Cité
du Vatican, 27 janvier 2015
(VIS). Voici le Message du Pape François, intitulé Tenez ferme,
pour le prochain Carême:
"Le
Carême est un temps de renouveau pour l’Eglise, pour les
communautés et pour chaque fidèle. Mais c’est surtout un temps de
grâce. Dieu ne nous demande rien qu’il ne nous ait donné
auparavant: Nous aimons parce que Dieu lui-même nous a aimés le
premier. Il n’est pas indifférent à nous. Il porte chacun de nous
dans son cœur, il nous connaît par notre nom, il prend soin de nous
et il nous cherche quand nous l’abandonnons. Chacun de nous
l’intéresse. Son amour l’empêche d’être indifférent à ce
qui nous arrive. Mais il arrive que, quand nous allons bien et nous
prenons nos aises, nous oublions sûrement de penser aux autres, nous
ne nous intéressons plus à leurs problèmes, à leurs souffrances
et aux injustices qu’ils subissent. Alors notre cœur tombe dans
l’indifférence: Alors que je vais relativement bien et que tout me
réussit, j’oublie ceux qui ne vont pas bien. Cette attitude
égoïste, d’indifférence, a pris aujourd’hui une dimension
mondiale, au point que nous pouvons parler d’une mondialisation de
l’indifférence. Il s’agit d’un malaise que, comme chrétiens,
nous devons affronter. Quand le peuple de Dieu se convertit à son
amour, il trouve les réponses à ces questions que l’histoire lui
pose continuellement. Un des défis les plus urgents sur lesquels je
veux m’arrêter dans ce message, est celui de la mondialisation de
l’indifférence.
L’indifférence
envers son prochain et envers Dieu est une tentation réelle même
pour nous, chrétiens. C’est pour cela que nous avons besoin
d’entendre, lors de chaque Carême, le cri des prophètes qui
haussent la voix et qui nous réveillent. Dieu n’est pas
indifférent au monde, mais il l’aime jusqu’à donner son Fils
pour le salut de tout homme. A travers l’incarnation, la vie
terrestre, la mort et la résurrection du Fils de Dieu, la porte
entre Dieu et l’homme, entre le ciel et la terre, s’est
définitivement ouverte. Et l’Eglise est comme la main qui
maintient ouverte cette porte grâce à la proclamation de la Parole,
à la célébration des sacrements, au témoignage de la foi qui
devient agissante dans l’amour. Toutefois, le monde tend à
s’enfermer sur lui-même et à fermer cette porte par laquelle Dieu
entre dans le monde et le monde en lui. Ainsi, la main, qui est
l’Eglise, ne doit jamais être surprise si elle est repoussée,
écrasée et blessée. C’est pourquoi, le peuple de Dieu a besoin
de renouveau, pour ne pas devenir indifférent et se renfermer sur
lui-même. Je voudrais vous proposer trois pistes à méditer pour ce
renouveau:
1.L'Eglise.
Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance.
