Cité
du Vatican, 23 janvier 2015 (VIS). Voici le Message du Pape François
pour la prochaine Journée mondiale des communications sociales (17
mai), consacrée à la famille comme milieu
privilégié de la rencontre dans la gratuité de l'amour. En voici
le texte:
"La
famille se trouve au centre d'une réflexion ecclésiale approfondie
et d’un processus synodal qui comporte deux synodes, un
extraordinaire, qui vient de se tenir, et un synode ordinaire,
convoqué pour octobre prochain. Dans ce contexte, il m’a semblé
opportun que la famille soit le point de référence du thème de la
prochaine Journée mondiale des communications sociales. La famille
est du reste, le premier lieu où l'on apprend à communiquer.
Retourner à ce moment originel peut nous aider autant à rendre la
communication plus authentique et plus humaine qu’à considérer la
famille d'un nouveau point de vue. Laissons nous inspirer par la
Visitation, lorsque Elisabeth fut saluée
Marie. L’enfant tressaillit en elle et elle fut remplie d’Esprit
Saint, s’écriant avec force: Tu es bénie entre toutes les femmes,
et le fruit de tes entrailles est béni.
Cet épisode nous montre la communication comme un dialogue qui se
noue avec le langage du corps. En effet, la première réponse à la
salutation de Marie, c’est l'enfant qui la donne en tressaillant de
joie dans le sein d'Elisabeth. Exulter pour la joie de la rencontre
est en quelque sorte l'archétype et le symbole de toute autre
communication que nous apprenons bien avant de venir au monde. Le
sein qui nous accueille est la première “école” de
communication, faite d’écoute et de contact corporel, où nous
commençons à nous familiariser avec le monde extérieur dans un
environnement protégé et au rythme rassurant des battements du cœur
de la maman. Cette rencontre entre deux êtres aussi intimes et
encore aussi étrangers l’un à l’autre, une rencontre pleine de
promesses, est notre première expérience de communication. Et c'est
une expérience qui nous unit tous, parce que chacun de nous est né
d'une mère. Même après la naissance, nous restons dans un certain
sens dans le sein que représente la famille. Un sein constitué de
personnes différentes, en relation, la famille qui est le lieu
où l’on apprend à vivre ensemble dans la différence.
Différences de genres et de générations, qui communiquent avant
tout afin de s’accueillir mutuellement, car il existe un lien entre
elles. Et, plus large est l’éventail de ces relations, plus sont
différents les âges, plus riche est notre cadre de vie. C’est le
lien qui est au fondement de la parole, qui à son tour, le renforce.
Nous n’inventons pas les mots mais pouvons les utiliser parce que
nous les avons reçus. C'est dans la famille que l’on apprend à
parler la langue maternelle, c'est-à-dire la langue de nos ancêtres.
En famille on se rend compte que d'autres nous ont précédés,
qu’ils nous ont mis dans la condition d'exister et de pouvoir à
notre tour engendrer la vie et faire quelque chose de bon et de beau.
Nous pouvons donner parce que nous avons reçu, et ce cercle vertueux
est au cœur de la capacité de la famille à se communiquer et à
communiquer et, plus généralement, c’est le paradigme de toute
communication.
L'expérience
du lien qui nous précède fait aussi de la famille le contexte où
se transmet cette forme fondamentale de la communication qu’est la
prière. Quand la maman et le papa font dormir leurs nouveau-nés,
très souvent ils les confient à Dieu, pour qu’il veille sur eux.
Et quand ils sont un peu plus grands, ils récitent ensemble avec eux
des prières simples, se souvenant aussi avec affection d'autres
personnes, des grands-parents, d’autres membres de la famille, des
malades et de ceux qui souffrent, de toutes les personnes qui ont le
plus besoin de l'aide de Dieu. Ainsi, en famille, la plupart d'entre
nous ont appris la dimension religieuse de la communication, qui,
dans le christianisme, est toute pleine d'amour, de l'amour de Dieu
qui se donne à nous et que nous offrons aux autres. C’est dans la
famille que se développe principalement la capacité de s’embrasser,
de se soutenir, de s’accompagner, de déchiffrer les regards et les
silences, de rire et de pleurer ensemble, entre des personnes qui ne
se sont pas choisies et qui pourtant sont si importantes l’une pour
l'autre. Cela nous fait comprendre ce qu'est vraiment la
communication comme découverte et construction de proximité.
Réduire les distances, se rencontrer et s’accueillir mutuellement
est un motif de gratitude et de joie. De la salutation de Marie et du
tressaillement du bébé jaillit la bénédiction d'Elisabeth, suivie
par le beau cantique du Magnificat, dans lequel Marie fait l'éloge
du dessein d'amour de Dieu sur elle et sur son peuple. D’un oui
prononcé avec foi découlent des conséquences qui vont bien au-delà
de nous-mêmes et se répandent dans le monde. Visiter signifie
ouvrir les portes, et non pas se retirer dans ses appartements,
sortir, aller vers l'autre. Ainsi la famille est vivante si elle
respire en s’ouvrant au-delà d’elle-même, et les familles qui
le font, peuvent communiquer leur message de vie et de communion,
peuvent donner réconfort et espérance aux familles plus blessées
et faire croître l'Eglise elle-même, qui est la famille des
familles.
