Cité
du Vatican, 11 janvier 2016 (VIS). Comme à
l'accoutumée en début d'année, le Pape s'est adressé ce matin au
corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège (180 états plus
l'Union européenne, l'Ordre de Malte et l'OLP. Le Saint-Siège est
observateur permanent près l'ONU et ses agences, et observateur
permanent près la Communauté caraïbe depuis le 4 jun dernier).
Après
les voeux exprimés par le nouveau Doyen, l'Ambassadeur d'Angola,
M.Armindo Fernandes do Espírito Santo Vieira,
le Saint-Père a prononcé le discours suivant: "Ce
rendez-vous annuel m’offre l’opportunité de vous présenter mes
vœux pour la nouvelle année, me permettant de réfléchir avec vous
sur la situation de notre monde, béni et aimé de Dieu, pourtant
tourmenté et affligé par nombre de maux... L’occasion m’est
offerte aussi d’adresser une pensée particulière à tous ceux qui
participent pour la première fois à cette rencontre, relevant avec
satisfaction que, au cours de l’année passée, le nombre
d’ambassadeurs résidant à Rome s’est accru (86, s'étant
ajoutées en 2015 les représentations du Belize, du Burkina Faso et
de la Guinée Equatoriale). Il s’agit d’une indication
significative de l’attention avec laquelle la communauté
internationale suit l’activité diplomatique du Saint-Siège. Les
accords internationaux souscrits ou ratifiés au cours de l’année
qui vient de s’achever en sont une preuve supplémentaire. Je
désire, en particulier, citer ici les ententes spécifiques en
matière fiscale signées avec l’Italie et les Etats-Unis
d’Amérique, qui témoignent de l’engagement accru du Saint-Siège
en faveur d’une plus grande transparence dans les questions
économiques. Non moins importants sont les accords de caractère
général, en vue de réguler des aspects essentiels de la vie et de
l’activité de l’Eglise dans les différents pays, comme
l’entente signée à Díli avec le Timor-Oriental. Je désire
également rappeler l’échange des instruments de ratification de
l’Accord avec le Tchad sur l’état juridique de l’Eglise
catholique, comme celui signé et ratifié avec la Palestine. Il
s’agit de deux accords qui, avec le Memorandum d’entente entre la
Secrétairerie d’Etat et le Ministère des Affaires étrangères du
Koweit, montrent, entre autre, comment le vivre-ensemble pacifique
entre des personnes appartenant à des religions différentes est
possible, là où la liberté religieuse est reconnue et où la
possibilité effective de collaborer à l’édification du bien
commun, dans le respect réciproque de l’identité culturelle de
chacun, est garantie".
"D’autre
part, chaque expérience religieuse authentiquement vécue ne peut
que promouvoir la paix. Noël, que nous venons de célébrer et où
nous avons contemplé la naissance d’un enfant sans défense,
appelé conseiller merveilleux, Dieu-fort, Père à jamais, Prince de
la Paix, nous le rappelle. Le mystère de l’Incarnation nous montre
le vrai visage de Dieu, pour qui puissance ne signifie pas force et
destruction, mais bien amour ; justice ne signifie pas
vengeance, mais bien miséricorde. C’est dans cette perspective que
j’ai voulu proclamer le Jubilé extraordinaire de la Miséricorde,
inauguré exceptionnellement à Bangui au cours de mon voyage
apostolique au Kenya, en Ouganda et en Centrafrique. Dans un pays
longuement éprouvé par la faim, la pauvreté et les conflits, où
la violence fratricide des dernières années a laissé des blessures
profondes dans les âmes, déchirant la communauté nationale et
engendrant misère matérielle et morale, l’ouverture de la Porte
Sainte de la cathédrale de Bangui a voulu être un signe
d’encouragement à élever le regard, à reprendre la route et à
retrouver les raisons du dialogue. Là où l’on a abusé du nom de
Dieu pour commettre l’injustice, j’ai voulu rappeler, avec la
communauté musulmane centrafricaine, que celui qui dit croire en
Dieu doit être aussi un homme, une femme de paix, et donc de
miséricorde, puisqu’on ne peut jamais tuer au nom de Dieu. Seule
une forme idéologique et déviée de la religion peut penser rendre
justice au nom du Tout Puissant, en massacrant délibérément des
personnes sans défense, comme cela est arrivé dans les attentats
terroristes sanglants des mois derniers en Afrique, en Europe et au
Moyen Orient".
