Cité
du Vatican, 26 novembre 2013 (VIS). Ce
matin, près la Salle de Presse, Mgr.Rino Fisichella, Président du
Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation, Mgr.Lorenzo
Baldisseri, Secrétaire général du Synodes des évêques, et
Mgr.Claudio Celli, Président du Conseil pontifical pour les
communications sociales, ont présenté l'exhortation apostolique
Evangelii Gaudium (La joie de l'Evangile), écrite par le Saint-Père
dans le sillage du synode d'octobre 2012. Le document se compose de
222 pages divisées en une présentation et cinq chapitres (La
transformation missionnaire de l'Eglise, Dans la crise de
l'engagement communautaire, L'annonce de l'Evangile, Tout le peuple
de Dieu annonce l'Evangile, La dimension sociale de l'évangélisation,
Evangélisateurs avec l'Esprit). Voici le texte prononcé par
Mgr.Fisichella, avec les renvois de paragraphe des citations:
"L’Exhortation
apostolique du Pape François écrite à la lumière de la joie, pour
redécouvrir la source de l’évangélisation dans le monde
contemporain. C’est ainsi que l’on pourrait résumer le contenu
de ce nouveau document que le Pape François donne à l’Eglise pour
préciser les chemins que la pastorale doit emprunter dans un avenir
immédiat. C’est une invitation à retrouver une vision prophétique
et positive de la réalité, sans pour autant se cacher les
difficultés. Le Saint-Père nous encourage et nous engage à
regarder devant nous, au-delà de ce temps de crise, faisant une
nouvelle fois de la croix et de la résurrection du Christ l’étendard
de la victoire (85). A plusieurs reprises, le Pape fait référence
aux Propositiones du synode de 2012, montrant ainsi combien la
contribution du synode fut importante dans la rédaction de cette
exhortation. Le document va cependant plus loin que l’expérience
synodale. Le Pape y imprime non seulement sa propre expérience
pastorale, mais aussi l’invitation à accueillir le moment de grâce
que vit l’Eglise, afin d’avancer avec foi, conviction et
enthousiasme la nouvelle étape de l’évangélisation. Reprenant
l’enseignement de Evangelii nuntiandi de Paul VI, il place de
nouveau au centre la personne de Jésus-Christ, premier
évangélisateur qui appelle chacun de nous à prendre part avec lui
à l’œuvre du salut (12). L’action missionnaire est le paradigme
de toute œuvre de l’Eglise (15) affirme le Saint Père. C’est
pourquoi il nous faut accueillir ce temps favorable pour discerner et
vivre la nouvelle étape de l’évangélisation (17) qui s’articule
autour de deux thèmes qui forment la trame de l’exhortation. D’une
part, le Pape François s’adresse aux Eglises particulières,
confrontées aux défis et aux opportunités propres aux différents
contextes culturels, pour qu’elles soient en mesure de spécifier
le travail de nouvelle évangélisation dans leurs pays. D’autre
part, le Pape indique un dénominateur commun, pour que toute
l’Eglise, et chaque évangélisateur, puisse adopter une méthode
commune, signe que l’évangélisation est un chemin où l’on
marche à plusieurs, jamais de façon isolée. Les sept points,
regroupés dans les cinq chapitres de l’exhortation, constituent la
vision du Pape à propos de la nouvelle évangélisation: La réforme
de l’Eglise sur la voie de la mission, les tentations des agents
pastoraux, l’Eglise comprise comme la totalité du peuple de Dieu
qui évangélise, l’homélie et sa préparation, l’intégration
sociale des pauvres, la paix et le dialogue social, les motivations
spirituelles de l’engagement missionnaire. Le lien entre tous ces
thèmes est l’amour miséricordieux de Dieu qui va à la rencontre
de chacun pour manifester le cœur de la révélation, la vie de
chacun trouve son sens dans la rencontre de Jésus-Christ et dans la
joie de partager cette expérience d’amour avec les autres (8).
