Cité
du Vatican, 21 décembre 2015 (VIS). Comme à l’accoutumée, le
Saint-Père a reçu ce matin la Curie Romaine pour l'échange des
voeux de Noël, s'adressant aux chefs de dicastères et aux prélats
après le salut du Cardinal Doyen Angelo Sodano. Reprenant le fil de
son discours de l'an dernier, dans lequel il avait souligné
"deux aspects importants et inséparables du travail curial, le
professionnalisme et le service. "L’an passé, pour nous
préparer au sacrement de la Réconciliation, nous avons cité
quelques tentations et maladies curiales pouvant frapper chacun,
curie, communauté, congrégation, paroisse et mouvement ecclésial.
Ce sont des maladies qui demandent prévention, vigilance, soin et,
malheureusement dans certains cas, interventions douloureuses et
prolongées. Certaines de ces maladies se sont manifestées au cours
de cette année, causant beaucoup de douleur à tout le corps et
blessant beaucoup d’âmes. Il semble juste d’affirmer que cela a
été et le sera toujours l’objet d’une sincère réflexion et de
mesures déterminantes. La réforme ira de l’avant avec
détermination, lucidité et résolution, parce que Ecclesia Semper
Reformanda. Toutefois, les maladies et même les
scandales ne pourront pas cacher l’efficacité des services que la
Curie Romaine avec effort, avec responsabilité, avec engagement et
dévouement, rend au Pape et à toute l’Eglise. C'est une vraie
consolation. Saint Ignace enseignait que c'est le propre du mauvais
esprit de tourmenter, de causer de la tristesse, d'élever des
obstacles, de troubler par de fausses raisons, afin d’empêcher de
progresser; au contraire, c'est le propre du bon esprit de donner
courage et forces, consolations et larmes, inspirations et sérénité,
diminuant et écartant toute difficulté, afin d’avancer sur le
chemin du bien".
"Ce
serait une grande injustice de ne pas exprimer une vive gratitude et
un juste encouragement à toutes les personnes saines et honnêtes
qui travaillent avec dévouement, dévotion, fidélité et
professionnalisme, offrant à l’Eglise et au Successeur de Pierre
le réconfort de leur solidarité et de leur obéissance ainsi que de
leurs prières généreuses. De plus, les résistances, les fatigues
et les chutes des personnes et des ministres sont aussi des leçons
et des occasions de croissance, et jamais de découragement. Ce sont
des opportunités pour revenir à l’essentiel qui consiste à faire
le point avec la conscience que nous avons de nous-mêmes, de Dieu,
du prochain, du Sensus Ecclesiae et du Sensus Fidei. De ce
revenir à l’essentiel je voudrais vous parler aujourd’hui alors
que nous sommes au début du pèlerinage de l’Année sainte de la
Miséricorde, ouverte il y a peu, et qui représente pour elle et
pour nous tous un fort appel à la gratitude, à la conversion, au
renouveau, à la pénitence et à la réconciliation. En
réalité, Noël est la fête de la miséricorde infinie de Dieu".
Pour saint Augustin, quelle miséricorde saurait l'emporter sur celle
qui a fait descendre du ciel le Créateur et lui a fait revêtir un
corps. "Donc, dans le contexte de cette Année de la
Miséricorde et de la préparation à Noël, je voudrais vous
présenter une aide pratique pour pouvoir vivre fructueusement ce
temps de grâce. Il s’agit d’un catalogue des vertus nécessaires
non-exhaustif, pour qui prête service à la Curie et pour tous ceux
qui veulent rendre féconde leur consécration ou leur service à
l’Eglise. J’invite donc les chefs de dicastères et les autres
supérieurs à l’approfondir, à l’enrichir et à le compléter.
C’est une liste qui part d’une analyse acrostiche de la parole
Miséricorde, afin qu’elle soit notre guide et notre phare:
1.Le
caractère Missionnaire et pastoral. Le caractère missionnaire est
ce qui rend, et montre la Curie fructueuse et féconde. Elle est la
preuve de la vigueur, de l’efficacité et de l’authenticité de
notre action. La foi est un don, mais la mesure de notre foi se
prouve aussi par la capacité que nous avons de la communiquer.
