Cité
du Vatican, 14 juin 2014 (VIS). "Chers frères et soeurs.
Aujourd’hui encore, très nombreux sont ceux qui ne connaissent pas
Jésus Christ. C’est pourquoi la mission ad gentes demeure une
grande urgence, à laquelle tous les membres de l’Église sont
appelés à participer, parce que l’Église est, de par sa nature
même, missionnaire : l’Église est née « en sortie ».
La Journée missionnaire mondiale est un moment privilégié durant
lequel les fidèles des différents continents s’engagent par la
prière et par des gestes concrets de solidarité à soutenir les
jeunes Églises des territoires de mission. Il s’agit d’une
célébration de grâce et de joie. De grâce, parce que le Saint
Esprit, envoyé par le Père, offre sagesse et force à ceux qui sont
dociles à son action. De joie, parce que Jésus Christ, le Fils du
Père, envoyé pour évangéliser le monde, soutient et accompagne
notre œuvre missionnaire. C’est justement sur la joie de Jésus et
des disciples missionnaires que je voudrais offrir une icône
biblique, que nous trouvons dans l’Évangile de Luc (cf. 10,
21-23).
1. L’Évangéliste
raconte que le Seigneur envoya les soixante-douze disciples deux par
deux, dans les villes et les villages pour annoncer que le Royaume de
Dieu s’était fait proche et pour préparer les personnes à la
rencontre avec Jésus. Après avoir accompli cette mission d’annonce,
les disciples revinrent pleins de joie : la joie est un thème
dominant de cette première et inoubliable expérience missionnaire.
Le Divin Maître leur dit : « Ne vous réjouissez pas de
ce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous de
ce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux. A cette heure
même, il tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint et
il dit : “Je te bénis, Père” (…) Puis, se tournant vers
ses disciples, il leur dit en particulier : “Heureux les yeux
qui voient ce que vous voyez !” » (Lc 10,20-21.23).
Ce
sont les trois scènes présentées par Luc. D’abord, Jésus parla
aux disciples, puis il s’adressa au Père avant de recommencer à
parler avec eux. Jésus voulut faire participer les disciples à sa
joie, qui était différente et supérieure à celle dont ils avaient
fait l’expérience.
2. Les
disciples étaient pleins de joie, enthousiastes du pouvoir de
libérer les personnes des démons. Toutefois, Jésus les avertit de
ne pas se réjouir tant pour le pouvoir reçu que pour l’amour
reçu : « parce que vos noms se trouvent inscrits dans les
cieux » (Lc 10, 20). En effet, l’expérience de l’amour de
Dieu leur a été donnée ainsi que la possibilité de le partager.
Et cette expérience des disciples est un motif de gratitude joyeuse
pour le cœur de Jésus. Luc a saisi cette jubilation dans une
perspective de communion trinitaire : « Jésus tressaillit
de joie sous l’action de l’Esprit Saint », s’adressant au
Père et lui rendant gloire. Ce moment de joie intime jaillit de
l’amour profond de Jésus en tant que Fils envers Son Père,
Seigneur du ciel et de la terre qui a caché ces choses aux sages et
aux intelligents mais qui les a révélées aux tout-petits (cf. Lc
10, 21). Dieu a caché et révélé et, dans cette prière de
louange, ressort surtout le fait de révéler. Qu’est-ce que Dieu a
révélé et caché ? Les mystères de son Royaume,
l’affirmation de la seigneurie divine en Jésus et la victoire sur
satan.
Dieu
a caché tout cela à ceux qui sont trop pleins d’eux-mêmes et
prétendent déjà tout savoir. Ils sont comme aveuglés par leur
présomption et ne laissent pas de place à Dieu. Il est facile de
penser à certains contemporains de Jésus qu’il a avertis à
plusieurs reprises mais il s’agit d’un danger qui existe toujours
et qui nous concerne nous aussi. En revanche, les “petits”
sont les humbles, les simples, les pauvres, les marginalisés, ceux
qui sont sans voix, fatigués et opprimés, que Jésus a déclarés
“bienheureux”. Il est facile de penser à Marie, à Joseph, aux
pêcheurs de Galilée et aux disciples appelés le long du chemin, au
cours de sa prédication.
3. « Oui,
Père, car tel a été ton bon plaisir » (Lc 10, 21).
L’expression de Jésus doit être comprise en référence à son
exultation intérieure, où le bon plaisir indique un plan salvifique
et bienveillant de la part du Père envers les hommes. Dans le
contexte de cette bonté divine, Jésus a exulté parce que le Père
a décidé d’aimer les hommes avec le même amour qu’Il a pour le
Fils. En outre, Luc nous renvoie à l’exultation similaire de
Marie : « mon âme exalte le Seigneur, et mon esprit
tressaille de joie en Dieu mon Sauveur » (Lc 1, 47). Il s’agit
de la Bonne Nouvelle qui conduit au salut. Marie, en portant en son
sein Jésus, l’Évangélisateur par excellence, rencontra Elisabeth
et exulta de joie dans l’Esprit Saint, en chantant le Magnificat.
