Cité
du Vatican, 29 octobre 2012 (VIS). "Migrations, pèlerinage de
foi et d’espérance", tel est le titre du Message de Benoît
XVI pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié 2013 (13
janvier), publié ce jour:
Le
concile oecuménique Vatican II, dans sa constitution pastorale
Gaudium et Spes, a rappelé que l’Eglise fait route avec toute
l’humanité, et que par conséquent les joies et les espoirs, les
tristesses et les angoisses des hommes, des pauvres surtout et de
tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les
tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est
rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. A cette
déclaration ont précisément fait écho Paul VI, qui a qualifié
l’Eglise d’experte en humanité, et Jean-Paul II, qui a affirmé
que la personne humaine était la première route que l’Eglise doit
parcourir en accomplissant sa mission, une route tracée par le
Christ lui-même. Dans mon encyclique Caritas in Veritate, j’ai
voulu préciser, dans la ligne de mes prédécesseurs, que toute
l’Eglise, dans tout son être et tout son agir, tend à promouvoir
le développement intégral de l’homme, quand elle annonce, célèbre
et œuvre dans la charité. Je faisais référence aussi aux millions
d’hommes et de femmes qui, pour diverses raisons, vivent
l'expérience de la migration. En effet, les flux migratoires sont un
phénomène impressionnant en raison du nombre de personnes qu’il
concerne, des problématiques sociale, économique, politique,
culturelle et religieuse qu’il soulève, à cause aussi du défi
dramatique qu’il lance aux communautés nationales et à la
communauté internationale, car tout migrant est une personne humaine
qui, en tant que telle, possède des droits fondamentaux inaliénables
qui doivent être respectés par tous et en toute circonstance".
"Dans
ce contexte, j’ai voulu consacrer la Journée mondiale 20013 aux
migrations comme pèlerinage de foi et d’espérance. Elle se
déroule en concomitance avec la célébration du cinquantième
anniversaire de l’ouverture de Vatican II et du soixantième
anniversaire de la constitution apostolique Exsul Familia, tandis que
toute l’Eglise s’efforce de vivre l'Année de la foi en tâchant
de relever avec enthousiasme le défi de la nouvelle évangélisation.
De fait, foi et espérance forment un binôme inséparable dans le
cœur de très nombreux migrants, à partir du moment où se trouve
en eux le désir d’une vie meilleure, en essayant très souvent de
laisser derrière eux le désespoir d’un avenir impossible à
construire. En même temps, les voyages de beaucoup sont animés par
la profonde confiance que Dieu n’abandonne pas ses créatures et ce
réconfort rend plus tolérables les blessures du déracinement et du
détachement, avec au fond l’espérance d’un futur retour vers
leur terre d’origine. Foi et espérance remplissent donc souvent le
bagage de ceux qui émigrent, conscients qu’avec elles nous pouvons
affronter notre présent. Même pénible, le présent peut être vécu
et accepté s'il conduit vers un terme et si nous pouvons être sûrs
de ce terme, si ce terme est si grand qu’il peut justifier les
efforts du chemin. Dans le vaste domaine des migrations, la
sollicitude maternelle de l’Eglise se déploie dans diverses
directions. D’une part, celle qui considère les migrations sous
l’aspect dominant de la pauvreté et de la souffrance, qui entraîne
souvent des drames et des tragédies. C’est là que se concrétisent
les interventions de secours pour résoudre les nombreuses urgences,
avec le dévouement généreux d’individus et de groupes,
d’associations de volontariat et de mouvements, d’organismes
paroissiaux et diocésains en collaboration avec toutes les personnes
de bonne volonté".
"D’autre
part l’Eglise n’oublie pas de mettre en évidence les aspects
positifs, les potentialités bénéfiques et les ressources dont les
migrations sont porteuses. Dans cette voie prennent alors corps les
interventions d’accueil qui favorisent et accompagnent une
insertion intégrale des migrants, des demandeurs d’asile et des
réfugiés dans leur nouveau contexte socioculturel, sans négliger
la dimension religieuse, essentielle pour la vie de chaque personne.
