Cité
du Vatican 25 novembre 2014 (VIS). Après sa visite au Parlement
européen, le Saint-Père a gagné vers midi en voiture le siège du
Conseil de l'Europe, institution distincte de l'Union européenne
regroupant 47 états. Après l'accueil du Secrétaire Général
M.Thorbjorn Jagland, de Mme.Anne Brasseur,
Présidente de l’assemblée, et des membres du Comité
ministériel, il a gagné l´hémicycle pour s'adresser à l'ensemble
des composantes du Conseil, son Assemblée
Parlementaire, les Représentants des pays membres, les Juges de la
Cour européenne des droits de l’homme. Voici l'intégralité
de son discours:
"Presque
toute l’Europe est présente en cette enceinte, avec ses peuples,
ses langues, ses expressions culturelles et religieuses, qui
constituent la richesse de ce continent... Je vous remercie tous de
tout cœur pour l’engagement que vous prodiguez et pour la
contribution que vous offrez à la paix en Europe, par la promotion
de la démocratie, des droits humains et de l’état de droit. Dans
l’intention de ses fondateurs, le Conseil de l’Europe, qui
célèbre cette année son 65 anniversaire, répondait à une tension
vers un idéal d’unité qui, à plusieurs reprises, a animé la vie
du continent depuis l’Antiquité. Cependant, au cours des siècles,
des poussées particularistes ont souvent prévalu, caractérisées
par la succession de diverses volontés hégémoniques. Qu’il
suffise de penser que dix ans avant ce 5 mai 1949, où a été signé
à Londres le traité qui a institué le Conseil de l’Europe,
commençait le plus cruel et le plus déchirant conflit dont ces
terres se souviennent et dont les divisions se sont poursuivies
pendant de longues années, alors que ce qu’on a appelé le rideau
de fer coupait en deux le continent de la Baltique au Golfe de
Trieste. Le projet des Pères fondateurs était de reconstruire
l’Europe dans un esprit de service mutuel, qui aujourd’hui
encore, dans un monde plus enclin à revendiquer qu’à servir, doit
constituer la clef de voûte de la mission du Conseil de l’Europe,
en faveur de la paix, de la liberté et de la dignité humaine.
D’autre
part, la voie privilégiée vers la paix...est de reconnaître dans
l’autre non un ennemi à combattre, mais un frère à accueillir.
Il s’agit d’un processus continu, qu’on ne peut jamais
considérer pleinement achevé. C’est justement l’intuition
qu’ont eue les fondateurs, qui ont compris que la paix était un
bien à conquérir continuellement, et qu’elle exigeait une
vigilance absolue. Ils étaient conscients que les guerres
s’alimentent dans le but de prendre possession des espaces, de
figer les processus et de chercher à les arrêter. Par contre, ils
recherchaient la paix qui peut s’obtenir seulement par l’attitude
constante d’initier des processus et de les poursuivre. De cette
manière, ils affirmaient la volonté de cheminer en murissant dans
le temps, parce que c’est justement le temps qui gouverne les
espaces, les éclaire et les transforme en une chaîne continue de
croissance, sans voies de retour. C’est pourquoi, construire la
paix demande de privilégier les actions qui génèrent de nouveaux
dynamismes dans la société et impliquent d’autres personnes et
d’autres groupes qui les développeront, jusqu’à ce qu’ils
portent du fruit dans des événements historiques importants. Pour
cela, ils ont créé cet organisme stable.
Quelques
années après, Paul VI eut à rappeler que les institutions mêmes
qui, sur le plan juridique et dans le concert des nations, ont pour
rôle et pour mérite de proclamer et de conserver la paix,
n'atteignent le but prévu que si elles sont continuellement à
l'œuvre, si elles savent à chaque instant engendrer la paix, faire
la paix. Un chemin constant d’humanisation est nécessaire, de
sorte qu’il ne suffit pas de contenir les guerres, de suspendre les
luttes, une paix imposée ne suffit pas, non plus qu'une paix
utilitaire et provisoire. Il faut tendre vers une paix aimée, libre,
fraternelle, et donc fondée sur la réconciliation des esprits.
C’est-à-dire poursuivre les processus sans anxiété mais
certainement avec des convictions claires et avec ténacité. Pour
conquérir le bien qu'est la paix, il faut avant tout y éduquer, en
éloignant une culture du conflit qui vise à la peur de l’autre, à
la marginalisation de celui qui pense ou vit de manière différente.