"La
miséricorde a été comme le fil conducteur de mes voyages
apostoliques de l’année passée. Je me réfère surtout à la
visite à Sarajevo, ville profondément blessée par la guerre dans
les Balkans et capitale d’un pays, la Bosnie-Herzégovine, qui
revêt une signification spéciale pour l’Europe et pour le monde
entier. Un tel carrefour de cultures, nations et religions s’efforce,
avec des résultats positifs, de construire toujours de nouveaux
ponts, de valoriser ce qui unit et de regarder les différences comme
des opportunités de croissance dans le respect de tous. Cela est
possible grâce au dialogue patient et confiant, qui sait faire
siennes les valeurs de la culture de chacun et accueillir le bien
provenant des expériences d’autrui. Ma pensée va ensuite
au voyage en Bolivie, Equateur et Paraguay, où j’ai rencontré des
peuples qui ne se rendent pas face aux difficultés et affrontent
avec courage, détermination et esprit de fraternité les nombreux
défis qui les tourmentent, à commencer par la pauvreté diffuse et
les inégalités sociales. Au cours du voyage à Cuba et aux
Etats-Unis d’Amérique, j’ai pu embrasser deux pays qui ont été
longuement divisés et qui ont décidé d’écrire une nouvelle page
de l’histoire, en entreprenant un chemin de rapprochement et de
réconciliation. A Philadelphie, à l’occasion
de la Rencontre mondiale des familles, comme aussi au cours du voyage
au Sri Lanka et aux Philippines et avec le récent Synode des
Évêques, j’ai rappelé l’importance de la famille, qui est la
première et la plus importante école de miséricorde, où l’on
apprend à découvrir le visage affectueux de Dieu et où notre
humanité grandit et se développe. Malheureusement, nous
connaissons les nombreux défis que la famille doit affronter en ce
temps, où elle est menacée par les efforts croissants de certains
pour redéfinir l’institution même du mariage à travers le
relativisme, la culture de l’éphémère et un manque d’ouverture
à la vie. Il y a aujourd’hui une peur diffuse face au caractère
définitif que la famille exige et en font les frais surtout les plus
jeunes, souvent fragiles et désorientés, et les personnes âgées
qui finissent par être oubliées et abandonnées. Au contraire, de
la fraternité vécue en famille, naît la solidarité dans la
société, qui nous porte à être responsable les uns des autres.
Cela est possible seulement si dans nos maisons, de même que dans
nos sociétés, nous ne laissons pas se sédimenter les peines et les
ressentiments, mais donnons place au dialogue, qui est le meilleur
antidote à l’individualisme si largement répandu dans la culture
de notre temps. Un esprit individualiste est un terrain
fertile pour la maturation de cette attitude d’indifférence envers
le prochain, qui porte à le traiter comme simple objet d’achat et
de vente, qui pousse à se désintéresser de l’humanité des
autres et finit par rendre les personnes craintives et cyniques. Ces
sentiments ne sont-ils pas ceux que nous éprouvons souvent devant
les pauvres, les marginaux, les derniers de la société? Et combien
de derniers avons-nous dans nos sociétés! Parmi ceux-ci, je pense
surtout aux migrants, avec leur poids de difficultés et de
souffrances qu’ils affrontent chaque jour dans la recherche,
parfois désespérée, d’un lieu où vivre en paix et avec
dignité".
