Cité
du Vatican, 22 septembre 2014 (VIS). Hier après-midi à Tirana, le
Pape François s'est rendu à la cathédrale pour célébrer les
vêpres et s'adresser au clergé, séminaristes, religieux et
mouvements de laïcs. Consacré en 2002, l'édifice qui peut
accueillir 700 personnes, est orné d'une verrière représentant
Jean-Paul II et Mère Teresa. Après les témoignages bouleversants
d'un prêtre de 83 ans et d'une religieuse de 85 ayant subi la
persécution du régime athée, le Pape a fondu en larmes. Après
avoir embrassé ces deux témoins vivants, il a renoncé au discours
écrit et a improvisé: "Nous avons entendu
dans la lecture: Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur
Jésus-Christ, le Père plein de tendresse, le Dieu de qui vient tout
réconfort... Durant les deux derniers mois, je me suis préparé à
cette visite en lisant l’histoire de la persécution en Albanie.
Cela a été une surprise, car je ne savais pas que votre peuple
avait tant souffert. Aujourd’hui, sur mon trajet depuis l’aéroport,
j'ai vu tant de portraits de ces martyrs qui montrent que le peuple
n'a pas oublié ceux qui ont tant souffert. Un peuple de martyrs! Et
je viens d'en serrer deux dans mes bras. Je ne peux vous dire que ce
qu'ils ont dit, par leur vie, par leurs paroles simples. Ils
racontent ces faits douloureux avec simplicité. Comment ont-ils fait
pour survivre à tant de tribulations? Ils nous disent ce que nous
avons entendu dans le passage de la seconde épître aux Corinthiens:
Dieu est le Père miséricordieux et le Dieu de toute consolation.
C’est lui qui nous a consolés... Ils ont souffert physiquement et
psychiquement, dans l'angoisse de l’incertitude d'être ou non
fusillés. Ils vivaient avec cette angoisse et le Seigneur les
consolait. Je pense à Pierre enchaîné pendant que l’église
priait pour lui. Le Seigneur a consolé Pierre, comme il a consolé
nos deux martyrs survivants". La communauté chrétienne priait
pour eux. "C'est cela le mystère de l’Eglise, que le Seigneur
console humblement, secrètement aussi. Il console dans l’intimité
du cœur et il console avec sa force. Eux, j’en suis sûr, ceux qui
sont réconfortés ne se vantent pas de ce qu’ils ont vécu... Ils
nous disent que pour nous, qui avons été appelés par le Seigneur
pour le suivre de près, l’unique consolation vient du Christ.
Malheur à nous si nous cherchons une autre consolation! Malheur aux
prêtres, aux religieux, aux sœurs, aux novices, aux personnes
consacrées quand ils cherchent des consolations loin du Seigneur. Je
ne veux pas vous bastonner”, ni devenir votre bourreau. Mais sachez
bien que si vous cherchez de la consolation ailleurs, vous ne serez
pas heureux: Tu ne pourras consoler personne, parce que ton cœur n’a
pas été ouvert à la consolation du Seigneur. Et tu finiras, comme
dit Elie au peuple d’Israël, en clochant des deux jambes. Soit
donc béni le Père de notre Seigneur, le Père plein de tendresse,
le Dieu de qui vient tout réconfort". C’est ce qu’ont fait
les deux témoins que nous venons d'entendre: "Humblement, sans
prétention, sans se vanter, ils nous ont rendu un service, celui de
nous consoler: Ils nous ont dit que, pécheurs, le Seigneur a été
avec eux. Voilà le chemin. Ne vous découragez donc pas. Et
excusez-moi je me sers de vous comme exemple, mais nous devons tous
être des exemples les uns pour les autres. Rentrons chez nous en
pensant que nous avons touché des martyrs".
Voici
maintenant le texte que le Saint-Père avait préparé, et qu'il a
remis à l'Archevêque de Tirana: "C’est pour moi une grande
joie de vous rencontrer et je vous remercie pour votre accueil. Parmi
vous, je puis mieux exprimer ma proximité à votre engagement
d’évangélisation. Depuis que votre pays est sorti de la
dictature, les communautés ecclésiales ont recommencé à cheminer
et à s’organiser pour l’action pastorale, et elles regardent
avec espérance vers l’avenir. Ma pensée reconnaissante va en
particulier à ces pasteurs qui ont payé d’un prix élevé leur
fidélité au Christ et leur décision de rester unis au Successeur
de Pierre. Ils ont été courageux dans la difficulté et dans
l’épreuve. Il y a encore parmi nous des prêtres et des religieux
qui ont fait l’expérience de la prison et de la persécution,
comme la sœur et le frère qui nous ont raconté leur histoire. Je
vous embrasse avec émotion et je rends grâce à Dieu pour votre
témoignage fidèle, qui stimule toute l’Eglise à poursuivre avec
joie l’annonce de l’Evangile".
