Cité
du Vatican, 10 juillet 2015 (VIS). Devant 4.000 prêtres,
séminaristes et religieux rassemblés au Colisée Don Bosco de Santa
Cruz de la Sierra, le Pape a commenté le récit par Marc de
l'histoire de Bartimée, un disciple de la dernière heure: "Aveugle
et mendiant, il était au bord du chemin, marginalisé, et quand il a
appris que Jésus passait, il a commencé à crier au milieu de la
foule. Autour de Jésus il y avait les apôtres, les disciples, les
femmes qui le suivaient d'habitude, avec qui il a parcouru durant sa
vie les chemins de la Palestine pour annoncer le Royaume...
On a d'un côté, le cri d'un mendiant et
de l'autre, les diverses réactions des disciples. C’est comme si
l'Evangéliste voulait nous montrer quel genre d'écho trouva le cri
de Bartimée dans la vie des gens et des disciples de Jésus. Comment
réagissent-ils en face de la douleur de celui qui est au bord du
chemin, de celui qui est replié sur sa douleur? Ceci vaut
aujourd'hui pour nous tous, pour toutes les composantes du peuple de
Dieu!". De trois manières différentes, passer son
chemin, se taire et l'encouragement à se lever. "Passer sans
s’arrêter: Certains, peut-être parce qu'ils n'ont pas entendu.
Passer, c'est l'écho de l'indifférence, de passer à côté des
problèmes et que ceux-ci ne nous touchent pas. Nous ne les entendons
pas, nous ne les reconnaissons pas. C'est la tentation de voir la
douleur comme quelque chose de naturel, de s'habituer à l'injustice.
Nous nous disons que c’est normal, qu'il en a été toujours ainsi.
C'est l'écho qui naît dans un cœur blindé, fermé, qui a perdu la
capacité d'étonnement et, par conséquent, la possibilité de
changement. Il s'agit d'un cœur qui s'est habitué à passer sans se
laisser toucher. C'est une existence qui, en passant d'ici vers
là-bas, n’arrive pas à s'enraciner dans la vie de son peuple.
Nous pourrions l'appeler, la spiritualité du Zapping. Elle passe et
repasse, mais rien ne reste. Combien de fois des évêques, des
prêtres des religieux entendent sans écouter les cris lancés sur
le passage! Ce sont ceux qui courent après la dernière nouveauté,
après le dernier Best Seller mais ne réussissent pas à entrer en
contact, à entrer en relation, à s’impliquer. On pourrait dire
qu'ils étaient attentifs aux paroles du Maître. Je crois que c’est
le plus difficile de la spiritualité chrétienne. Comme
l'Evangéliste Jean nous le rappelle, comment peut aimer Dieu qu'on
ne voit pas celui qui n'aime pas son frère qu'il voit? Diviser cette
unité, c'est l'une des grandes tentations qui nous accompagneront
tout le long du chemin. Et nous devons en être conscients. Comme
nous écoutons notre Père, c’est de cette même manière que nous
écoutons le peuple fidèle de Dieu. Passer sans écouter la douleur
de nos gens, sans nous enraciner dans leurs vies, dans leur terre,
c’est comme écouter la parole de Dieu, sans permettre qu’elle
prenne racine en nous et soit féconde. Une plante, une histoire sans
racines, c’est une vie sans sève... Non, on ne peut conduire une
vie religieuse en pensant, d'accord c'est triste mais il est naturel
qu'il y ait des malades, des pauvres, des personnes qui souffrent,
qui se lamentent et demandent une aide".
"Tais-toi,
c’est la deuxième attitude en face du cri de Bartimée. Tais-toi,
ne gêne pas, ne dérange pas. A la différence de l'attitude
antérieure, celle-ci écoute, reconnaît, entre en contact avec le
cri de l'autre. Elle sait qu'il est là et réagit d'une façon très
simple, en le reprenant. C'est l'attitude de ceux qui face au peuple
de Dieu, le reprennent continuellement, ronchonnant, en lui ordonnant
de se taire. C'est le drame de la conscience
isolée, de ceux qui pensent que la vie de Jésus est seulement pour
ceux qui se croient aptes. Il semblerait permis que trouvent place
seulement les autorisés, une caste de différents qui se sépare peu
à peu, en se différenciant de leur peuple. Ils ont fait de
l'identité une question de supériorité. Ils écoutent mais
n'entendent pas, ils voient mais ne regardent pas. La nécessité de
se différencier leur a bloqué le cœur. La nécessité de se dire:
Je ne suis pas comme lui, comme eux, les a écartés non seulement du
cri de leur gens et de leurs pleurs, mais aussi spécialement des
motifs de joie. Rire avec ceux qui rient, pleurer avec ceux qui
pleurent, voilà, cela part du mystère du cœur sacerdotal".