La charité de Dieu qui rompt ce mortel enfermement sur soi-même
qu’est l’indifférence, nous est offerte par l’Eglise dans son
enseignement et, surtout, dans son témoignage. Cependant, on ne peut
témoigner que de ce que l’on a éprouvé auparavant. Le chrétien
est celui qui permet à Dieu de le revêtir de sa bonté et de sa
miséricorde, de le revêtir du Christ, pour devenir comme lui,
serviteur de Dieu et des hommes. La liturgie du Jeudi Saint, avec le
rite du lavement des pieds, nous le rappelle bien. Pierre ne voulait
pas que Jésus lui lave les pieds, mais il a ensuite compris que
Jésus ne veut pas être seulement un exemple de la manière dont
nous devons nous laver les pieds les uns les autres. Ce service ne
peut être rendu que par celui qui s’est d’abord laissé laver
les pieds par le Christ. Seul celui-là a part avec lui et peut ainsi
servir l’homme. Le Carême est un temps propice pour nous laisser
servir par le Christ et apprendre ainsi à servir comme lui. Cela
advient lorsque nous écoutons la Parole de Dieu et recevons les
sacrements, en particulier l’Eucharistie. En elle, nous devenons ce
que nous recevons, le Corps du Christ. Grâce à ce corps, cette
indifférence, qui semble prendre si souvent le pouvoir sur nos
cœurs, ne trouve plus de place en nous. Puisque ceux qui sont du
Christ appartiennent à l’unique Corps du Christ et en lui personne
n’est indifférent à l’autre. Si un seul membre souffre, tous
les membres partagent sa souffrance. Si un membre est à l’honneur,
tous partagent sa joie. L’Eglise est une Communio Sanctorum parce
que les saints y prennent part, mais aussi parce qu’elle est
communion de choses saintes. L’amour de Dieu révélé à nous dans
le Christ ainsi que tous les dons divins. Parmi eux, il y a aussi la
réponse de tous ceux qui se laissent atteindre par un tel amour.
Dans cette communion des saints et dans cette participation aux
choses saintes personne n’a rien en propre, et ce qu’il possède
est pour tout le monde. Et puisque nous sommes liés en Dieu, nous
pouvons faire quelque chose autant pour ceux qui sont loin, que pour
ceux que nous ne pourrions jamais rejoindre par nos propres forces,
puisque nous prions Dieu avec eux et pour eux, afin que nous nous
ouvrions tous ensemble à son œuvre de salut.
2.Où
est ton frère? Les paroisses et les communautés. Il est nécessaire
de traduire tout l’enseignement de l’Eglise universelle dans la
vie concrète des paroisses et des communautés chrétiennes.
Réussit-on au cœur de ces réalités ecclésiales à faire
l’expérience d’appartenir à un seul corps? Un corps qui en même
temps reçoit et partage tout ce que Dieu désire donner? Un corps
qui connaît et qui prend soin de ses membres les plus faibles, les
plus pauvres et les plus petits? Ou bien nous réfugions-nous dans un
amour universel qui s’engage en faveur d’un monde lointain mais
qui oublie le Lazare qui est assis devant sa propre porte fermée?
Pour recevoir et faire fructifier pleinement ce que Dieu nous donne,
il faut dépasser les frontières de l’Eglise visible dans deux
directions. D’une part, en nous unissant à l’Eglise du ciel dans
la prière. Quand l’Eglise terrestre prie, s’instaure une
communion de service réciproque et de bien qui parvient jusqu’en
la présence de Dieu. Avec les saints qui ont trouvé leur plénitude
en Dieu, nous faisons partie de cette communion dans laquelle
l’indifférence est vaincue par l’amour. L’Eglise du ciel n’est
pas triomphante parce qu’elle a tourné le dos aux souffrances du
monde et se réjouit toute seule. Au contraire, les saints peuvent
déjà contempler et jouir du fait que, avec la mort et la
résurrection de Jésus, ils ont vaincu définitivement
l’indifférence, la dureté du cœur et la haine. Tant que cette
victoire de l’amour ne pénètre pas le monde entier, les saints
marchent avec nous qui sommes encore pèlerins. Sainte Thérèse de
Lisieux, docteur de l’Eglise, convaincue que la joie dans le ciel
par la victoire de l’amour crucifié n’est pas complète tant
qu’un seul homme sur la terre souffre et gémit, écrivait: Je
compte bien ne pas rester inactive au Ciel, mon désir est de
travailler encore pour l'Eglise et les âmes. Nous aussi, nous
participons aux mérites et à la joie des saints et eux participent
à notre lutte et à notre désir de paix et de réconciliation. Leur
bonheur de jouir de la victoire du Christ ressuscité nous est un
motif de force pour dépasser tant de formes d’indifférence et de
dureté du cœur. D’autre part, chaque communauté chrétienne est
appelée à franchir le seuil qui la met en relation avec la société
qui l’entoure, avec les pauvres et ceux qui sont loin. L’Eglise
est, par nature, missionnaire, et elle n’est pas repliée sur
elle-même, mais envoyée à tous les hommes. Cette mission est le
témoignage patient de celui qui veut porter au Père toute la
réalité humaine et chaque homme en particulier. La mission est ce
que l’amour ne peut pas taire. L’Eglise suit Jésus-Christ sur la
route qui la conduit vers tout homme, jusqu’aux confins de la
terre. Nous pouvons ainsi voir dans notre prochain le frère et la
sœur pour lesquels le Christ est mort et ressuscité. Tout ce que
nous avons reçu, nous l’avons reçu aussi pour eux. Et
pareillement, ce que ces frères possèdent est un don pour l’Eglise
et pour l’humanité entière. Je désire tant que les lieux où se
manifeste l’Eglise, en particulier nos paroisses et nos
communautés, deviennent des îles de miséricorde au milieu de la
mer de l’indifférence!