Chaque baptisé est missionnaire de la Bonne Nouvelle avant tout par
sa vie, par son travail et par son témoignage joyeux et convaincu.
Le caractère pastoral sain est une vertu indispensable spécialement
pour chaque prêtre. C’est l’engagement quotidien à suivre le
Bon Pasteur qui prend soin de ses brebis et donne sa vie pour sauver
la vie des autres. C’est la mesure de notre activité curiale et
sacerdotale. Sans ces deux ailes nous ne pourrons jamais voler et ni
atteindre la béatitude du serviteur fidèle.
2.Aptitude
et sagacité. L’aptitude demande l’effort personnel d’acquérir
les qualités nécessaires et requises pour exercer au mieux ses
propres tâches et activités, avec l’intelligence et l’intuition.
Elle s’oppose aux recommandations et aux faveurs. La sagacité est
la rapidité d’esprit à comprendre et à affronter les situations
avec sagesse et créativité. Aptitude et sagacité représentent
aussi la réponse humaine à la grâce divine, quand chacun de nous
suit ce célèbre dicton: Tout faire comme si Dieu n’existait pas
et, ensuite, laisser tout à Dieu comme si je n’existais pas. C’est
le comportement du disciple qui s’adresse au Seigneur tous les
jours avec ces paroles de la belle prière attribuée à Clément XI:
Guide-moi par ta sagesse, soutiens-moi par ta justice. Encourage-moi
par ta bonté, protège-moi par ta puissance. Je t’offre, ô
Seigneur mes pensées pour qu’elles soient dirigées vers toi, mes
paroles pour qu’elles soient de toi, mes actions, pour qu’elles
soient selon toi, mes tribulations pour qu’elles soient pour toi.
3.Spiritualité
et humanité. La spiritualité est la colonne vertébrale de tout
service dans l’Eglise et dans la vie chrétienne. Elle est ce qui
nourrit toute notre conduite, la soutient et la protège de la
fragilité humaine et des tentations quotidiennes. L’humanité est
ce qui incarne la véridicité de notre foi. Celui qui renonce à son
humanité renonce à tout. L’humanité est ce qui nous rend
différents des machines et des robots qui n’entendent pas et ne
s’émeuvent pas. Quand il nous est difficile de pleurer sincèrement
ou de rire franchement, alors notre déclin a commencé ainsi que
notre processus de transformation d’hommes en autre chose.
L’humanité c’est savoir montrer tendresse et familiarité,
courtoisie avec tous. Spiritualité et humanité, tout en étant des
qualités innées, sont toutefois des potentialités à réaliser
entièrement, à atteindre continuellement et à manifester
quotidiennement.
4.Exemplarité
et fidélité. Paul VI avait rappelé à la Curie sa vocation à
l’exemplarité. Exemplarité pour éviter les scandales qui
blessent les âmes et menacent la crédibilité de notre témoignage.
Fidélité à notre consécration, à notre vocation, rappelant
toujours les paroles du Christ: Qui est fidèle en très peu de chose
est fidèle aussi en beaucoup, et qui est malhonnête en très peu
est malhonnête aussi en beaucoup. Et: Mais si quelqu'un doit
scandaliser l'un de ces petits qui croient en moi, il serait
préférable pour lui de se voir suspendre autour du cou une de ces
meules que tournent les ânes et d'être englouti en pleine mer.
Malheur au monde à cause des scandales! Il est fatal, certes, qu'il
arrive des scandales, mais malheur à l'homme par qui le scandale
arrive!