Enfin,
"Courage, lève-toi. Et finalement nous nous trouvons avec le
troisième écho. Un écho qui ne naît pas directement du cri de
Bartimée, mais du fait de regarder comment Jésus a agi devant le
cri de l'aveugle mendiant. C'est un cri qui se transforme en Parole,
en invitation en changement, en proposition de nouveauté face à nos
façons de réagir devant le saint peuple de Dieu. Contrairement
aux autres, qui passaient, l'Evangile dit que Jésus s'est arrêté
et a demandé ce qui se passait. Il s'arrête face au cri d'une
personne. Il sort de l'anonymat de la foule pour l'identifier et de
cette manière s’engage avec lui. Il s'enracine dans sa vie. Et
loin de lui ordonner de se taire, il lui demande: Que puis-je faire
pour toi? Il n'a pas besoin de se différencier, de se séparer, il
ne le classe pas pour voir s'il est autorisé ou non à parler. Il
lui pose seulement une question, l’identifie en voulant faire
partie de la vie de cet homme, en voulant
assumer le même sort que lui. Ainsi il lui restitue peu à la peu la
dignité qu'il avait perdue, il l'inclut. Loin de le voir du dehors,
il décide de s’identifier à ses problèmes et ainsi lui
manifester la force transformatrice de la miséricorde. Il n’existe
pas de compassion qui ne s'arrête pas, n’écoute pas et ne se
solidarise pas avec l'autre. La compassion n'est pas du Zapping, ce
n'est pas d'étouffer la douleur, au contraire, c'est la logique même
de l'amour. C'est la logique qui ne se concentre pas sur la peur mais
sur la liberté qui naît du fait d'aimer et met le bien de l'autre
au-dessus de toutes choses. C'est la logique qui naît du fait de ne
pas avoir peur de s'approcher de la douleur de nos gens. Bien que
souvent, ce ne soit que pour être à leur côté et pour faire de ce
moment une opportunité de prière. C'est la logique du fait
d’être disciple, c'est ce que fait l'Esprit avec nous et en nous.
De cela, nous sommes témoins. Un jour, Jésus nous a vus au bord du
chemin, assis sur nos douleurs, sur nos misères. Il n'a pas étouffé
nos cris, au contraire il s'est arrêté, s'est approché et nous a
demandé ce qu'il pouvait faire pour nous. Et grâce à tant de
témoins, qui nous ont dit : ‘‘courage lève-toi’’, peu à
peu nous avons touché cet amour miséricordieux, cet amour qui
transforme, qui nous a permis de voir la lumière. Nous ne sommes pas
témoins d'une idéologie, d'une recette, d'une manière de faire de
la théologie. Nous sommes témoins de l'amour purificateur et
miséricordieux de Jésus. Nous sommes témoins de son agir dans la
vie de nos communautés. C'est la pédagogie du Maître, c'est la
pédagogie de Dieu avec son Peuple. Passer de l'indifférence du
Zapping au Courage, lève-toi, le Maître t’appelle. Non parce que
nous sommes spéciaux, non parce que nous sommes meilleurs, non parce
que nous sommes fonctionnaires de Dieu, mais seulement parce que nous
sommes des témoins reconnaissants de la miséricorde qui nous
transforme".
"Nous
ne sommes pas seuls sur ce chemin. Nous nous aidons les uns les
autres par l'exemple et la prière. Nous avons autour de nous une
multitude de témoins. Souvenons-nous de la bienheureuse Nazaria
Ignacia, qui a dédié sa vie à l'annonce du Royaume à travers
l'attention aux personnes âgées, avec la ‘‘marmite du pauvre’’
pour ceux qui n'avaient pas à manger, en ouvrant des asiles pour les
enfants orphelins, des hôpitaux pour les blessés de la guerre, et
même en créant un syndicat féminin pour la promotion de la femme.
Souvenons-nous aussi de la vénérable Virginia Blanco Tardío,
totalement dévouée à l'évangélisation et au soin des personnes
pauvres et malades. Elles et tant d’autres constituent un
encouragement sur notre chemin. Allons de l’avant grâce à l'aide
de Dieu et à la collaboration de tous. Le Seigneur se sert de nous
pour que sa lumière arrive aux confins de la terre".
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