Cité
du Vatican, 18 octobre 2014 (VIS). Ce midi près la Salle de Presse a
été présenté le message final de la III assemblée extraordinaire
du Synode des évêques consacrée aux problématiques de la famille.
Ont pris la parole le Cardinal Raymundo Damasceno Assis, Archevèque
d'Aparecida (Brésil) et Président délégué, le Cardinal
Gianfranco Ravasi, Président du Conseil pontifical pour la culture
et Président de la Commission pour le message, et le Cardinal Oswald
Gracias, Archevêque de Bombay (Inde). Voici le texte des pères:
Nous,
Pères synodaux réunis à Rome autour du Pape François pour
l'Assemblée générale extraordinaire du Synode des évêques, nous
nous adressons à toutes les familles des divers continents, et en
particulier à celles qui suivent le Christ, Voie, Vérité et Vie.
Nous manifestons notre admiration et notre gratitude pour le
témoignage quotidien que vous nous offrez, ainsi qu’au monde, par
votre fidélité, votre foi, votre espérance et votre amour. Nous
aussi, pasteurs de l'Eglise, nous sommes nés et avons grandi dans
des familles aux histoires et vicissitudes les plus diverses. En tant
que prêtres et évêques, nous avons rencontré et avons vécu aux
côtés de familles qui nous ont raconté en parole et révélé en
actes toute une série de merveilles mais aussi de difficultés. La
préparation même de cette assemblée synodale, à partir des
réponses au questionnaire envoyé aux Eglises du monde entier, nous
a permis de nous mettre à l’écoute de nombreuses expériences
familiales. Notre dialogue durant les jours du Synode nous a ainsi
enrichis mutuellement, nous aidant à regarder la réalité vivante
et complexe dans laquelle évoluent les familles.
A
vous, nous proposons cette parole du Christ: Voici que je me tiens à
la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la
porte, j’entrerai chez lui. Je prendrai mon repas avec lui, et lui
avec moi. Comme il le faisait durant ses pérégrinations sur les
routes de la Terre Sainte, entrant dans les maisons des villages,
Jésus continue à passer aussi aujourd’hui par les rues de nos
villes. Dans vos foyers, vous faites l’expérience d’ombres et de
lumières, de défis exaltants, mais parfois aussi d’épreuves
dramatiques. L'obscurité se fait encore plus épaisse, jusqu'à
devenir ténèbres, lorsque le mal et le péché s'insinuent au cœur
même de la famille. Il y a, avant tout, le grand défi de la
fidélité dans l'amour conjugal. L’affaiblissement de la foi et
des valeurs, l'individualisme, l'appauvrissement des relations, le
stress d’une frénésie qui empêche la réflexion marquent aussi
la vie familiale. On assiste alors à de nombreuses crises
matrimoniales, affrontées souvent de façon expéditive, sans avoir
le courage de la patience, de la remise en question, du pardon
mutuel, de la réconciliation et même du sacrifice. Ces échecs sont
ainsi à l’origine de nouvelles relations, de nouveaux couples, de
nouvelles unions et de nouveaux mariages, qui créent des situations
familiales complexes et problématiques quant au choix de la vie
chrétienne.
Parmi
ces défis, nous souhaitons ensuite évoquer les épreuves de
l’existence même. Pensons à la souffrance qui peut apparaître
lorsque qu’un enfant est handicapé, lors d’une grave maladie,
lors de la dégénérescence neurologique due à la vieillesse, lors
de la mort d'une personne chère. La fidélité généreuse de tant
de familles qui vivent ces épreuves avec courage, foi et amour est
admirable, lorsqu’elles les considèrent non comme quelque chose
qui leur a été arrachée ou imposée, mais comme quelque chose qui
leur a été donné et qu'ils offrent à leur tour, voyant en toutes
ces personnes éprouvées le Christ souffrant lui-même. Nous pensons
aux difficultés économiques causées par des systèmes pervers, par
le fétichisme de l'argent et par la dictature d'une l’économie
sans visage et sans un but véritablement humain, qui humilie la
dignité de la personne. Nous pensons aux pères et aux mères sans
emploi, impuissants face aux besoins les plus élémentaires de leur
famille ; et à ces jeunes qui se trouvent devant des journées
désœuvrées et sans espérance, proies potentielles des dérives de
la drogue et de la criminalité.
Nous
pensons enfin à la foule des familles pauvres, à celles qui
s'agrippent à une barque pour atteindre des moyens de survie, aux
familles de réfugiés qui émigrent sans espoir à travers des
déserts, à celles qui sont persécutées simplement à cause de
leur foi et de leurs valeurs spirituelles et humaines, à celles qui
sont frappées par la brutalité des guerres et des oppressions. Nous
pensons aussi aux femmes qui subissent la violence et sont soumises à
l’exploitation, à la traite des personnes, aux enfants et aux
jeunes victimes d’abus même de la part de ceux qui devraient en
prendre soin et les faire grandir en confiance, aux membres de tant
de familles humiliées et en difficulté. «La culture du bien-être
nous anesthésie et toutes ces vies brisées par manque de
possibilités nous semblent un simple spectacle qui ne nous trouble
en aucune façon. Nous faisons appel aux gouvernements et aux
organisations internationales pour promouvoir les droits de la
famille en vue du bien commun. Le Christ a voulu que son Eglise soit
une maison avec la porte toujours ouverte et accueillante, sans
exclure personne. Nous sommes ainsi reconnaissants envers les
pasteurs, les fidèles et les communautés prêts à accompagner et à
porter les déchirures internes et sociales des couples et des
familles.
