parce qu'elle
est et a été la victime de certaines puissances".
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