La
famille est plus que tout autre le lieu où, vivant ensemble au
quotidien, l’on fait l'expérience de ses propres limites et de
celles des autres, des petits et des grands problèmes de la
coexistence, de l'entente mutuelle. La famille parfaite n’existe
pas, mais nous ne devons pas avoir peur de l'imperfection, de la
fragilité, voire des conflits ; il faut apprendre à les affronter
de manière constructive. Ainsi la famille où l’on s’aime malgré
les propres limites et les péchés, devient une école de pardon. Le
pardon est une communication dynamique, une communication qui s’use
et se rompt et qui, à travers le repentir exprimé et accueilli,
peut se renouer et faire grandir. Un enfant qui en famille, apprend à
écouter les autres, à parler de façon respectueuse, en exprimant
son point de vue sans nier celui d’autrui, sera dans la société
un constructeur de dialogue et de réconciliation. A propos des
limites et de la communication, les familles avec des enfants
souffrant d’un ou de plusieurs handicaps ont beaucoup à nous
apprendre. Le déficit moteur, sensoriel ou intellectuel, comporte
toujours la tentation de se renfermer, mais il peut devenir, grâce à
l'amour des parents, des frères et sœurs et d’autres personnes
amies, une incitation à s’ouvrir, à partager, à communiquer de
manière inclusive. Il peut aussi aider l’école, la paroisse, les
associations à être plus accueillantes envers tous, sans exclure
personne.
Ensuite,
dans un monde où si souvent on maudit, on parle mal, on sème la
zizanie, où le bavardage pollue notre environnement humain, la
famille peut être une école de la communication comme bénédiction.
Et ceci, même là où semble prévaloir de manière inévitable la
haine et la violence, lorsque les familles sont séparées par des
murs de pierre ou par des murs non moins impénétrables de préjugés
et de ressentiments, quand il y aurait de bonnes raisons de dire que
cela suffit maintenant. En fait, bénir au lieu de maudire, visiter
au lieu de rejeter, accueillir au lieu de combattre est le seul moyen
de briser la spirale du mal, pour témoigner que le bien est toujours
possible et pour éduquer les enfants à la fraternité. Aujourd'hui
les media, qui surtout pour les plus jeunes sont désormais
indispensables, peuvent tout aussi bien entraver qu’aider cette
communication en famille et entre familles. Ils peuvent l’entraver
s’ils deviennent un moyen de se soustraire à l’écoute, de
s'isoler de la présence physique, avec la saturation de chaque
instant de silence et d'attente, oubliant d’apprendre que le
silence fait partie intégrante de la communication et sans lui
aucune parole riche de sens ne peut exister.
Ils peuvent la favoriser s’ils aident à dire et à partager, à
rester en contact avec ceux qui sont éloignés, à remercier et à
demander pardon, à rendre toujours à nouveau possible la rencontre.
Redécouvrant chaque jour ce centre vital qu’est la rencontre, ce
début vivant, nous saurons orienter notre relation à l’aide des
technologies, plutôt que de nous laisser guider par elles. Dans ce
domaine également, les parents sont les premiers éducateurs. Mais
ils ne doivent pas être laissés seuls. La communauté chrétienne
est appelée à être à leurs côtés pour qu’ils sachent
enseigner aux enfants à vivre dans un monde de communication,
conformément aux critères de la dignité de la personne humaine et
du bien commun.
Le
défi qui se présente à nous aujourd’hui est donc de réapprendre
à dire, pas simplement à produire et à consommer l'information.
C’est dans cette direction que nous poussent les puissants et
précieux moyens de la communication contemporaine. L'information est
importante, mais elle n’est pas suffisante, parce que trop souvent
elle simplifie, oppose les différences et les diverses visions
incitant à prendre parti pour l'une ou l'autre, au lieu d'encourager
une vision d’ensemble. Ainsi, la famille, en fin de compte n'est
pas un objet sur lequel on communique des opinions, ou un terrain où
l’on se livre à des batailles idéologiques, mais un milieu où
l’on apprend à communiquer dans la proximité, et elle est un
sujet qui communique, une communauté communicante. Une communauté
qui sait accompagner, célébrer et faire fructifier. En ce sens, il
est possible de rétablir un regard capable de reconnaître que la
famille continue d'être une grande ressource, et pas seulement un
problème ou une institution en crise. Les media ont tendance à
présenter parfois la famille comme s'il s'agissait d'un modèle
abstrait à accepter ou à rejeter, à défendre ou à attaquer, et
non une réalité concrète à vivre. Ou comme s’il s’agissait
d’une idéologie de l’un contre l’autre, plutôt que le lieu où
tous nous apprenons ce que signifie communiquer dans l’amour reçu
et donné. Dire signifie bien comprendre que nos vies sont tissées
dans une seule trame unitaire, que les voix sont multiples et que
chacune est irremplaçable. La famille la plus belle, protagoniste et
non pas problématique, est celle qui sait communiquer, en partant du
témoignage, de la beauté et de la richesse de la relation entre
homme et femme, et entre parents et enfants. Nous ne luttons pas pour
défendre le passé, mais nous travaillons avec patience et
confiance, dans tous les milieux que nous habitons au quotidien, pour
construire l'avenir".
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