Jésus, en voyant la réussite de la mission de ses disciples et,
ensuite, leur joie, exulta dans l’Esprit Saint et s’adressa à
son Père en priant. Dans les deux cas, il s’agit d’une joie pour
le salut en acte, parce que l’amour avec lequel le Père aime le
Fils arrive jusqu’à nous et, par l’action de l’Esprit Saint,
nous enveloppe, nous fait entrer dans la vie trinitaire.
Le
Père est la source de la joie. Le Fils en est la manifestation et
l’Esprit Saint l’animateur. Immédiatement après avoir loué le
Père, comme le dit l’Évangéliste Matthieu, Jésus nous invite :
« Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau,
et moi je vous soulagerai. Chargez-vous de mon joug et mettez-vous à
mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez
soulagement pour vos âmes. Oui, mon joug est aisé et mon fardeau
léger » (11, 28-30). « La joie de l’Évangile remplit
le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se
laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse,
du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus Christ la joie naît
et renaît toujours » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n.1).
De
cette rencontre avec Jésus, la Vierge Marie a eu une expérience
toute particulière et elle est devenue « causa nostrae
laetitiae ». Les disciples par contre ont reçu l’appel à
demeurer avec Jésus et à être envoyés par lui pour évangéliser
(cf. Mc 3, 14) et ils sont ainsi comblés de joie. Pourquoi
n’entrons-nous pas nous aussi dans ce fleuve de joie ?
4. « Le
grand risque du monde d’aujourd’hui, avec son offre de
consommation multiple et écrasante, est une tristesse individualiste
qui vient du cœur bien installé et avare, de la recherche malade de
plaisirs superficiels, de la conscience isolée » (Exhort. ap.
Evangelii gaudium, n. 2). C’est pourquoi l’humanité a un grand
besoin de puiser au salut apporté par le Christ. Les disciples sont
ceux qui se laissent saisir toujours plus par l’amour de Jésus et
marquer au feu de la passion pour le Royaume de Dieu, afin d’être
porteurs de la joie de l’Évangile. Tous les disciples du Seigneur
sont appelés à alimenter la joie de l’Évangélisation. Les
Évêques, en tant que premiers responsables de l’annonce, ont le
devoir de favoriser l’unité de l’Église locale dans
l’engagement missionnaire, en tenant compte du fait que la joie de
communiquer Jésus Christ s’exprime autant dans la préoccupation
de l’annoncer dans les lieux les plus lointains que dans une
constante sortie en direction des périphéries de leur propre
territoire, où se trouve le plus grand nombre de personnes pauvres
dans l’attente.
Dans
de nombreuses régions, les vocations au sacerdoce et à la vie
consacrée commencent à manquer. Souvent, cela est dû à l’absence
d’une ferveur apostolique contagieuse au sein des communautés,
absence qui les rend pauvres en enthousiasme et fait qu’elles ne
sont pas attirantes. La joie de l’Évangile provient de la
rencontre avec le Christ et du partage avec les pauvres. J’encourage
donc les communautés paroissiales, les associations et les groupes à
vivre une vie fraternelle intense, fondée sur l’amour de Jésus et
attentive aux besoins des plus défavorisés. Là où il y a la joie,
la ferveur, le désir de porter le Christ aux autres, jaillissent
d’authentiques vocations. Parmi celles-ci, les vocations laïques à
la mission ne doivent pas être oubliées. Désormais, la conscience
de l’identité et de la mission des fidèles laïcs dans l’Eglise
s’est accrue, tout comme la conscience qu’ils sont appelés à
jouer un rôle toujours plus important dans la diffusion de
l’Évangile. C’est pourquoi il est important qu’ils soient
formés de manière adéquate, en vue d’une action apostolique
efficace.
5. « Dieu
aime celui qui donne avec joie » (2 Co 9, 7). La Journée
missionnaire mondiale est également un moment pour raviver le désir
et le devoir moral de participer joyeusement à la mission ad gentes.
La contribution économique personnelle est le signe d’une oblation
de soi-même, d’abord au Seigneur puis à nos frères, afin que
l’offrande matérielle devienne un instrument d’évangélisation
d’une humanité qui se construit sur l’amour.
Chers
frères et sœurs, en cette Journée missionnaire mondiale, ma pensée
se tourne vers toutes les Églises locales. Ne nous laissons pas
voler la joie de l’évangélisation ! Je vous invite à vous
immerger dans la joie de l’Évangile et à alimenter un amour
capable d’illuminer votre vocation et votre mission. Je vous
exhorte à faire mémoire, comme dans un pèlerinage intérieur, du
« premier amour » avec lequel le Seigneur Jésus Christ a
réchauffé le cœur de chacun, non pas pour en concevoir un
sentiment de nostalgie mais pour persévérer dans la joie. Le
disciple du Seigneur persévère dans la joie lorsqu’il demeure
avec lui, lorsqu’il fait sa volonté, lorsqu’il partage la foi,
l’espérance et la charité évangélique.
À
Marie, modèle d’évangélisation humble et joyeuse, adressons
notre prière, afin que l’Église devienne une maison pour
beaucoup, une mère pour tous les peuples et qu’elle rende possible
la naissance d’un monde nouveau.
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