Cité
du Vatican, 17 juin (VIS). Instrument pour une première lecture de
l’encyclique, le texte qui suit aide à en comprendre la dynamique
d’ensemble et à en extraire les lignes de force. Les trois
premières pages présentent l'encyclique dans son ensemble, avant de
décrire les chapitres en reprenant des passages-clef. Les deux
dernières pages présentent le sommaire dans son intégralité.
Un
regard d’ensemble:
"Quel
genre de monde voulons-nous laisser à ceux qui nous succèdent, aux
enfants qui grandissent? Cette interrogation est au cœur de Laudato
Si’, l’encyclique attendue du Pape François sur le soin de notre
maison commune. Le Pape poursuit: Cette question ne concerne pas
seulement l’environnement de manière isolée, parce qu’on ne
peut pas poser la question de manière fragmentaire, et ceci conduit
à s’interroger sur le sens de l’existence et de ses valeurs à
la base de la vie sociale: Pour quoi passons-nous en ce monde, pour
quoi venons-nous à cette vie, pour quoi travaillons-nous et
luttons-nous, pour quoi cette terre a-t-elle besoin de nous? Si cette
question de fond n'est pas prise en compte, dit le Souverain Pontife,
je ne crois pas que nos préoccupations écologiques puissent obtenir
des effets significatifs. L’encyclique prend le nom de l’invocation
de saint François Loué sois-tu mon Seigneur du Cantique des
Créatures, qui rappelle que la terre, notre maison commune, est «
comme une sœur, avec laquelle nous partageons l’existence, et
comme une mère, belle, qui nous accueille à bras ouverts.
Nous-mêmes sommes terre. Notre corps est lui-même constitué des
éléments de la planète, son air nous donne le souffle et son eau
nous vivifie comme elle nous restaure. Aujourd’hui, cette terre,
maltraitée et saccagée, pleure, et ses gémissements rejoignent
ceux de tous les laissés-pour-compte dans le monde. Le Pape François
invite à les écouter, en sollicitant chacun de nous, individus,
familles, collectivités locales, nations et communauté
internationale à une conversion écologique, selon l’expression de
Jean-Paul II, c’est-à-dire changer de cap, en assumant la beauté
et la responsabilité d’un engagement pour le soin de notre maison
commune. Dans le même temps, le Pape François reconnaît une
sensibilité croissante concernant aussi bien l’environnement que
la protection de la nature, et une sincère et douloureuse
préoccupation qui grandit pour ce qui arrive à notre planète,
légitimant ainsi un regard d’espérance qui ponctue toute
l’encyclique, et envoie à tous un message clair et plein
d’espérance: L’humanité possède encore la capacité de
collaborer pour construire notre maison commune- L'être humain est
encore capable d'intervenir positivement, tout n’est pas perdu,
parce que les êtres humains, capables de se dégrader à l'extrême,
peuvent aussi se surmonter, opter de nouveau pour le bien et se
régénérer.
Le
Pape François s’adresse bien sûr aux fidèles catholiques, en
reprenant les paroles de Jean-Paul II: Les chrétiens, notamment,
savent que leurs devoirs à l’intérieur de la création et leurs
devoirs à l’égard de la nature et du Créateur font partie
intégrante de leur foi, mais propose spécialement d’entrer en
dialogue avec tous au sujet notre maison commune. Le dialogue
parcourt tout le texte, et dans le chapitre 5, devient un instrument
pour affronter et résoudre les problèmes. Depuis toujours, le Pape
François rappelle que d’autres Eglises et communautés
chrétiennes, comme aussi d’autres religions, ont nourri une grande
préoccupation et une précieuse réflexion sur le thème de
l’écologie. Il en assume même explicitement la contribution, en
citant amplement le cher Patriarche oecuménique Barthélémy. A
plusieurs reprises, le souverain pontife remercie les protagonistes
de cet engagement que ce soient des individus, des associations ou
des institutions, en reconnaissant que la réflexion d’innombrables
scientifiques, philosophes, théologiens et organisations sociales
qui ont enrichi la pensée de l’Eglise sur ces questions, et invite
chacun à reconnaître la richesse que les religions peuvent offrir
pour une écologie intégrale et pour et pour un développement
plénier de l’humanité.