Le
premier chapitre développe la réforme de l’Eglise sur la voie de
la mission, appelée à sortir d’elle-même pour aller à la
rencontre des autres. Le Pape y exprime la dynamique de l’exode et
du don que représente le fait de sortir de soi, de cheminer et de
semer toujours, et toujours plus loin (21). L’Eglise doit faire
sienne l’intimité de Jésus qui est une intimité itinérante
(23). Comme nous y sommes désormais habitués, le Pape s’attarde
en des expressions qui font leur effet et crée des néologismes pour
faire comprendre la nature de l’évangélisation. Parmi eux, le
Primerear, c’est-à-dire Dieu qui nous précède dans l’amour,
montrant à l’Eglise le chemin à parcourir. L’Eglise n’est pas
dans une obscure impasse, mais avance sur les pas du Christ (Cf 1 P
2, 21), pour cela sûre du chemin qu’elle parcourt. C’est
pourquoi elle avance sans peur. Elle sait qu’elle doit aller à la
rencontre, chercher ceux qui sont loin, parvenir jusqu’aux
croisements des routes pour inviter les exclus. Son désir de
proposer la miséricorde est inépuisable (24). Pour aller dans cette
voie, le Pape François insiste sur la « conversion pastorale, qui
veut dire passer d’une vision bureaucratique, statique et
administrative de la pastorale à une perspective missionnaire, où
la pastorale est en état permanent d’évangélisation (25). De
même qu’il y a des structures qui facilitent et soutiennent la
pastorale missionnaire, il y a malheureusement « des structures
ecclésiales qui peuvent conditionner le dynamisme évangélisateur »
(26). L’existence de pratiques pastorales dépassées et fanées
oblige à la créativité pour repenser l’évangélisation. En ce
sens, le Pape affirme qu'une détermination des objectifs sans un
travail de recherche communautaire des moyens à prendre pour les
atteindre est vouée à demeurer une pure fantaisie (33). Il faut
donc se concentrer sur l’essentiel (35) et savoir que seule une
dimension systématique, c’est à dire unifiée, progressive et
proportionnée de la foi, peut nous venir en aide. L’Eglise doit
pouvoir établir une hiérarchie des vérités et sa relation avec le
cœur de l’Evangile (37 - 39). Il nous faudra éviter de tomber
dans le piège d’une présentation de la foi seulement sous son
aspect moral, en d’éloignant du caractère central de l’amour.
Dans le cas contraire, l’édifice moral de l’Eglise risque de
s’effondrer comme un château de carte, et ceci est le plus grand
danger (39). Le Pape insiste fortement pour que l’on trouve
l’équilibre entre le contenu de la foi et le langage pour
l’exprimer. La rigidité avec laquelle on tient à la précision du
langage peut parfois en ruiner le contenu en se détournant d’une
authentique vision de la foi (41). Le passage important de ce
chapitre est le n° 32 où le Pape montre l’urgence qu’il y a à
avancer dans certaines perspectives de Vatican II. Il s’agit en
particulier du primat du Successeur de Pierre et des Conférences
épiscopales. Déjà, dans Ut unum sint, Jean-Paul II avait demandé
qu’on l’aide à mieux comprendre les objectifs du Pape dans le
dialogue œcuménique. Le Pape François va dans le même sens et se
demande si une telle aide ne pourrait pas parvenir d’une évolution
du statut des Conférences épiscopales. Un autre passage (n° 38 -
45) est particulièrement important quant aux conséquences qu’il
implique dans la pastorale: Le cœur de l’Evangile s’incarne dans
les limites du langage humain. La doctrine s’insère dans la cage
du langage, pour employer une expression chère à Wittgenstein, ce
qui implique un vrai discernement entre la pauvreté et les limites
du langage, et la richesse -souvent encore inconnue- du contenu de la
foi. Le danger est réel que l’Église ne prenne pas en compte
cette dynamique. Il peut ainsi arriver que sur certaines positions,
il y ait comme un enfermement et une sclérose du message
évangélique, en n’en percevant plus le développement propre.