"Je
voudrais donc aujourd’hui réfléchir avec vous à la grave urgence
migratoire que nous sommes en train d’affronter, pour en discerner
les causes, proposer des solutions, vaincre l’inévitable peur qui
accompagne un phénomène aussi massif et imposant qui, au cours de
2015, a surtout concerné l’Europe, mais aussi différentes régions
de l’Asie et le nord et le centre de l’Amérique. Ne
crains pas, ne t’effraie pas, car le Seigneur ton Dieu sera avec
toi où tu iras. C’est la promesse que Dieu fait à Josué et qui
montre combien le Seigneur accompagne chaque personne, surtout celle
qui est dans une situation de fragilité comme celle qui cherche
refuge dans un pays étranger. En vérité, toute la Bible nous
raconte l’histoire d’une humanité en marche, parce que le fait
d’être en mouvement est connaturel à l’homme. Son histoire est
faite de nombreuses migrations, parfois muries comme conscience du
droit à une liberté choisie, souvent dictées par des circonstances
extérieures. De l’exil du paradis terrestre jusqu’à Abraham en
marche vers la terre promise, du récit de l’Exode à l'exil de
Babylone, l'Ecriture raconte peines et souffrances, désirs et
espérances, qui sont communs à ceux des centaines de milliers de
personnes en marche de nos jours, avec la même détermination que
Moïse pour atteindre une terre dans laquelle coule le lait et le
miel, où pouvoir vivre libres et en paix. Aujourd’hui comme alors,
nous entendons le cri de Rachel qui pleure ses enfants qui ne sont
plus. C’est la voix des milliers de personnes qui pleurent en
fuyant des guerres horribles, des persécutions et des violations des
droits humains, ou l’instabilité politique ou sociale, qui rendent
souvent impossible la vie dans sa patrie. C’est le cri de tous ceux
qui sont contraints de fuir pour éviter les barbaries indicibles
pratiquées envers des personnes sans défense, comme les enfants et
les personnes handicapées, ou le martyre pour la seule appartenance
religieuse. Comme alors, nous entendons la voix de Jacob qui dit à
ses fils: Descendez là-bas et achetez-y du blé pour nous. Ainsi
nous ne mourrons pas, nous vivrons. C’est la voix de tous ceux qui
fuient la misère extrême, à cause de l’impossibilité de nourrir
la famille ou d’accéder à des soins médicaux et à
l’instruction, de la dégradation sans perspective de quelque
progrès, ou aussi à cause des changements climatiques et des
conditions climatiques extrêmes. Malheureusement, on sait que la
faim est encore une des plaies les plus graves de notre monde, avec
des millions d’enfants qui meurent chaque année à cause d’elle.
C’est douloureux de constater pourtant que souvent ces migrants ne
rentrent pas dans les systèmes internationaux de protection sur la
base des accords internationaux".
"Comment
ne pas voir dans tout cela le fruit de la culture du rejet qui met en
péril la personne humaine, sacrifiant des hommes et des femmes aux
idoles du profit et de la consommation? Il est grave de s’habituer
à ces situations de pauvreté et de besoin, aux drames de nombreuses
personnes et de les faire devenir normalité. Les personnes ne sont
plus perçues comme une valeur fondamentale à respecter et à
protéger, surtout celles qui sont pauvres ou avec un handicap, si
elles ne servent pas encore comme les enfants à naître, ou ne
servent plus comme les personnes âgées. Nous sommes devenus
insensibles à toute forme de gaspillage, à commencer par le
gaspillage alimentaire, qui est parmi les plus déplorables, quand il
y a de nombreuses personnes et familles qui souffrent de la faim et
de la malnutrition. Le Saint-Siège souhaite que le premier
Sommet humanitaire mondial convoqué en mai prochain par les
Nations-Unies puisse réussir, dans le triste tableau actuel de
conflits et de catastrophes, dans son intention de mettre la personne
humaine et sa dignité au cœur de chaque réponse humanitaire. Il
faut un engagement commun qui renverse résolument la culture du
déchet et de l’offense à la vie humaine afin que personne ne se
sente dédaigné ou oublié et que d’autres vies ne soient pas
sacrifiées à cause du manque de ressources et, par-dessus tout, de
volonté politique. Malheureusement, aujourd’hui
comme alors, nous entendons la voix de Juda qui suggère de vendre
son propre frère. C’est l’arrogance des puissants qui
instrumentalisent les faibles, les réduisant à des objets pour des
fins égoïstes ou pour des calculs stratégiques et politiques. Là
où une migration régulière est impossible, les migrants sont
souvent contraints de choisir de se tourner vers qui pratique la
traite ou la contrebande d’êtres humains, même étant en grande
partie conscients du danger de perdre durant le voyage les biens, la
dignité et jusqu’à la vie. Dans cette perspective, je renouvelle
encore l’appel à arrêter le trafic des personnes, qui exploite
les êtres humains, spécialement les plus faibles et sans défense.