5.Rationalité
et amabilité. La rationalité sert à éviter les excès émotifs et
l’amabilité à éviter les excès de la bureaucratie et des
programmations et planifications. Ce sont des talents nécessaires
pour l’équilibre de la personnalité: L'ennemi considère
attentivement si une âme est grossière, ou
si elle est délicate. Si elle est grossière, il tâche de la rendre
délicate à l'extrême pour la jeter plus facilement dans le trouble
et l'abattre. Tout excès est l’indice de
quelque déséquilibre.
6.Innocuité
et détermination. L’innocuité qui nous rend prudents dans le
jugement, capables de nous abstenir d’actions impulsives et
précipitées. C’est la capacité de faire émerger le meilleur de
nous-mêmes, des autres et des situations en agissant avec attention
et compréhension. C’est faire aux autres ce que tu voudrais qu’il
te soit fait. La détermination c’est agir avec une volonté
résolue, avec une vision claire et dans l’obéissance à Dieu, et
seulement pour la loi suprême de la Salus Animarum.
7.Charité
et vérité. Deux vertus indissolubles de l’existence chrétienne:
Faire la vérité dans la charité et vivre la charité dans la
vérité, au point que la charité sans vérité devient idéologie
d’un bonnisme destructeur et la vérité sans charité devient
justice aveugle.
8.Honnêteté
et maturité. L’honnêteté est la rectitude, la cohérence et le
fait d’agir avec sincérité absolue avec soi-même et avec Dieu.
Celui qui est honnête n’agit pas avec droiture seulement sous le
regard du surveillant ou du supérieur, celui qui est honnête ne
craint pas d’être surpris, parce qu’il ne trompe jamais celui
qui lui fait confiance. Celui qui est honnête ne se comporte jamais
en maître sur les personnes ou sur les choses qui lui ont été
confiées à administrer, comme le mauvais serviteur. L’honnêteté
est la base sur laquelle s’appuient toutes les autres qualités. La
maturité vise à atteindre l’harmonie entre nos capacités
physiques, psychiques et spirituelles. Elle est le but et
l’aboutissement d’un processus de développement qui ne finit
jamais et qui ne dépend pas de l’âge que nous avons.
9.Déférence
et humilité. La déférence est le talent des âmes nobles et
délicates, des personnes qui cherchent toujours à montrer un
respect authentique envers les autres, de leur propre rôle, envers
les supérieurs, les subordonnés, les dossiers, les papiers, le
secret et la confidentialité, les personnes qui savent écouter
attentivement et parler poliment. L’humilité, de son côté, est
la vertu des saints et des personnes remplies de Dieu qui, plus elles
acquièrent de l’importance, plus grandit en elles la conscience de
n’être rien et de ne rien pouvoir faire sans la grâce de Dieu.
10.Générosité
et attention. Plus nous avons confiance en Dieu et dans sa providence
plus nous sommes généreux d’âme et plus nous sommes ouverts à
donner, sachant que plus on donne plus on reçoit. En réalité il
est inutile d’ouvrir toutes les Portes Saintes de toutes les
basiliques du monde si la porte de notre cœur est fermée à
l’amour, si nos mains sont fermées à donner, si nos maisons sont
fermées à héberger, si nos églises sont fermées à accueillir.
L’attention c’est soigner les détails et offrir le meilleur de
nous-mêmes, et ne jamais baisser la garde sur nos vices et nos
manques. Saint Vincent de Paul priait ainsi: Seigneur aide-moi à
m’apercevoir tout de suite de ceux qui sont à côté de moi, de
ceux qui sont inquiets et désorientés, de ceux qui souffrent sans
le montrer, de ceux qui se sentent isolés sans le vouloir.
11.Impavidité
et promptitude. Etre impavide signifie ne pas se laisser effrayer
face aux difficultés comme Daniel dans la fosse aux lions, comme
David face à Goliath, cela signifie agir avec audace et
détermination et sans tiédeur comme un bon soldat. Cela signifie
savoir faire le premier pas sans tergiverser, comme Abraham et comme
Marie. De son côté, la promptitude c’est savoir agir avec liberté
et agilité sans s’attacher aux choses matérielles provisoires. Le
Psaume 61 dit: Aux richesses quand elles s’accroissent n’attachez
pas votre cœur. Etre prompt veut dire être toujours en chemin, sans
jamais s’alourdir en accumulant des choses inutiles et en se
fermant sur ses propres projets et sans se laisser dominer par
l’ambition.
