Cité
du Vatican, 3 février 2016 (VIS). A
l'occasion du Nouvel An chinois, le Saint-Père a accordé une longue
interview au journal en ligne Asia Times (Hong Kong). En voici un
résumé. Saisissant d'abord l'occasion, il souhaite une bonne et
heureuse année au Président Xi Jinping et au peuple chinois tout
entier, pour lequel il manifeste sa haute estime, louant la culture
chinoise et exprimant l'espoir que ce grand pays contribue au
dialogue entre les peuples, à la la paix et au développement de la
famille humaine.
Asia
Times: Que représente la Chine pour vous? Et quelle place occupe
Matteo Ricci dans votre vie?
Pape
François: ''Pour moi, la Chine a toujours été un point de
référence de la grandeur. Un grand pays, mais plus encore une
grande culture, avec une sagesse inépuisable... Je l'admire depuis
toujours... Apprenant la vie de Matteo Ricci, j'ai vu cet homme était
exactement ce que je ressentais, une personne en mesure de dialoguer
avec cette grande culture, avec cette sagesse ancienne...
L'expérience du P.Ricci enseigne qu'il est nécessaire d'établir un
dialogue avec la Chine..., une terre bénie à beaucoup d'égards. Et
l'Eglise catholique, dont une des fonctions est le respect de toutes
les civilisations, a le devoir de respecter celle-ci avec un R
majuscule".
Asia
Times: La Chine s'ouvre désormais au monde, face à des défis sans
précédent pour elle-même comme pour le monde. Vous avez parlé
d'une troisième guerre mondiale furtive: Que représente la
recherche de la paix?
Pape
François: ''La peur n'est jamais bonne conseillère... Il est
évident que, comme la culture et la sagesse, les connaissances
technologiques ne peuvent rester enfermées dans un pays: Elles
doivent se développer, être diffusées et communiquées. L'homme
communique, une civilisation communique. Certes, quand la
communication se produit se manifeste de manière agressive, il peut
en découler des conflits. Mais en l'occurrence il n'est pas utile
d'avoir peur. Le grand défi est de trouver un équilibre mondial
dans la paix... Le monde occidental, le monde oriental et la Chine
ont la capacité de maintenir cet équilibre et de la force de
construire la paix. Nous devons trouver le moyen, toujours par le
dialogue. Il n'y a pas d'autre moyen. Mais le dialogue ne signifie
pas que nous devrions accepter un compromis du genre la moitié du
gâteau pour moi, l'autre pour vous, comme cela s'est produit à
Yalta. Et nous en avons vu les résultats! Non, le véritable
dialogue signifie: Nous sommes arrivés à ce point, nous pouvons
être d'accord ou non, mais avançons ensemble. C'est nécessaire
pour construire... Aujourd'hui le gâteau est un tout, il est
l'humanité, la culture. Partager le gâteau, comme à Yalta,
signifierait diviser l'humanité et la culture en petits morceaux",
ce qui est impossible.
Asia
Times: La Chine a connu ces dernières décennies de grandes
tragédies. Depuis 1980, les chinois ont sacrifié ce qui a toujours
été de plus cher, leurs enfants. Pour les Chinois sont de très
graves blessures. Cela a laissé un grand vide dans leur conscience
et en quelque sorte un besoin très profond de se réconcilier avec
eux-mêmes et se pardonner. En cette Année de la Miséricorde, quel
message peut-on offrir au peuple chinois?
Pape
François: ''Le vieillissement de la population...se produit dans de
nombreuses régions du monde... Cela peut faire peur ou fournir une
perception erronée du phénomène. Alors si nous tombons dans la
pauvreté, à quoi bon avoir des enfants... Certains pays ont opté
pour le contraire. Par exemple, lors de mon voyage en Albanie, j'ai
été étonné de constater que l'âge moyen de la population était
de quarante ans... Les pays qui ont souffert choisissent la jeunesse.
Ensuite, il y a le problème du travail... Il est vrai que le
problème d'une Chine privée d'enfants doit être très douloureux.
La pyramide est inversée car l'enfant devra porter le fardeau de ses
parents et grand-parents. Et cela est épuisant, exigeante,
désorientant... Je comprends que la Chine ait rouvert des
possibilités sur ce front".
Asia
Times: Comment doit-on répondre aux défis auxquels font face les
familles en Chine, dans un processus de changement profond qui ne
correspond plus au modèle traditionnel chinois de la famille?
Pape
François: ''L'histoire d'un peuple est toujours en chemin. Elle
marche parfois plus rapidement, parfois plus lentement, parfois doit
faire une pause...revenir sur ses pas pour retrouver le droit chemin.
Mais quand un peuple va de l'avant, cela ne m'inquiète pas parce que
cela signifie que l'histoire est en marche. Je pense que le peuple
chinois va de l'avant, et cela est sa grandeur... Aucun peuple doit
regretter son passé. La Chine doit être en paix avec son passé,
même si elle a fait des erreurs... Les peuples doivent se
réconcilier avec leur histoire et chacun selon sa propre manière,
en tenant compte des réussites et des erreurs. Et cette
réconciliation avec l'histoire elle-même apporte beaucoup de
maturité, beaucoup de croissance... C'est là que le patrimoine
historique et culturel apparaît dans toute son importance... Et nous
revenons à la question du dialogue avec le monde d'aujourd'hui.
Dialogue ne signifie pas abandon de sa culture à cause de quelque
danger... Il faut reconnaître la grandeur du peuple chinois, qui a
su toujours maintenir sa culture. Et par culture, je n'entend pas les
idéologies du passé et leur culture imposée''.
Asia
Times: La croissance économique du pays est forte, ce qui a aussi
conduit à des désastres humains et environnementaux. La recherche
de l'efficacité du travail a des effets néfastes sur les familles.
Souvent enfants et parents sont séparés en raison des exigences du
travail. Quel message peut-on leur donner?
Pape
François: ''Je voudrais suggérer un sain réalisme. La réalité,
qui doit être acceptée d'où qu'elle vienne doit être conciliée
avec la réalité... La deuxième étape consiste à travailler pour
améliorer la réalité et l'orienter... Comme pour une crise
d'entreprise, il faut tenir compte des échecs et lancer de nouvelles
possibilités de créativité et d'amélioration. Lorsque cela arrive
dans un pays ancien, son ancienne sagesse...lui permet de surmonter
la difficulté du présent. La confrontation entre le passé et le
présent finit par apporter la solution, et permet de regarder vers
l'avenir. Je pense que la richesse de la Chine est une recherche
d'avenir basée sur la mémoire d'un riche passé culturel''.
Asia
Times: A l'occasion du Nouvel An chinois, que souhaiteriez-vous dire
au peuple chinois, aux autorités et au président?
Pape
François: ''A la veille du Nouvel An, je tiens à transmettre mes
meilleurs vœux et salutations au président Xi Jinping et au peuple
chinois tout entier. Et je tiens à exprimer mon espoir qu'ils ne
perdent jamais la conscience historique d'être une grande
réalité...qui a beaucoup à offrir au monde contemporain... En
cette nouvelle année, avec cette conscience, qu'ils aillent l'avant
pour le progrès du pays et de la coopération internationale".
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