Le
deuxième chapitre est consacré aux défis du monde contemporain et
aux tentations qui amoindrissent la nouvelle évangélisation. Tout
d’abord, le pape affirme qu’il est nécessaire de retrouver son
identité sans complexe d’infériorité qui amènerait à cacher
son identité et ses convictions… parvenant ainsi à étouffer la
joie de la mission en une sorte d’obsession d’être comme tout le
monde et d’avoir ce que les autres possèdent (79). Les chrétiens
tombent alors dans un relativisme encore plus dangereux que le
relativisme doctrinal (80), parce qu’il touche directement la façon
de vivre des chrétiens. Il arrive ainsi que dans de nombreuses
manifestations de la pastorale, les initiatives sont plombées par la
mise en avant de l’initiative et non des personnes. Le pape affirmé
que la tentation est réelle et commune d’une dépersonnalisation
de la personne. De la même façon, le défi de l’évangélisation
devrait être abordé comme une chance pour croître, plutôt que
comme une raison de tomber en dépression. Mort à l’esprit
défaitiste (88). Il nous faut retrouver le primat de la relation
personnelle sur la technique de la rencontre qui déciderait comment,
où et pour combien de temps il faudrait rencontrer les autres en
partant de ses préférences (88). Parmi ces défis, il nous faut
relever ceux qui ont un rapport direct avec la vie. La précarité
quotidienne avec ses funestes conséquences, les différentes formes
de disparité sociale, le fétichisme de l’argent et la dictature
d’une économie sans visage, l’exaspération de la consommation
et le consumérisme effréné… nous place face à une globalisation
de l’indifférence et une dépréciation moqueuse de la morale, qui
exclut toute critique de la domination du marché, qui, à travers la
théorie de la rechute favorable illusionne sur les réelles
possibilités d’agir en faveur des pauvres (n° 52 - 64). Si
l’Eglise demeure crédible en beaucoup de pays du monde, y compris
là où elle est minoritaire, c’est en raison de ses œuvres de
charité et de solidarité (65). Pour l’évangélisation de notre
temps, face au défi des grandes cultures urbaines, les chrétiens
sont invités à fuir deux expressions qui en détruisent la nature
et que le Pape François appelle mondanité (93). Il s’agit en
premier lieu de la fascination du gnosticisme, une foi repliée sur
elle-même, sur ses certitudes doctrinales, et qui transforme
l’expérience qu’on en fait en critères de vérité pour juger
les autres. Le néo pélagianisme autoréférentiel et prométhéen
de ceux pour qui la grâce n’est qu’un accessoire tandis que leur
engagement et leurs forces sont seuls responsables du progrès. Tout
ceci contredit l’évangélisation et crée une sorte d’élitisme
narcissique qui doit être repoussé (94). Qui voulons-nous être, se
demande le Pape? Généraux d’armées vaincues ou bien simples
soldats d’un bataillon qui continue à combattre » ? Le risque
d’une « Eglise mondaine drapée dans le spirituel et le pastoral »
(96) est bien réel. Il nous faut donc résister à ces tentations et
offrir le témoignage de la communion (99) qui s’appuie sur la
complémentarité. A partir de là, le Pape François milite pour la
promotion des laïcs et des femmes, de l’engagement pour les
vocations et les prêtres. Regarder ce que l’Eglise a accompli
comme progrès ces dernières années nous éloigne d’une mentalité
de pouvoir, au profit du service pour une construction unifiée de
l’Eglise (102 - 108).
L’évangélisation
est la mission de tout le peuple de Dieu, sans exclusive. Elle ne
peut être réservée ou déléguée à un groupe particulier. Tous
les baptisés sont directement concernés. Dans le troisième
chapitre de l’exhortation, le Pape en explique le développement et
ses étapes. On met en évidence en premier lieu le primat de la
grâce qui agit inlassablement dans la vie de tout évangélisateur
(112). Puis est développé le rôle des différentes cultures dans
le processus d’inculturation de l’Evangile, et le danger de
tomber dans l’orgueilleuse sacralisation de sa propre culture
(117). Enfin, on parle du rôle fondamental de la rencontre
personnelle (127-129) et du témoignage de vie (121). On insiste
enfin sur la valeur de la piété populaire, où s’exprime la foi
authentique de tant de personnes qui donnent ainsi le témoignage de
la simplicité de la rencontre de l’amour de Dieu (122 - 126). Pour
terminer, le Pape invite les théologiens à valoriser les diverses
formes d’évangélisation (133), et s’arrête assez longuement
sur l’homélie comme forme privilégiée d’évangélisation, et
qui demande une vraie passion et un vrai amour de la Parole de Dieu
et du peuple qui nous est confié (135 - 158).
Le
quatrième chapitre est consacré à la dimension sociale de
l’évangélisation. C’est un thème cher au Pape François parce
que si cette dimension n’est pas clairement prise en compte, on
court le risque de défigurer le sens authentique et intégral de la
mission d’évangélisation (176). C’est le thème majeur du lien
entre l’annonce de l’Evangile et la promotion de la vie humaine
en toutes ses expressions. La promotion intégrale de toute personne
nous empêche d’enfermer la religion en un fait privé, dépourvu
de conséquences sur la vie sociale et publique. Une « foi
authentique implique toujours un désir profond de changer le monde
(183). Deux grands thèmes font partie de ce passage de
l’exhortation. Le Pape en parle avec une grande passion
évangélique, conscient que l’avenir de l’humanité est en jeu:
L’intégration sociale des pauvres et la paix et le dialogue
social. S’agissant du premier point, l’église, à travers la
nouvelle évangélisation ressent comme sienne la mission de
collaborer pour résoudre les causes instrumentales de la pauvreté
et pour promouvoir le développement intégral des pauvres, comme
d’accomplir des gestes simples et quotidiens de solidarité face à
la misère concrète « qui est chaque jour devant nos yeux »(188).