Et les images des enfants morts en mer, victimes de l’absence de
scrupules des hommes et de l’inclémence de la nature, resteront
toujours imprimées de façon indélébile dans nos esprits et dans
nos cœurs. Celui qui peut survivre et aborder un pays qui
l’accueille porte de manière indélébile les cicatrices profondes
de ces expériences, outre celles liées aux horreurs qui
accompagnent toujours guerres et violences. Comme alors, aujourd’hui
aussi on entend l’ange répéter Lève-toi. Prends l’enfant et sa
mère, et fuis en Egypte. Reste là-bas jusqu’à ce que je
t’avertisse. C’est la voix qu’entendent les nombreux migrants
qui ne laisseraient jamais leur propre pays s’ils n’y étaient
pas contraints. Parmi eux, il y a de nombreux chrétiens qui d’une
façon toujours plus massive ont abandonné au cours des dernières
années leurs terres, qu’ils ont pourtant habitées depuis les
origines du christianisme. Le psalmiste nous répète qu'au bord des
fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions, nous
souvenant de Sion. C’est la plainte de tous ceux qui retourneraient
volontiers dans leurs propres pays, s’ils y trouvaient des
conditions idoines de sécurité et de subsistance. Là aussi, ma
pensée va aux chrétiens du Moyen Orient, désireux de contribuer,
comme citoyens à part entière, au bien-être spirituel et matériel
de leurs nations respectives.
On
aurait pu affronter une grande partie des causes des migrations
depuis longtemps déjà. On aurait pu ainsi éviter beaucoup de
malheurs ou, du moins, en adoucir les conséquences les plus
cruelles. Encore aujourd’hui, et avant qu’il ne soit trop tard,
on pourrait faire beaucoup pour arrêter les tragédies et construire
la paix. Mais cela signifierait remettre en cause des habitudes et
des pratiques établies, en commençant par les questions liées au
commerce des armes, au problème de l’approvisionnement de matières
premières et d’énergie, aux investissements, aux politiques
financières et de soutien au développement, jusqu’à la grave
plaie de la corruption. Nous sommes conscients ensuite que, sur le
thème de la migration, il convient d’établir des projets à moyen
et à long terme qui aillent plus loin que la réponse d’urgence.
Ceux-ci devraient d’un côté aider effectivement l’intégration
des migrants dans les pays d’accueil, et en même temps favoriser
le développement des pays de provenance par des politiques
solidaires, mais qui ne soumettent pas les aides à des stratégies
et à des pratiques idéologiquement étrangères ou contraires aux
cultures des peuples auxquels elles s’adressent. Sans oublier
d’autres situations dramatiques, parmi lesquelles je pense en
particulier à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, que
j’aborderai en me rendant à Ciudad Juarez le mois prochain, je
voudrais dédier une pensée spéciale à l’Europe. En effet, au
cours de l’année passée, elle a été concernée par un flux
important de réfugiés, dont beaucoup ont trouvé la mort en
essayant de l’atteindre, qui n’a pas de précédent dans son
histoire récente, pas même à la fin de la seconde guerre mondiale.
Beaucoup de migrants venant de l’Asie et de l’Afrique, voient
dans l’Europe un point de référence pour des principes comme
l’égalité devant le droit et les valeurs inscrites dans la nature
même de tout homme, dont l’inviolabilité de la dignité et de
l’égalité de chaque personne, l’amour du prochain sans
distinction d’origine ni d’appartenance, la liberté de
conscience et la solidarité envers ses semblables. Mais les
débarquements massifs sur les côtes du vieux continent semblent
faire vaciller le système d’accueil construit avec peine sur les
cendres du second conflit mondial, qui constitue encore un phare
d’humanité auquel se référer. Devant l’importance des flux et
les inévitables problèmes connexes, de nombreuses questions sont
sorties sur les possibilités réelles de réception et d’adaptation
des personnes, sur la modification de la structure culturelle et
sociale des pays d’accueil, comme aussi sur le remodelage de
certains équilibres géopolitiques régionaux. De même, les
craintes concernant la sécurité sont importantes, considérablement
augmentées par la menace déferlante du terrorisme international. La
vague migratoire actuelle semble miner les bases de cet esprit
humaniste que l’Europe aime et défend depuis toujours. Cependant,
on ne peut pas se permettre de perdre les valeurs et les principes
d’humanité, de respect pour la dignité de toute personne, de
subsidiarité et de solidarité réciproque, bien qu’ils puissent,
à certains moments de l’histoire, constituer un fardeau difficile
à porter. Je souhaite donc rappeler ma conviction que l’Europe,
aidée par son grand patrimoine culturel et religieux, a les
instruments pour défendre le caractère central de la personne
humaine et pour trouver le juste équilibre entre le double devoir
moral de protéger les droits de ses propres citoyens, et celui de
garantir l’assistance et l’accueil des migrants".