"Mettant
à profit cette expérience, l’Eglise en Albanie peut grandir dans
le zèle missionnaire et dans le courage apostolique. Je connais et
j’apprécie l’engagement avec lequel vous vous opposez à de
nouvelles formes de dictature qui risquent de rendre esclaves les
personnes et les communautés. Si le régime athée cherchait à
étouffer la foi, ces dictatures, plus sournoises, peuvent étouffer
la charité. Je pense à l’individualisme, aux rivalités et aux
confrontations exaspérées: C’est une mentalité mondaine qui peut
contaminer aussi la communauté chrétienne. Il ne sert à rien de se
décourager devant ces difficultés, n’ayez pas peur d’avancer
sur la route du Seigneur. Il est toujours à vos côtés, il vous
donne sa grâce et vous aide à vous soutenir les uns les autres, à
vous accepter comme vous êtes, avec compréhension et miséricorde,
à cultiver la communion fraternelle. L’évangélisation
est plus efficace quand elle est mise en œuvre avec unité
d’intention et avec une collaboration sincère entre les
différentes réalités ecclésiales et entre les
missionnaires et le clergé local. Cela comporte le courage de
poursuivre dans la recherche des formes de travail commun et d’aide
réciproque dans les domaines de la catéchèse, de l’éducation
catholique, comme aussi de la promotion humaine et de la charité.
Dans ces domaines aussi, l’apport des mouvements ecclésiaux, qui
savent faire des projets et agir en communion avec les Pasteurs et
entre eux est précieux. C’est ce que je vois ici: Des évêques,
des prêtres, des religieux et des laïcs, toute une Eglise qui veut
cheminer dans la fraternité et dans l’unité. Quand l’amour
du Christ est placé au-dessus de tout, même
d’exigences particulières légitimes, on devient alors capable de
sortir de nous-mêmes, de nos petitesses personnelles ou de groupe,
et d’aller vers Jésus qui s’approche de nous dans les frères.
Ses plaies sont encore visibles aujourd’hui sur le corps de
beaucoup d’hommes et de femmes qui ont faim et soif, qui sont
humiliés, qui se trouvent en prison ou à l’hôpital. Et vraiment
en touchant et en soignant avec tendresse ces plaies, il est possible
de vivre l’Evangile jusqu’au bout et d’adorer Dieu vivant au
milieu de nous".
"Nombreux
sont les problèmes que vous affrontez chaque jour. Ils vous poussent
à vous immerger avec passion dans une activité apostolique
généreuse. Toutefois, nous savons que seuls nous ne pouvons rien
faire. Si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs
travaillent en vain. Cette conscience nous appelle à donner chaque
jour la juste place au Seigneur, à lui consacrer du temps, à lui
ouvrir notre cœur, afin qu’il agisse dans notre vie et dans notre
mission. Ce que le Seigneur promet à la prière confiante et
persévérante dépasse ce que nous imaginons: Au-delà de ce que
nous demandons, il nous donne aussi l’Esprit. La dimension
contemplative devient indispensable, au milieu des engagements les
plus urgents et les plus pesants. Et plus la mission nous appelle à
aller vers les périphéries existentielles, plus notre cœur sent le
besoin intime d’être uni à celui du Christ, plein de miséricorde
et d’amour. Sachant que les prêtres et les personnes consacrées
ne sont pas encore en nombre suffisant, le Seigneur vous répète: La
moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux! Priez
donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa
moisson. Il ne faut pas oublier que cette prière part d’un regard,
celui de Jésus, qui voit l’abondance de la moisson. Avons-nous,
nous aussi ce regard? Savons-nous reconnaître l’abondance des
fruits que la grâce de Dieu a fait croître, et du travail qu’il y
a à faire dans le champ du Seigneur? C’est de ce regard de foi sur
le champ de Dieu que naît la prière, l’invocation quotidienne et
pressante au Seigneur pour les vocations sacerdotales et religieuses.
Vous, chers séminaristes, et vous, chers postulants et novices, vous
êtes le fruit de cette prière du peuple de Dieu, qui précède et
accompagne toujours votre réponse personnelle. L’Eglise en Albanie
a besoin de votre enthousiasme et de votre générosité. Le temps
que vous consacrez à une solide formation spirituelle, théologique,
communautaire et pastorale, est fécond en vue de servir de façon
adéquate, demain, le peuple de Dieu. Les gens, plus que des maîtres,
cherchent des témoins, des témoins humbles de la miséricorde et de
la tendresse de Dieu, des prêtres et des religieux conformés au Bon
Pasteur, capables de communiquer à tous la charité du Christ".
"Je
rends grâce à Dieu, avec vous comme avec le peuple albanais tout
entier, pour les nombreux missionnaires, hommes et femmes, dont
l’action a été déterminante pour la renaissance de l’Eglise et
reste encore aujourd’hui d’une grande importance. Ils ont
contribué notablement à consolider le patrimoine spirituel
qu’évêques, prêtres, personnes consacrées et laïcs albanais
ont conservé, au milieu d’épreuves et de tribulations très
dures. Pensons au grand travail accompli par les instituts religieux
pour relancer l’éducation catholique, un travail qui mérite
d’être reconnu et soutenu. Et puis, ne vous découragez pas devant
les difficultés. Dans le sillage de vos pères, soyez tenaces dans
le témoignage rendu au Christ, et marchez ensemble avec Dieu, vers
l’espérance qui ne déçoit jamais. Que sur votre chemin, vous
vous sentiez toujours accompagnés et soutenus par l’affection de
l’Eglise toute entière".
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