L’itinéraire
de l’encyclique est tracé au paragraphe 15, et s’articule en six
chapitres. On passe d’une écoute de la situation à partir des
meilleurs données scientifiques disponibles (chapitre 1), à la
confrontation avec la Bible et la tradition judéo-chrétienne
(chapitre 2), en identifiant les racines des problèmes (chapitre 3)
posés par la technocratie et un repli auto-référentiel excessif de
l’être humain. La proposition de l’encyclique (chapitre 4) est
celle d’une écologie intégrale, qui a clairement des dimensions
humaines et sociales, inséparablement liée à la question
environnementale. Dans cette perspective, le Pape François propose
(chapitre 5) d’avoir, à chaque niveau de la vie sociale,
économique et politique, un dialogue honnête qui structure des
processus de décision transparents, et rappelle (chapitre 6)
qu’aucun projet ne peut être efficace s’il n’est pas animé
d’une conscience formée et responsable, en donnant des pistes
éducatives, spirituelles, ecclésiales, politiques et théologiques
pour croître dans cette direction. Le texte s’achève par deux
prières, l’une s’adressant à ceux qui croient en un Dieu
Créateur et Tout Puissant, et l’autre proposée à ceux qui
professent la foi en Jésus-Christ, rythmée par la ritournelle du
Laudato Si’ qui ouvre et ferme l’encyclique. L’encyclique est
traversée par plusieurs axes thématiques, traités selon diverses
perspectives, qui lui donnent une forte unité: L’intime relation
entre les pauvres et la fragilité de la planète, la conviction que
tout est lié dans le monde, la critique du nouveau paradigme et des
formes de pouvoir qui dérivent de la technologie, l’invitation à
chercher d’autres façons de comprendre l’économie et le
progrès, la valeur propre de chaque créature, le sens humain de
l’écologie, la nécessité de débats sincères et honnêtes, la
grave responsabilité de la politique internationale et locale, la
culture du déchet et la proposition d’un nouveau style de vie.
Chapitre
1 Ce qui se passe dans notre maison
(i.
pollution et changement climatique, pollution, ordure et culture du
déchet, le climat comme bien commun, ii. La question de l'eau,
iii. la perte de biodiversité, iv. détérioration de la qualité de
la vie humaine et dégradation sociale, v. inégalité planétaire,
vi. la faiblesse des réactions, vii. diversité d’opinions)
Le
chapitre reprend les meilleurs données scientifiques en matière
d’environnement, comme outil pour écouter le cri de la création,
transformer en souffrance personnelle ce qui se passe dans le monde,
et ainsi reconnaître la contribution que chacun peut apporter.
Différents aspects de la crise écologique actuelle sont ainsi
confrontés.
Les
mutations climatiques: Le changement climatique est un problème
global aux graves répercussions environnementales, sociales,
économiques, distributives ainsi que politiques, et constitue l’un
des principaux défis actuels pour l’humanité. Si le climat est un
bien commun, de tous et pour tous, l’impact le plus fort de son
altération retombe sur les plus pauvres, mais beaucoup de ceux qui
détiennent plus de ressources et de pouvoir économique ou politique
semblent surtout s’évertuer à masquer les problèmes ou à
occulter les symptômes: Le manque de réactions face à ces drames
de nos frères et sœurs est un signe de la perte de ce sens de
responsabilité à l’égard de nos semblables, sur lequel se fonde
toute société civile.
La
question de l’eau: Le Souverain Pontife affirme de façon claire
que l’accès à l’eau potable et sûre est un droit humain
primordial, fondamental et universel, parce qu’il détermine la
survie des personnes, et par conséquent il est une condition pour
l’exercice des autres droits humains. Priver les pauvres de l’accès
à l’eau c’est leur nier le droit à la vie, enraciné dans leur
dignité inaliénable. La perte de la biodiversité: Chaque année,
disparaissent des milliers d’espèces végétales et animales que
nous ne pourrons plus connaître, que nos enfants ne pourront pas
voir, perdues pour toujours. Ce ne sont pas seulement des ressources
exploitables, mais elles ont une valeur pour elles-mêmes. Dans cette
perspective, les efforts des scientifiques et des techniciens, qui
essaient d’apporter des solutions aux problèmes créés par l’être
humain, sont louables et parfois admirables, mais l’intervention
humaine, fréquemment au service des finances et du consumérisme,
fait que la terre où nous vivons devient en réalité moins riche et
moins belle, toujours plus limitée et plus grise.