Il est vrai que le conflit ne peut être ignoré ou dissimulé, il
doit être assumé. Mais si nous y restons bloqués, nous perdons la
perspective, les horizons se limitent et la réalité elle-même
demeure fragmentée. Quand nous nous arrêtons à la situation
conflictuelle, nous perdons le sens de l’unité profonde de la
réalité, nous arrêtons l’histoire et nous tombons dans les
usures internes des contradictions stériles.
Malheureusement,
la paix est encore trop souvent blessée. Elle l’est dans de
nombreuses parties du monde, où font rage des conflits de diverses
sortes. Elle l’est aussi ici en Europe, où des tensions ne cessent
pas. Que de douleur et combien de morts encore sur ce continent, qui
aspire à la paix, mais pourtant retombe facilement dans les
tentations d’autrefois! Pour cela, l’œuvre du Conseil de
l’Europe dans la recherche d’une solution politique aux crises en
cours est importante et encourageante. Mais la paix est aussi mise à
l’épreuve par d’autres formes de conflit, tels que le terrorisme
religieux et international, qui nourrit un profond mépris pour la
vie humaine et fauche sans discernement des victimes innocentes. Ce
phénomène est malheureusement très souvent alimenté par un trafic
d’armes en toute tranquillité. L’Eglise considère que la course
aux armements est une plaie extrêmement grave de l’humanité et
lèse les pauvres d’une manière intolérable. La paix est violée
aussi par le trafic des êtres humains, qui est le nouvel esclavage
de notre temps et qui transforme les personnes en marchandises
d’échange, privant les victimes de toute dignité. Assez souvent,
nous notons combien ces phénomènes sont liés entre eux. Le
Conseil de l’Europe, à travers ses commissions et ses groupes
d’experts, exerce un rôle important et significatif dans le combat
contre ces formes d’inhumanité. Cependant, la paix n’est pas la
simple absence de guerres, de conflits et de tensions. Dans la vision
chrétienne, elle est, en même temps, don de Dieu et fruit de
l’action libre et raisonnable de l’homme qui entend poursuivre le
bien commun dans la vérité et dans l’amour. Cet ordre rationnel
et moral s'appuie précisément sur la décision de la conscience des
êtres humains à la recherche de l'harmonie dans leurs rapports
réciproques, dans le respect de la justice pour tous.Comment donc
poursuivre l’objectif ambitieux de la paix?
La
voie choisie par le Conseil de l’Europe est avant tout celui de la
promotion des droits humains, auxquels est lié le développement de
la démocratie et de l’état de droit. C’est un travail
particulièrement précieux, avec d’importantes implications
éthiques et sociales, puisque d’une juste conception de ces termes
et d’une réflexion constante sur eux dépendent le développement
de nos sociétés, leur cohabitation pacifique et leur avenir. Cette
recherche est l’une des plus grandes contributions que l’Europe a
offerte et offre encore au monde entier. C’est pourquoi je ressens
ici le devoir de rappeler l’importance de l’apport et de la
responsabilité de l’Europe dans le développement culturel de
l’humanité. Je voudrais le faire en partant d’une image que
j’emprunte à un poète italien du XX siècle, Clemente Rebora, qui
décrit un peuplier, avec ses branches élevées vers le ciel et
agitées par le vent, son tronc solide et ferme, ainsi que ses
racines profondes qui s’enfoncent dans la terre. En un certain
sens, nous pouvons penser à l’Europe à la lumière de cette
image.
Au
cours de son histoire, l'Europe a toujours tendu vers le haut, vers
des objectifs nouveaux et ambitieux, animée par un désir insatiable
de connaissance, de développement, de progrès, de paix et d’unité.
Mais l’élévation de la pensée, de la culture, des découvertes
scientifiques est possible seulement à cause de la solidité du
tronc et de la profondeur des racines qui l’alimentent. Si les
racines se perdent, lentement le tronc se vide et meurt et les
branches, autrefois vigoureuses et droite, se plient vers la terre
et tombent. Ici, se trouve peut-être l’un des paradoxes les plus
incompréhensibles pour une mentalité scientifique qui s’isole.
