Cité
du Vatican, 5 octobre 2015 (VIS). Samedi soir Place St.Pierre, le
Pape a présidé la veillée avec les familles, organisée par la
Conférence épiscopale italienne en prélude au Synode des évêques.
Voici l'intervention du Saint-Père: "Pourquoi
allumer une petite bougie dans l’obscurité qui nous entoure?
N’aurait-on pas besoin de tout autre chose pour dissiper
l’obscurité? Mais peut-on vaincre les ténèbres? A certains
moments de la vie...de semblables interrogations s’imposent. Face
aux exigences de l’existence, la tentation amène à se retirer, à
déserter et à se fermer, peut-être au nom de la prudence et du
réalisme, en fuyant ainsi la responsabilité de faire sa part
jusqu’au bout. Rappelez-vous l’expérience d’Elie? Le calcul
humain suscite chez le prophète la peur qui le pousse à chercher un
refuge" dans une caverne de l’Horeb, la montagne de Dieu.
Là...il trouva la réponse non dans le vent impétueux qui brise les
rochers, non dans le tremblement de terre et pas même dans le feu.
La grâce de Dieu n’élève pas la voix. C’est un murmure, qui
rejoint tous ceux qui sont disposés à en écouter...ce silence
sonore qui nous exhorte à sortir, à retourner dans le monde,
témoins de l’amour de Dieu pour l’homme, pour que le monde
croie". L'année dernière, sur cette même Place, nous avons
invoqué l’Esprit Saint pour les pères synodaux. "Ce
soir, notre prière ne peut être autre. Parce que...sans l’Esprit
Saint, Dieu est loin, le Christ reste dans le passé, l’Eglise
devient une simple organisation, l’autorité se transforme en
domination, la mission en propagande, le culte en évocation, l’agir
des chrétiens en une morale d’esclaves".
"Prions
donc, pour que le Synode qui s’ouvre demain sache ramener
l’expérience conjugale et familiale à une image accomplie de
l’homme, pour qu’il reconnaisse, valorise et propose tout ce
qu’il y a en elle de beau, de bon et de saint, pour qu’il
embrasse les situations de vulnérabilité qui la mettent à
l’épreuve, comme la pauvreté, la guerre, la maladie, le deuil,
les relations blessées et défaites d’où surgissent malaises,
ressentiments et ruptures, pour qu’il rappelle à ces familles,
comme à toutes les familles, que l’Évangile demeure une “Bonne
Nouvelle” d’où toujours repartir. Que du trésor de la tradition
vivante, les Pères sachent tirer des paroles de consolation et des
orientations d’espérance pour des familles appelées à construire
en ce temps l’avenir de la communauté ecclésiale et de la cité
de l’homme. Chaque famille, en effet, est toujours une lumière,
bien que faible, dans l’obscurité du monde. L’histoire même de
Jésus parmi les hommes prend forme au sein d’une famille, à
l’intérieur de laquelle il restera pendant 30 ans...
Mieux
que d'autres, Charles de Foucauld avait deviné la portée de la
spiritualité qui émane de Nazareth. Ce grand explorateur abandonna
en hâte la carrière militaire, fasciné par le mystère de la
Sainte Famille, de la relation quotidienne de Jésus avec ses parents
et ses proches, du travail silencieux, de la prière humble.
Regardant la Famille de Nazareth, frère Charles discerna la
stérilité du désir de richesse et de pouvoir, il se fit tout à
tous par l’apostolat de la bonté. Attiré par la vie érémitique,
il comprit qu’on ne grandit pas dans l’amour de Dieu en évitant
la servitude des relations humaines. Parce que c’est en aimant les
autres qu’on apprend à aimer Dieu. C’est en se penchant vers son
prochain qu’on s’élève jusqu’à Dieu. A travers la proximité
fraternelle et solidaire avec les plus pauvres et les plus
abandonnés, il comprit que, finalement, ce sont eux qui nous
évangélisent, en nous aidant à grandir en humanité. Pour
comprendre aujourd’hui la famille, entrons nous aussi dans le
mystère de la famille de Nazareth, dans sa vie cachée, ordinaire et
commune, comme celle du plus grand nombre de nos familles, avec leurs
peines et leurs joies simples, vie tissée de patience sereine dans
les contrariétés, de respect pour la condition de chacun, de cette
humilité qui libère et fleurit dans le service, vie de fraternité
qui surgit du fait de se sentir partie d’un unique corps. La
famille est le lieu d’une sainteté évangélique, réalisée dans
les conditions les plus ordinaires. Il s’y respire la mémoire des
générations et s’y enfoncent des racines qui permettent d’aller
loin. C’est le lieu du discernement, où on s’éduque à
reconnaître le dessein de Dieu sur sa propre vie et à l’embrasser
avec confiance. C’est un lieu de gratuité, de présence discrète,
fraternelle et solidaire, qui apprend à sortir de soi-même pour
accueillir l’autre, pour pardonner et se sentir pardonnés.
Repartons de Nazareth pour un Synode qui, plus que parler de la
famille, sache se mettre à son école, dans la disponibilité à en
reconnaître toujours la dignité, la consistance et la valeur,
malgré les nombreuses peines et contradictions qui peuvent la
marquer. Dans la Galilée des nations de notre temps, nous
retrouverons l’épaisseur d’une Eglise qui est mère, capable
d’engendrer à la vie et attentive à donner continuellement la
vie, à accompagner avec dévouement, tendresse et force morale.
Parce que si nous ne savons pas unir la compassion à la justice,
nous finissons par être inutilement sévères et profondément
injustes. Une Eglise qui est famille sait se situer avec la proximité
et l’amour d’un père qui vit la responsabilité du gardien, qui
protège sans se substituer, qui corrige sans humilier, qui éduque
par l’exemple et la patience. Parfois simplement, par le silence
d’une attente priante et ouverte. Et surtout, une Eglise d’enfants
qui se reconnaissent frères, qui n’arrive jamais à considérer
quelqu’un uniquement comme un poids, un problème, un coût, une
préoccupation ou un risque, qui reconnaît dans l’autre
essentiellement un don, qui reste tel même quand il parcourt des
chemins différents. C’est une maison ouverte, loin des grandeurs
extérieures, accueillante dans le style sobre de ses membres et, à
cause de cela, accessible à l’espérance de paix qui est présente
en chaque homme, y compris en tous ceux qui éprouvés par la vie ont
le cœur blessé et souffrant. Cette Eglise peut
vraiment éclairer la nuit de l’homme, lui montrer avec crédibilité
le but et en partager les pas, justement parce que, la première,
elle vit constamment rénovée par la miséricorde de Dieu".
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