La
dette écologique : dans le cadre d’une éthique des relations
internationales, l’encyclique indique qu’il existe une vraie
dette écologique, surtout du Nord envers le Sud. Face aux mutations
climatiques, les responsabilités sont diverses, et celles des pays
développées sont les plus importantes.
En
ayant conscience des profondes divergences en ce qui concerne ces
problèmes, le Pape François se montre profondément touché par la
faiblesse des réactions face aux drames de tant de personnes et de
populations. Malgré des exemples positifs, il signale un certain
assoupissement et une joyeuse irresponsabilité. Il manque une
culture adéquate qui permette de transformer nos styles de vie, de
production et de consommation, tandis qu’il devient indispensable
de créer un système normatif qui implique des limites
infranchissables et assure la protection des écosystèmes.
Chapitre
2- L’Evangile de la Création (i. la lumière qu’offre la foi,
ii. la sagesse des récits bibliques, iii. le mystère de l’univers,
iv. le message de chaque créature dans l’harmonie de toute la
création, v. une communion universelle, vi. la destination commune
des biens, vii. le regard de Jésus)
Pour
illustrer les problématiques illustrées dans le chapitre précédant,
le pape François relit les récits de la Bible, offre une vision
globale qui vient de la tradition judéo-chrétienne et évoque la
terrible responsabilité de l’être humain dans son rapport avec la
Création, le lien intime entre toutes les créatures et le fait que
« L’environnement est un bien collectif, patrimoine de toute
l’humanité, sous la responsabilité de tous. Dans la Bible, le
Dieu qui libère et sauve est le même qui a créé l’univers, en
lui affection et vigueur se conjuguent. Le récit de la création est
central pour réfléchir sur le rapport entre l’homme et les autres
créatures, et sur comment le péché rompt l’équilibre de toute
la création dans son ensemble: Ces récits suggèrent que
l’existence humaine repose sur trois relations fondamentales
intimement liées, la relation avec Dieu, avec le prochain, et avec
la terre. Selon la Bible, les trois relations vitales ont été
rompues, non seulement à l’extérieur, mais aussi à l’intérieur
de nous. Cette rupture est le péché.
Pour
cela, s’il est vrai que, parfois, nous les chrétiens avons mal
interprété les Écritures, nous devons rejeter aujourd’hui avec
force que, du fait d’avoir été créés à l’image de Dieu et de
la mission de dominer la terre, découle pour nous une domination
absolue sur les autres créatures explique le Pape. A l’homme
incombe la responsabilité de cultiver et protéger le jardin du
monde, en sachant que la fin ultime des autres créatures, ce n’est
pas nous. Mais elles avancent toutes, avec nous et par nous, jusqu’au
terme commun qui est Dieu. Que l’homme ne soit pas le patron de
l’univers, ne signifie pas que tous les êtres vivants sont égaux
ni ne retire à l’être humain sa valeur particulière, qui le
caractérise, cela ne suppose pas non plus une divinisation de la
terre qui nous priverait de l’appel à collaborer avec elle et à
protéger sa fragilité. Dans cette perspective, toute cruauté sur
une quelconque créature est contraire à la dignité humaine, mais
un sentiment d’union intime avec les autres êtres de la nature ne
peut pas être réel si en même temps il n’y a pas dans le cœur
de la tendresse, de la compassion et de la préoccupation pour les
autres êtres humains. Il faut développer la conscience d’une
communion universelle: Créés par le même Père, nous et tous les
êtres de l’univers, sommes unis par des liens invisibles, et
formons une sorte de famille universelle, qui nous pousse à un
respect sacré, tendre et humble. Le chapitre se conclut sur le cœur
de la révélation chrétienne, Jésus terrestre dans sa relation si
concrète et aimable avec le monde est ressuscité et glorieux,
présent dans toute la création par sa seigneurie universelle.