Pour marcher vers l’avenir, il faut le passé, de profondes racines
sont nécessaires et il faut aussi le courage de ne pas se cacher
face au présent et à ses défis. Il faut de la mémoire, du
courage, une utopie saine et humaine. D’autre part, fait observer
Rebora, le tronc s’enfonce là où il y a davantage de vrai. Les
racines s’aliment de la vérité, qui constitue la nourriture, la
sève vitale de n’importe quelle société qui désire être
vraiment libre, humaine et solidaire. En outre, la vérité fait
appel à la conscience, qui est irréductible aux conditionnements,
et pour cela est capable de connaître sa propre dignité et de
s’ouvrir à l’absolu, en devenant source des choix fondamentaux
guidés par la recherche du bien pour les autres et pour soi et lieu
d’une liberté responsable... Sans cette recherche de la vérité,
chacun devient la mesure de soi-même et de son propre agir, ouvrant
la voie à l’affirmation subjective des droits, de sorte qu’à la
conception de droit humain, qui a en soi une portée universelle, se
substitue l’idée de droit individualiste. Cela conduit à être
foncièrement insouciant des autres et à favoriser la globalisation
de l’indifférence qui naît de l’égoïsme, fruit d’une
conception de l’homme incapable d’accueillir la vérité et de
vivre une authentique dimension sociale. Un tel individualisme rend
humainement pauvre et culturellement stérile, puisqu’il rompt de
fait les racines fécondes sur lesquelles se greffe l’arbre. De
l’individualisme indifférent naît le culte de l’opulence,
auquel correspond la culture de déchet dans laquelle nous sommes
immergés. Nous avons, de fait, trop de choses, qui souvent ne
servent pas, mais nous ne sommes plus en mesure de construire
d’authentiques relations humaines, empreintes de vérité et de
respect mutuel. Ainsi, aujourd’hui nous avons devant les yeux
l’image d’une Europe blessée, à cause des nombreuses épreuves
du passé, mais aussi à cause des crises actuelles, qu’elle ne
semble plus capable d’affronter avec la vitalité et l’énergie
d’autrefois. Une Europe un peu fatiguée et pessimiste, qui se sent
assiégée par les nouveautés provenant des autres continents.
Europe, où est ta vigueur? Où est cette tension vers un idéal qui
a animé ton histoire et l’a rendue grande? Où est ton esprit
d’entreprise et de curiosité? Où est ta soif de vérité, que
jusqu’à présent tu as communiquée au monde avec passion? De la
réponse à ces questions, dépendra l’avenir du continent. D’autre
part, un tronc sans racines peut continuer d’avoir une apparence de
vie, mais à l’intérieur il se vide et meurt. L’Europe doit
réfléchir pour savoir si son immense patrimoine humain, artistique,
technique, social, politique, économique et religieux est un simple
héritage de musée du passé, ou bien si elle est encore capable
d’inspirer la culture et d’ouvrir ses trésors à l’humanité
entière. Dans la réponse à cette interrogation, le Conseil de
l’Europe avec ses institutions a un rôle de première importance.
Je pense particulièrement au rôle de la Cour européenne des Droits
de l’Homme, qui constitue en quelque sorte la conscience de
l’Europe pour le respect des droits humains. Je souhaite que cette
conscience murisse toujours plus, non par un simple consensus entre
les parties, mais comme fruit de la tension vers ces racines
profondes, qui constituent les fondements sur lesquels les fondateurs
de l’Europe contemporaine ont choisi de construire.