Ce qui ressort de ces pages denses, c’est l’appel à reconnaitre
la « force salvifique » des pauvres, et qui doit être au centre de
la vie de l’Eglise avec la nouvelle évangélisation (198). Il nous
faut donc redécouvrir d’abord l’attention, l’urgence, la
conscience de ce thème, avant toute expérience concrète. Pour le
Pape François, non seulement l’option fondamentale pour les
pauvres doit être réalisée, mais elle est d’abord une attention
spirituelle et religieuse et est pour cela prioritaire (200). Sur ces
thèmes, la parole du Pape est franche et sans détour. Le pasteur
d’une Eglise sans frontière (210), ne peut se permettre de
regarder ailleurs. C’est pourquoi il demande avec force de
considérer la question des migrants et énonce clairement les
nouvelles formes d’esclavage. Où est celui qui tue chaque jour
dans la petite fabrique clandestine, dans le système de
prostitution, les enfants utilisés pour mendier, en celui qui doit
travailler caché parce qu’il n’est pas régularisé? Ne nous
leurrons pas. Il y a de nombreuses complicités (211). De mille
manières, le Pape défend la vie humaine depuis son commencement et
la dignité de tout être vivant (213). Sur le second aspect, Il
énonce quatre principes qui sont le dénominateur commun pour
l’avancée de la paix et sa traduction sociale. Peut-être en
mémoire de ses études sur R.Guardini, le Pape François semble
créer une nouvelle opposition polaire. Il rappelle en effet que le
temps est supérieur à l’espace, l’unité a le dessus sur le
conflit, la réalité est plus importante que les idées, et le tout
est supérieur aux parties. Ceci nous amène au dialogue comme
première contribution à la paix, et qui concerne, dans
l’exhortation, la science, l’œcuménisme et le rapport avec les
religions non chrétiennes.
Le
dernier chapitre traite de l’esprit de la nouvelle évangélisation
(260). Elle se développe sous l’action de l’Esprit qui anime de
façon toujours nouvelle l’élan missionnaire à partir de la vie
de prière où la contemplation tient la place centrale (264). La
Vierge Marie, étoile de la nouvelle évangélisation, est présentée
en conclusion comme l’icône de l’annonce et la transmission de
l’Evangile que l’Eglise est appelée à vivre avec enthousiasme
et dans l’amour du Seigneur Jésus. Ne nous laissons pas voler la
joie de l’évangélisation! (83). Le langage de cette exhortation
apostolique est clair et immédiat, sans rhétorique ni sous-entendu.
Le Pape François va au cœur des problèmes de l’homme
d’aujourd’hui, qui demandent à l’Eglise plus qu’une simple
présence. Il lui est demandé de renouveler ses programmes et sa
pratique pastorale dans le sens de la nouvelle évangélisation.
L’Evangile doit être adressé à tous, sans exclusive. Certains,
cependant, sont privilégiés. Sans équivoque, le Saint-Père
précise son orientation: Ce ne sont pas tant les amis et les riches
voisins, mais plutôt les pauvres, les infirmes, ceux qui sont
souvent dévalorisés et oubliés…aucun doute ou explication ne
doivent affaiblir ce message si clair (48). Comme en d’autres
moments importants de son histoire, l’Eglise d’aujourd’hui
ressent le besoin d’un regard attentif pour évangéliser à la
lumière de l’adoration, avec ce regard contemplatif pour voir les
signes de la présence de Dieu. Les signes des temps ne sont pas
seulement encouragés, mais ils deviennent critères d’un
témoignage efficace (71). Premier d’entre nous, le Pape François
nous rappelle le mystère central de notre foi: Ne nous éloignons
pas de la résurrection de Jésus, ne nous donnons jamais pour
vaincus, arrivera ce qui arrivera (3). L’Eglise du Pape François
se fait compagnon de route de nos contemporains en recherche de Dieu
et désireux de le voir".
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