"Je
ressens aussi le d’exprimer ma gratitude pour toutes les
initiatives prises pour favoriser un accueil digne des personnes,
dont, parmi d’autres, le Fonds Migrants et Réfugiés de la Banque
de Développement du Conseil de l’Europe, et aussi pour
l’engagement des pays qui ont eu une attitude généreuse de
partage. Je fais référence avant tout aux pays proches de la Syrie,
qui ont donné des réponses immédiates d’assistance et d’accueil:
Surtout le Liban, où les réfugiés constituent un quart de la
population globale, et la Jordanie, qui n’a pas fermé ses
frontières bien qu’elle héberge déjà des centaines de milliers
de réfugiés. De même, il ne faut pas oublier les efforts d’autres
pays engagés en première ligne, parmi lesquels spécialement la
Turquie et la Grèce. Je souhaite exprimer une reconnaissance
particulière à l’Italie, dont l’engagement décisif a sauvé
beaucoup de vies en Méditerranée et qui prend encore en charge sur
son territoire un nombre très important de réfugiés. Je souhaite
que le traditionnel sens de l’hospitalité et de la solidarité qui
distingue le peuple italien ne s’affaiblisse pas par les
inévitables difficultés du moment, mais, à la lumière de sa
tradition multi-millénaire qu’il soit capable d’accueillir et
d’intégrer l’apport social, économique et culturel que les
migrants peuvent offrir. Il est important que les pays qui sont en
première ligne ne soient pas laissés seuls, et il est de même
indispensable d’engager un dialogue franc et respectueux entre tous
les pays impliqués dans la question provenance, transit et accueil
pour que, avec une plus grande audace créative, on recherche des
solutions nouvelles et durables. Dans la conjoncture actuelle, on ne
peut pas penser, en effet, des solutions poursuivies de façon
individualiste par chaque État, car les conséquences des choix de
chacun retombent inévitablement sur la Communauté internationale
tout entière. Il est connu, en effet, que les migrations
constitueront un élément fondamental de l’avenir du monde, plus
qu’elles ne l’ont fait jusqu’à présent, et que les réponses
pourront être seulement le fruit d’un travail commun, qui soit
respectueux de la dignité humaine et des droits des personnes.
L’Agenda de Développement adopté en septembre dernier par les
Nations-Unies pour les quinze prochaines années, qui affronte
beaucoup des problèmes qui poussent à la migration, comme aussi
d’autres documents de la Communauté internationale pour gérer la
question migratoire, pourront trouver une application cohérente aux
attentes s’ils savent remettre la personne au centre des décisions
politiques à tous les niveaux, voyant l’humanité comme une seule
famille et les hommes comme des frères, dans le respect des
différences réciproques et des convictions de conscience. Dans le
traitement de la question migratoire, on ne pourra pas négliger, en
effet, les aspects culturels connexes, en commençant par ceux qui
sont liés à l’appartenance religieuse. L’extrémisme et le
fondamentalisme trouvent un terrain fertile, non seulement dans une
instrumentalisation de la religion à des fins de pouvoir, mais aussi
dans le vide d’idéaux et dans la perte d’identité – aussi
religieuse – que connaît dramatiquement l’Occident. D’un tel
vide nait la peur qui pousse à voir l’autre comme un danger et un
ennemi, à se refermer sur soi-même en se retranchant sur des
positions préconçues. Le phénomène migratoire pose donc un
sérieux problème culturel, auquel on ne peut se dispenser de
répondre. L’accueil peut donc être une occasion propice pour une
nouvelle compréhension et ouverture d’horizon, tant pour celui qui
est accueilli, lequel a le devoir de respecter les valeurs, les
traditions et les lois de la communauté qui l’héberge, que pour
cette dernière, appelée à valoriser tout ce que chaque immigré
peut offrir à l’avantage de toute la communauté. Dans ce cadre,
le Saint-Siège renouvelle son engagement dans le domaine œcuménique
et inter-religieux pour instaurer un dialogue sincère et loyal qui,
valorisant la particularité et l’identité propre à chacun,
favorise une cohabitation harmonieuse entre toutes les composantes
sociales".