A
côté des racines qu’il faut...maintenir vivantes par l’exercice
quotidien de la mémoire, puisqu’elles constituent le patrimoine
génétique de l’Europe, il y a les défis actuels du continent qui
nous obligent à une créativité continue. Pour être fécondes ces
racines doivent se projettent vers les utopies de l’avenir. Je me
permets d’en mentionner seulement deux, le défi de la
multi-polarité et le défi de la transversalité. L’histoire de
l’Europe peut nous amener à concevoir celle-ci naïvement comme
une bipolarité, ou tout au plus comme une tri-polarité (pensons à
l’antique conception Rome – Byzance – Moscou), et à nous
mouvoir à l’intérieur de ce schéma, fruit de réductionnismes
géopolitiques hégémoniques, dans l’interprétation du présent
et dans la projection vers l’utopie de l’avenir. Aujourd’hui,
les choses ne se présentent pas ainsi et nous pouvons légitimement
parler d’une Europe multipolaire. Les tensions, aussi bien celles
qui construisent que celles qui détruisent, se produisent entre de
multiples pôles culturels, religieux et politiques. L’Europe
aujourd’hui affronte le défi de globaliser de manière originale
cette multi-polarité. Les cultures ne s’identifient pas
nécessairement avec les pays qui ont diverses cultures, dont
certaines s’expriment dans des pays différents. Il en est de même
des expressions politiques, religieuses et associatives. Globaliser
de manière originale la multi-polarité comporte le défi d’une
harmonie constructive, libérée d’hégémonies qui, bien qu’elles
semblent pragmatiquement faciliter le chemin, finissent par détruire
l’originalité culturelle et religieuse des peuples. Parler de la
multipolarité européenne signifie parler de peuples qui naissent,
croissent et se projettent vers l’avenir. La tâche de globaliser
la multi-polarité de l’Europe, nous ne pouvons pas l’imaginer
avec l’image de la sphère, dans laquelle tout est égal et
ordonné, mais qui en définitive est réductrice puisque chaque
point est équidistant du centre. L'image du polyèdre est meilleure
car l’unité harmonique du tout conserve la particularité de
chacune des parties. Aujourd’hui, l’Europe est multipolaire dans
ses relations et ses tensions ; on ne peut ni penser ni
construire l’Europe sans assumer à fond cette réalité
multipolaire.
L’autre
défi que je voudrais mentionner est la transversalité. Je pars
d’une expérience personnelle: Dans mes rencontres...j’ai pu
remarquer que les hommes politiques jeunes affrontent la réalité
avec une perspective différente par rapport à leurs collègues
européens plus âgés. Ils disent peut-être des choses apparemment
similaires, mais l’approche est différente... Cette donnée
empirique indique une réalité de l’Europe contemporaine que l’on
ne peut ignorer sur le chemin de la consolidation continentale et de
sa projection. Il faut tenir compte de cette transversalité qui se
retrouve dans tous les domaines. Cela ne peut se faire sans recourir
au dialogue, même inter-générationnel. Si nous voulions définir
aujourd’hui le continent, nous devrions parler d’une Europe en
dialogue, qui fait en sorte que la transversalité d’opinions et de
réflexions soit au service des peuples unis dans l’harmonie.
Emprunter ce chemin de communication transversale comporte non
seulement une empathie générationnelle mais aussi une méthodologie
historique de croissance. Dans le monde politique actuel de l’Europe,
le dialogue uniquement interne aux organismes politiques, religieux,
culturels, de sa propre appartenance se révèle stérile. L’histoire
aujourd’hui demande pour la rencontre, la capacité de sortir des
structures qui contiennent sa propre identité afin de la rendre plus
forte et plus féconde dans la confrontation fraternelle de la
transversalité. Une Europe qui dialogue seulement entre ses groupes
d’appartenance fermés reste à mi-chemin. On a donc besoin de
l’esprit de jeunesse qui accepte le défi de la transversalité.
Dans
cette perspective, j’accueille positivement la volonté du Conseil
de l’Europe d’investir dans le dialogue inter-culturel, y compris
dans sa dimension religieuse, par les Rencontres sur la dimension
religieuse du dialogue interculturel. Il s’agit d’une occasion
propice pour un échange ouvert, respectueux et enrichissant entre
personnes et groupes de diverses origine, tradition ethnique,
linguistique et religieuse, dans un esprit de compréhension et de
respect mutuel. Ces rencontres semblent particulièrement importantes
dans le contexte actuel multiculturel, multipolaire, à la recherche
de son propre visage pour conjuguer avec sagesse l’identité
européenne formée à travers les siècles avec les instances
provenant des autres peuples qui se manifestent à présent sur le
continent. C’est dans cette logique qu’il faut comprendre
l’apport que le christianisme peut fournir aujourd’hui au
développement culturel et social européen dans le cadre d’une
relation correcte entre religion et société. Dans la vision
chrétienne, raison et foi, religion et société sont appelées à
s’éclairer réciproquement, en se soutenant mutuellement et, si
nécessaire, en se purifiant les unes les autres des extrémismes
idéologiques dans lesquelles elles peuvent tomber. La société
européenne tout entière ne peut que tirer profit d’un lien
renouvelé entre les deux domaines, soit pour faire face à un
fondamentalisme religieux qui est surtout ennemi de Dieu, soit pour
remédier à une raison réduite, qui ne fait pas honneur à l’homme.