3.Tenez
ferme! Les fidèles. Même en tant qu’individus nous sommes souvent
tentés d’être indifférents à la misère des autres. Nous sommes
saturés de nouvelles et d’images bouleversantes qui nous racontent
la souffrance humaine et nous sentons en même temps toute notre
incapacité à intervenir. Que faire pour ne pas se laisser absorber
par cette spirale de peur et d’impuissance? Tout d’abord, nous
pouvons prier dans la communion de l’Eglise terrestre et céleste.
Ne négligeons pas la force de la prière de tant de personnes!
L’initiative 24 heures pour le Seigneur, qui, j’espère, aura
lieu dans toute l’Eglise, même au niveau diocésain, les 13 et 14
mars, veut montrer cette nécessité de la prière. Ensuite, nous
pouvons aider par des gestes de charité, rejoignant aussi bien ceux
qui sont proches que ceux qui sont loin, grâce aux nombreux
organismes de charité de l’Eglise. Le Carême est un temps propice
pour montrer cet intérêt envers l’autre par un signe, même
petit, mais concret, de notre participation à notre humanité
commune. Enfin, la souffrance de l’autre constitue un appel à la
conversion parce que le besoin du frère me rappelle la fragilité de
ma vie, ma dépendance envers Dieu et mes frères. Si nous demandons
humblement la grâce de Dieu et que nous acceptons les limites de nos
possibilités, alors nous aurons confiance dans les possibilités
infinies que l’amour de Dieu a en réserve. Et nous pourrons
résister à la tentation diabolique qui nous fait croire que nous
pouvons nous sauver et sauver le monde tout seuls. Pour dépasser
l’indifférence et nos prétentions de toute-puissance, je voudrais
demander à tous de vivre ce temps de Carême comme un parcours de
formation du cœur, comme l’a dit Benoît XVI. Avoir un cœur
miséricordieux ne veut pas dire avoir un cœur faible. Celui qui
veut être miséricordieux a besoin d’un cœur fort, solide, fermé
au tentateur, mais ouvert à Dieu. Un cœur qui se laisse pénétrer
par l’Esprit et porter sur les voies de l’amour qui conduisent à
nos frères et à nos sœurs. Au fond, un cœur pauvre, qui connaisse
en fait ses propres pauvretés et qui se dépense pour l’autre.
Pour cela, chers frères et sœurs, je désire prier avec vous le
Christ en ce Carême: Rends notre cœur semblable au tien. Alors nous
aurons un cœur fort et miséricordieux, vigilant et généreux, qui
ne se laisse pas enfermer en lui-même et qui ne tombe pas dans le
vertige de la mondialisation de l’indifférence.
Avec
ce souhait, je vous assure de ma prière afin que chaque croyant et
chaque communauté ecclésiale parcourt avec fruit le chemin du
Carême, et je vous demande de prier pour moi. Que le Seigneur vous
bénisse et que la Vierge Marie vous garde".
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