"L'année
2015 a vu la conclusion d’importantes ententes internationales, qui
font beaucoup espérer pour l’avenir. Je pense avant tout à
l’Accord sur le nucléaire iranien qui, je l’espère, contribue à
favoriser un climat de détente dans la région, comme aussi la
conclusion de l’accord attendu sur le climat, au cours de la
Conférence de Paris. Il s’agit d’une entente significative qui
représente un résultat important pour la Communauté internationale
tout entière et qui met en lumière une forte prise de conscience
collective à propos de la grave responsabilité que chacun,
individus et nations, a de préserver la création, en promouvant une
culture de protection qui imprègne toute la société. Il est
maintenant fondamental que les engagements pris ne soit pas seulement
une bonne intention, mais constituent pour tous les états une
obligation effective à réaliser les actions nécessaires pour
sauvegarder notre terre bien-aimée, au profit de l’humanité tout
entière, surtout des générations à venir. L’année qui vient de
commencer s’annonce pleine de défis et beaucoup de tensions se
sont déjà manifestées. Je pense surtout aux graves divergences
survenues dans la région du Golfe persique, comme aussi à la
préoccupante expérience militaire menée dans la péninsule
coréenne. Je souhaite que les oppositions laissent place à la voix
de la paix et à la bonne volonté de chercher des ententes. Dans
cette perspective, je relève avec satisfaction que des gestes
significatifs et particulièrement encourageants ne manquent pas. Je
fais référence en particulier au climat de cohabitation pacifique
dans lequel se sont déroulées les récentes élections en
Centrafrique et qui constitue un signe positif de la volonté de
poursuivre le chemin entrepris vers une pleine réconciliation
nationale. Je pense, en outre, aux nouvelles initiatives engagées à
Chypre pour assainir une division de longue date, et aux efforts
entrepris par le peuple colombien pour dépasser les conflits du
passé et obtenir la paix ardemment désirée depuis longtemps.
Ensuite, nous regardons tous avec espérance les pas importants
entrepris par la communauté internationale pour atteindre une
solution politique et diplomatique de la crise en Syrie, qui mette
fin aux souffrances de la population, qui durent depuis trop
longtemps. De même, les signes provenant de la Libye sont
encourageants, ils font espérer un engagement renouvelé pour faire
cesser les violences et retrouver l’unité du pays. D’autre part,
il apparaît de plus en plus évident que seule une action politique
commune et coordonnée pourra contribuer à endiguer le déferlement
de l’extrémisme et du fondamentalisme, avec leurs aspects
d’origine terroriste, qui font d’innombrables victimes, tant en
Syrie, en Libye, que dans d’autres pays tels que l’Irak et le
Yémen".
"Que
cette Année Sainte de la Miséricorde soit aussi une occasion de
dialogue et de réconciliation orienté vers l’édification du bien
commun au Burundi, en République Démocratique du Congo et au Sud
Soudan. Qu’elle soit surtout un temps propice pour mettre
définitivement un terme au conflit dans les régions orientales de
l’Ukraine. Le soutien que la Communauté internationale, chaque
État et les organismes humanitaires, pourront offrir au pays à de
multiples points de vue afin qu’il résolve la crise actuelle, est
d’une importance fondamentale. Mais le défi qui, plus que tout
autre, nous attend est celui de vaincre l’indifférence pour
construire ensemble la paix, qui demeure un bien à poursuivre sans
cesse. Malheureusement, parmi les nombreux lieux du monde qui la
désirent ardemment, il y a la terre que Dieu a aimée et choisie
pour montrer à tous le visage de sa miséricorde. Mon souhait est
que cette nouvelle année puisse guérir les blessures profondes qui
séparent Israéliens et Palestiniens et permettre la cohabitation
pacifique de deux peuples qui, j’en suis sûr, du fond du cœur, ne
demandent rien d’autre que la paix! Au niveau diplomatique, le
Saint-Siège ne cessera jamais de travailler pour que la voix de la
paix puisse être entendue jusqu’aux extrémités de la terre. Je
renouvelle donc l’entière disponibilité de la Secrétairerie
d’Etat à collaborer avec vous pour favoriser un dialogue constant
entre le siège apostolique et les pays que vous représentez au
profit de toute la communauté internationale, avec la profonde
certitude que cette année jubilaire pourra être l’occasion
propice pour que la froide indifférence de nombreux cœurs soit
vaincue par la chaleur de la miséricorde, don précieux de Dieu, qui
transforme la crainte en amour et nous rend artisans de paix. Avec
ces sentiments je renouvelle à chacun de vous, à vos familles, à
vos pays, mes vœux les plus fervents d’une année pleine de
bénédictions".
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