Les thèmes d’actualité, dans lesquels je suis convaincu qu’il
peut y avoir un enrichissement mutuel, où l’Eglise catholique, via
notamment le Conseil des Conférences épiscopales d’Europe peut
collaborer avec le Conseil de l’Europe et offrir une contribution
fondamentale, sont très nombreux. Avant tout, à la lumière de tout
ce que je viens de dire, il y a le domaine d’une réflexion éthique
sur les droits humains, sur lesquels votre Organisation est souvent
appelée à se pencher. Je pense particulièrement aux thèmes liés
à la protection de la vie humaine, questions délicates qui ont
besoin d’être soumises à un examen attentif, qui tienne compte de
la vérité de tout l’être humain, sans se limiter à des domaines
spécifiques médicaux, scientifiques ou juridiques.
De
même, et ils sont nombreux, les défis du monde contemporains qui
requièrent une étude et un engagement commun, à commencer par
l’accueil des migrants, qui ont besoin d’abord et avant tout de
l’essentiel pour vivre, mais principalement que leur dignité de
personnes soit reconnue. Il y a ensuite le grave problème du
travail, surtout en ce qui concerne les niveaux élevés de chômage
des jeunes dans beaucoup de pays. C'est une vraie hypothèque pour
l’avenir mais aussi pour la question de la dignité du travail. Je
souhaite vivement que s’instaure une nouvelle collaboration sociale
et économique, affranchie de conditionnements idéologiques, qui
sache faire face au monde globalisé, en maintenant vivant ce sens de
solidarité et de charité réciproques qui a tant caractérisé le
visage de l’Europe grâce à l’action généreuse de centaines
d’hommes et de femmes, dont certains sont considérés saints par
l’Eglise catholique, qui se sont dépensés pour développer le
continent, tant à travers l’activité d’entreprise qu’à
travers des œuvres éducatives, d’assistance et de promotion
humaine. Surtout ces dernières représentent un point de référence
important pour les nombreux pauvres qui vivent en Europe. Combien il
y en a dans nos rues! Ils demandent non seulement le pain pour
survivre, ce qui est le plus élémentaire des droits, mais ils
demandent aussi à redécouvrir la valeur de leur propre vie, que la
pauvreté tend à faire oublier, et à retrouver la dignité conférée
par le travail.
Enfin,
parmi les thèmes qui sollicitent notre réflexion et notre
collaboration, il y a la protection de l’environnement, de notre
bien-aimée terre qui est la grande ressource que Dieu nous a donnée
et qui est à notre disposition non pour être défigurée, exploitée
et avilie, mais pour que nous puissions y vivre avec dignité, en
jouissant de son immense beauté. Paul VI a défini l’Eglise comme
experte en humanité. Dans le monde, à l’imitation du Christ,
malgré les péchés de ses enfants, elle ne cherche rien d’autre
que de servir et de rendre témoignage à la vérité. Rien d’autre
que cet esprit ne nous guide dans le soutien du chemin de l’humanité.
Dans cette disposition d’esprit, le Saint-Siège entend continuer
sa propre collaboration avec le Conseil de l’Europe, qui revêt
aujourd’hui un rôle fondamental pour forger la mentalité des
futures générations européennes. Il s’agit de développer
ensemble une réflexion dans tous les domaines, afin que s’instaure
une sorte de nouvelle agora, dans laquelle chaque instance civile et
religieuse puisse librement se confronter avec les autres, même dans
la séparation des domaines et dans la diversité des positions,
animée exclusivement par le désir de vérité et par celui
d’édifier le bien commun. La culture, en effet, naît toujours de
la rencontre réciproque, destinée à stimuler la richesse
intellectuelle et la créativité de ceux qui y prennent part. Outre
le fait que c’est la réalisation du bien, cela est beau. Je
souhaite que l’Europe, en redécouvrant son patrimoine historique
et la profondeur de ses racines, en assumant sa vivante
multi-polarité et le phénomène de la transversalité en dialogue,
retrouve cette jeunesse d’esprit qui l’a rendue féconde et
grande".
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