Et c’est précisément à cette dimension que l’Eglise est
appelée, en raison de la mission même que le Christ lui a confiée
d’être attentive et de prendre soin. Tel est son devoir spécifique
le plus important. Envers les fidèles chrétiens provenant de
différentes parties du monde l'attention à la dimension religieuse
comprend également le dialogue œcuménique et le soin accordé aux
nouvelles communautés, tandis qu’envers les fidèles catholiques
elle s’exprime notamment en réalisant de nouvelles structures
pastorales et en valorisant les différents rites, jusqu’à la
pleine participation à la vie de la communauté ecclésiale locale.
La promotion humaine va de pair avec la communion spirituelle, qui
ouvre les voies à une conversion authentique et renouvelée au
Seigneur, unique Sauveur du monde. C’est toujours un don précieux
qu’apporte l’Eglise en menant à la rencontre avec le Christ qui
ouvre à une espérance stable et fiable".
"A
l’égard des migrants, L’Eglise et les diverses réalités qui
s’inspirent doivent éviter le risque d’apporter une simple
assistance, pour favoriser l’intégration authentique, dans une
société où tous puissent être des membre actifs et responsables
chacun du bien-être de l'autre, généreux pour garantir des apports
originaux, avec un droit de citoyenneté à part entière et une
participation aux mêmes droits et devoirs. Ceux qui émigrent
emportent avec eux des sentiments de confiance et d’espérance qui
animent et confortent la recherche de meilleures opportunités de
vie. Toutefois, ils ne cherchent pas seulement une amélioration de
leur condition économique, sociale ou politique. Il est vrai que le
voyage migratoire commence souvent par la peur, surtout quand des
persécutions et des violences contraignent à la fuite, marquée par
le traumatisme de l’abandon des membres de la famille et des biens
qui, en quelque sorte, assuraient la survie. Mais la souffrance,
l'énorme perte et, parfois, un sens d’aliénation face à l’avenir
incertain ne détruisent pas le rêve de reconstruire, avec espérance
et courage, une existence dans un pays étranger. En vérité, ceux
qui migrent nourrissent l’espoir confiant de trouver un accueil,
d’obtenir une aide solidaire et d’entrer en contact avec des
personnes qui, comprenant leur malaise et la tragédie de leurs
semblables, reconnaissant aussi les valeurs et les ressources dont
ils sont porteurs, soient disposées à partager humanité et
ressources matérielles avec les nécessiteux et les déshérités.
Il faut réaffirmer, de fait, que la solidarité universelle qui est
un fait, et un bénéfice pour nous, est aussi un devoir. Migrants et
réfugiés, au milieu des difficultés, peuvent également faire
l’expérience de relations nouvelles et hospitalières, qui les
encouragent à contribuer au bien-être des pays d’accueil, grâce
à leurs compétences professionnelles, leur patrimoine socioculturel
et, souvent aussi, grâce à leur témoignage de foi, qui donne une
impulsion aux communautés de vieille tradition chrétienne,
encourage à rencontrer le Christ et invite à connaître l’Eglise".
"Certes,
chaque àys a le droit de réguler les flux migratoires et de mettre
en œuvre des politiques dictées par les exigences générales du
bien commun, mais toujours en garantissant le respect de la dignité
de chaque personne humaine. Le droit de la personne à émigrer,
comme le rappelle la constitution conciliaire Gaudium et Spes, est
inscrit au nombre des droits humains fondamentaux, avec la faculté
pour chacun de s’établir là où il l’estime le plus opportun
pour une meilleure réalisation de ses capacités, de ses aspirations
et de ses projets. Dans le contexte socio-politique actuel,
cependant, avant même le droit d’émigrer, il faut réaffirmer le
droit de ne pas émigrer, c’est-à-dire d’être en condition de
demeurer sur sa propre terre, répétant avec Jean-Paul II que le
droit primordial de l’homme est de vivre dans sa patrie. Un droit
qui ne devient toutefois effectif que si l’on tient constamment
sous contrôle les facteurs qui poussent à l’émigration.