12.Fiabilité
et sobriété. Celui qui est fiable est celui qui sait maintenir ses
engagements avec sérieux et crédibilité quand il est observé mais
surtout quand il se trouve seul. C’est celui qui répand autour de
lui un climat de tranquillité parce qu’il ne trahit jamais la
confiance qui lui a accordée. La sobriété...est la capacité de
renoncer au superflu et de résister à la logique consumériste
dominante. La sobriété est prudence, simplicité, concision,
équilibre et tempérance. La sobriété c’est regarder le monde
avec les yeux de Dieu et avec le regard des pauvres et de la part des
pauvres. La sobriété est un style de vie, qui indique le primat de
l’autre comme principe hiérarchique et exprime l’existence comme
empressement et service envers les autres. Celui qui est sobre est
une personne cohérente et essentielle en tout, parce qu’elle sait
réduire, récupérer, recycler, réparer, et vivre avec le sens de
la mesure".
"La
miséricorde n’est pas un sentiment passager, mais elle est la
synthèse de la Bonne Nouvelle, elle est le choix de celui qui veut
avoir les sentiments de Jésus, de celui qui veut suivre sérieusement
le Seigneur qui nous demande d'être miséricordieux comme le Père.
La miséricorde serait-elle scandale pour la justice, folie pour
l’intelligence, consolation pour nous qui avons une dette? La dette
d’exister, la dette d’être aimés se paie seulement par la
miséricorde. Donc, que la miséricorde
guide nos pas, inspire nos réformes, éclaire nos décisions.
Qu’elle soit la colonne vertébrale de notre action. Qu’elle nous
enseigne quand nous devons avancer et quand nous devons faire un pas
en arrière. Qu’elle nous fasse lire la petitesse de nos actions
dans le grand projet de salut de Dieu et dans la majesté et le
mystère de son œuvre. Pour nous aider à
comprendre cela, laissons-nous fasciner par la splendide prière
communément attribuée au bienheureux Oscar Arnulfo Romero, mais qui
a été prononcée pour la première fois par le Cardinal John
Dearden:
Il
est bon parfois de prendre du recul et de regarder derrière soi.
Le
Royaume n’est pas seulement au-delà de nos efforts, il est aussi
au-delà de notre regard.
Durant
notre vie, nous n’arrivons à accomplir qu’une petite partie de
cette entreprise magnifique qui est l’œuvre de Dieu.
Rien
de ce que nous faisons n’est complet.
C’est
dire que le Royaume se trouve toujours au-delà de nous-mêmes.
Aucune
affirmation ne dit tout ce que l’on peut dire.
Aucune
prière n’exprime complètement la foi.
Aucun
credo n’apporte la perfection.
Aucune
visite pastorale n’apporte avec elle toutes les solutions.
Aucun
programme n’accomplit pleinement la mission de l’Eglise.
Aucun
but ni objectif n’atteint la plénitude.
Voilà
de quoi il s’agit:
Nous
semons des graines qui un jour germeront.
Nous
posons les bases de ce qui se développera.
Nous
mettons le levain qui multipliera nos capacités.
Nous
ne pouvons pas tout faire, mais commencer nous apporte un sentiment
de libération.
Cela
nous donne la force de faire quelque chose, et de la faire bien.
Cela
peut rester incomplet, mais c’est un début, un pas sur un chemin.
Une
opportunité pour que la grâce de Dieu entre et fasse le reste.
Nous
pouvons ne jamais voir son achèvement, mais c’est la différence
entre le contremaître et l’ouvrier.
Nous
sommes des ouvriers, non pas des contremaîtres, des serviteurs, non
pas le messie.
Nous
sommes les prophètes d’un avenir qui ne nous appartient pas".
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