Cependant,
il y a également la lumière qui brille le soir derrière les
fenêtres dans les maisons des villes, dans les modestes résidences
des périphéries ou dans les villages et même dans les
baraquements. Celle-ci brille et réchauffe les corps et les âmes.
Dans les vicissitudes de la vie nuptiale des conjoints, cette lumière
s'allume grâce à une rencontre. Il s'agit d'un don, d'une grâce
qui s'exprime, comme le dit la Genèse, lorsque deux visages se
retrouvent face à face, comme une aide qui correspond à l'autre,
c'est-à-dire à la fois semblable et complémentaire. L'amour de
l'homme et de la femme nous enseigne que chacun des deux a besoin de
l'autre pour être soi-même, chacun demeurant pourtant différent de
l'autre dans son identité qui s'ouvre et se révèle dans le don
réciproque. C’est ce qu’exprime de façon suggestive la femme du
Cantique des Cantiques: Mon bien-aimé est à moi, et moi, je suis à
lui. Je suis à mon bien-aimé, mon bien-aimé est à moi. Pour que
cette rencontre soit authentique, le cheminement commence avec le
temps des fiançailles, temps de l'attente et de la préparation. Il
s'actualise pleinement dans le sacrement du mariage où Dieu appose
son sceau, sa présence et sa grâce. Ce chemin passe aussi par la
sexualité, la tendresse, la beauté, qui perdurent même au-delà de
la vigueur et de la fraîcheur de la jeunesse. De par sa nature,
l'amour tend à rimer avec toujours, jusqu'à donner sa vie pour la
personne qu'on aime. A cette lumière, l'amour conjugal, unique et
indissoluble, persiste malgré les nombreuses difficultés des
limites humaines, c’est l’un des plus beaux miracles, bien qu’il
soit aussi le plus commun. Cet amour se déploie au travers de la
fécondité qui n'est pas seulement procréation mais aussi don de la
vie divine dans le baptême, éducation et catéchèse des enfants.
Il s'agit aussi d'une capacité à offrir la vie, de l'affection et
des valeurs. Cette expérience est possible même pour ceux qui n'ont
pu avoir d'enfant. Les familles qui vivent cette aventure lumineuse
deviennent pour tous un témoignage, en particulier pour les jeunes.
Durant
ce cheminement, qui s'avère parfois un sentier ardu avec ses
difficultés et ses chutes, on retrouve toujours la présence et
l'accompagnement de Dieu. La famille en fait l'expérience dans
l'affection mutuelle et le dialogue entre époux et épouse, entre
parents et enfants, entres frères et sœurs. Elle le vit aussi en se
mettant ensemble à l’écoute de la Parole de Dieu et en partageant
la prière commune, petite oasis spirituelle à mettre en place à un
moment chaque jour. Il y a aussi l'engagement quotidien de
l'éducation à la foi, à la beauté de la vie évangélique et à
la sainteté. Ce devoir est souvent partagé et exercé avec beaucoup
d'affection et de dévouement aussi par les grands-parents. Ainsi la
famille se présente comme une authentique Eglise domestique, qui
s'ouvre sur cette famille de familles qu'est la communauté
ecclésiale. Les époux chrétiens sont alors appelés à devenir des
maîtres dans la foi et dans l'amour également auprès des jeunes
couples. Il y a ensuite une autre expression de la communion
fraternelle, celle de la charité, du don, de la proximité auprès
des laissés pour compte, des marginalisés, des pauvres, des
personnes seules, des malades, des étrangers, des familles en crise,
gardant en mémoire la parole du Seigneur: Il y a plus de bonheur à
donner qu'à recevoir. Il s'agit d'un don de biens partagés, de
présence, d'amour et de miséricorde et aussi d’un témoignage de
vérité, de lumière, de sens donné à la vie. Le sommet qui
recueille et récapitule tous ces liens de la communion avec Dieu et
le prochain est l'Eucharistie dominicale, lorsque, avec toute
l’Eglise, la famille prend place à la table du Seigneur. Lui-même
se donne à nous tous, pèlerins de l'histoire en route vers la
rencontre ultime lorsque le Christ sera tout en tous. Pour cela, dans
la première étape de notre chemin synodal, nous avons réfléchi à
l’accompagnement pastoral et à la question de l’accès aux
sacrements des personnes divorcées-remariées.
Nous,
pères synodaux, vous demandons de cheminer avec nous vers le
prochain synode. Que demeure sur vous la présence de la famille de
Jésus, Marie et Joseph réunis dans leur modeste maison. Ensemble,
tournés vers la Famille de Nazareth, faisons monter vers notre Père
à tous notre invocation pour les familles de la terre:
Père,
donne à toutes les familles la présence d'époux courageux et
remplis de sagesse, qui soient source d'une famille libre et unie.
Père,
donne aux parents d'avoir une maison où vivre dans la paix avec leur
famille.
Père,
donne aux enfants d'être signes de confiance et d'espérance, et aux
jeunes le courage de l’engagement stable et fidèle.
Père,
donne à tous de pouvoir gagner leur pain de leurs propres mains, de
jouir de la sérénité d’esprit et de garder allumé le flambeau
de la foi même dans les moments d'obscurité.
Père,
donne-nous de voir fleurir une Eglise toujours plus fidèle et
crédible, une cité juste et humaine, un monde qui aime la vérité,
la justice et la miséricorde".
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