Aujourd’hui, en effet, nous voyons que de nombreuses migrations
sont la conséquence d’une précarité économique, d’un manque
de biens essentiels, de catastrophes naturelles, de guerres et de
désordres sociaux. A la place d’une pérégrination animée par la
confiance, par la foi et par l’espérance, migrer devient alors un
calvaire pour survivre, où des hommes et des femmes apparaissent
davantage comme des victimes que comme des acteurs et des
responsables de leur aventure migratoire. Ainsi, alors que certains
migrants atteignent une bonne position et vivent de façon digne, en
s’intégrant correctement dans le milieu d’accueil, beaucoup
d’autres vivent dans des conditions de marginalité et, parfois,
d’exploitation et de privation de leurs droits humains
fondamentaux, ou encore adoptent des comportements nuisibles à la
société au sein de laquelle ils vivent. Le chemin d’intégration
comprend des droits et des devoirs, une attention et un soin envers
les migrants pour qu’ils aient une vie digne, mais aussi, de la
part des migrants, une attention aux valeurs qu’offre la société
où ils s’insèrent".
"On
ne saurait oublier la question de l'immigration clandestine, thème
beaucoup plus brûlant dans les cas où celle-ci prend la forme d’un
trafic et d’une exploitation des personnes, avec plus de risques
pour les femmes et les enfants. De tels méfaits doivent être
fermement condamnés et punis, alors qu’une gestion régulée des
flux migratoires, qui ne peut se réduire à la fermeture hermétique
des frontières, au renforcement des sanctions contre les personnes
en situation irrégulière et à l'adoption de mesures visant à
décourager les nouvelles entrées, pourrait au moins limiter pour de
nombreux migrants les dangers de devenir victimes des trafics
mentionnés. Des interventions organiques et multilatérales pour le
développement des pays de départ et des contre-mesures efficaces
pour faire cesser le trafic des personnes sont en effet extrêmement
opportunes, de même que des programmes organiques des flux d’entrée
légale et une plus grande disponibilité à considérer les cas
individuels qui requièrent des interventions de protection
humanitaire, au-delà de l’asile politique. Aux normes appropriées
doit être associée une œuvre patiente et constante de formation de
la mentalité et des consciences. Dans tout cela, il est important de
renforcer et de développer les rapports d’entente et de
coopération entre les réalités ecclésiales et institutionnelles
qui sont au service du développement intégral de la personne
humaine. Dans la vision chrétienne, l'engagement social et
humanitaire tire sa force de la fidélité à l’Evangile, en étant
conscient que quiconque suit le Christ, homme parfait, devient
lui-même plus homme".
"Chers
frères et sœurs migrants, que cette journée particulière vous
aide à renouveler votre confiance et votre espérance dans le
Seigneur qui se tient toujours à nos côtés! Ne perdez pas
l'occasion de le rencontrer et de reconnaître son visage dans les
gestes de bonté que vous recevez au cours de votre pérégrination
migratoire. Réjouissez-vous car le Seigneur est proche de vous et,
avec lui, vous pourrez surmonter les obstacles et les difficultés,
en conservant comme un trésor les témoignages d’ouverture et
d’accueil que beaucoup de gens vous offrent. En effet, la vie est
comme un voyage sur la mer de l’histoire, souvent obscur et dans
l’orage, un voyage dans lequel nous scrutons les astres qui nous
indiquent la route. Les vraies étoiles de notre vie sont les
personnes qui ont su vivre dans la droiture. Elles sont des lumières
d'espérance. Certes, Jésus-Christ est la lumière par antonomase,
le soleil qui se lève sur toutes les ténèbres de l’histoire.
Mais pour arriver jusqu’à lui nous avons besoin aussi de lumières
proches, de personnes qui donnent une lumière en la tirant de sa
lumière et qui offrent ainsi une orientation pour notre traversée.
Je confie chacun de vous à la Vierge Marie, signe d’espérance
sûre et de consolation, étoile du chemin, qui, par sa présence
maternelle, est proche de nous à chaque instant de notre vie".