Chapitre
3- La racine humaine de la crise écologique (i. la technologie:
créativité et pouvoir, ii.la globalisation du paradigme
technocratique, iii.crise et conséquences de l’anthropocentrisme
moderne, le relativisme pratique,
la
nécessité de préserver le travail, l’innovation biologique à
partir de la recherche)
Ce
chapitre présente une analyse de la situation actuelle, pour que
nous ne considérions pas seulement les symptômes, mais aussi les
causes les plus profondes, dans un dialogue avec la philosophie et
les sciences humaines. Un des premiers points d’appui du chapitre
sont les réflexions sur la technologie: l’amélioration des
conditions de vie au cours de l’histoire est salué, mais toutes
ces capacités et avancées donnent à ceux qui ont la connaissance,
et surtout le pouvoir économique d’en faire usage, une emprise
impressionnante sur l’ensemble de l’humanité et sur le monde
entier. Ce sont précisément les logiques de domination
technocratiques qui mènent à la destruction de la nature et à
l’exploitation des personnes et des populations les plus faibles.
Le paradigme technocratique tend aussi à exercer son emprise sur
l’économie et la politique, et empêche de reconnaître que le
marché ne garantit pas en soi le développement humain intégral ni
l’inclusion sociale. L’époque moderne se caractérise par une
grande démesure anthropocentrique. L’être humain ne reconnaît
plus sa juste position par rapport au monde et prend une position
auto-référentielle, exclusivement centrée sur elle-même et son
propre pouvoir. En dérive ainsi une logique du jetable, qui justifie
tout type de déchet, qu’il soit environnemental ou humain, qui
traite l’autre et la nature comme un simple objet et conduit à une
myriade de formes de domination. La culture du relativisme est la
même pathologie qui pousse une personne à exploiter son prochain et
à le traiter comme un pur objet, l’obligeant aux travaux forcés,
ou en faisant de lui un esclave à cause d’une dette. C’est la
même logique qui pousse à l’exploitation sexuelle des enfants ou
à l’abandon des personnes âgées qui ne servent pas des intérêts
personnels. C’est aussi la logique intérieure de celui qui dit:
Laissons les forces invisibles du marché réguler l’économie,
parce que ses impacts sur la société et sur la nature sont des
dommages inévitables. S’il n’existe pas de vérités objectives
ni de principes solides hors de la réalisation de projets personnels
et de la satisfaction de nécessités immédiates, quelles limites
peuvent alors avoir la traite des êtres humains, la criminalité
organisée, le narcotrafic, le commerce de diamants ensanglantés et
de peaux d’animaux en voie d’extinction ? N’est-ce pas la même
logique relativiste qui justifie l’achat d’organes des pauvres
dans le but de les vendre ou de les utiliser pour l’expérimentation,
ou le rejet d’enfants parce qu’ils ne répondent pas au désir de
leurs parents? Sous cette lumière, l’encyclique affronte deux
problèmes cruciaux pour le monde d’aujourd’hui. Avant tout en ce
qui concerne le travail: Dans n’importe quelle approche d’une
écologie intégrale qui n’exclue pas l’être humain, il est
indispensable d’incorporer la valeur du travail, tout comme cesser
d’investir dans les personnes pour obtenir plus de profit immédiat
est une très mauvaise affaire pour la société. Le second point
concerne les limites du progrès scientifique, avec une référence
claire aux OGM, une question d’environnement complexe. Même si,
dans certaines régions, leur utilisation est à l’origine d’une
croissance économique qui a aidé à résoudre des problèmes, il y
a des difficultés importantes qui ne doivent pas être relativisées,
comme une concentration des terres productives entre les mains d’un
petit nombre. Le Pape François pense en particulier aux petits
producteurs et travailleurs ruraux, à la biodiversité, au réseau
des écosystèmes. Pour cela, il est nécessaire de garantir une
discussion scientifique et sociale qui soit responsable et large,
capable de prendre en compte toute l’information disponible et
d’appeler les choses par leur nom, à partir de diverses lignes de
recherche, autonomes et interdisciplinaires.
Chapitre
4- Une écologie intégrale (i. l’écologie environnementale,
économique et sociale, ii.l’écologie culturelle, iii.l’écologie
de la vie quotidienne, iv. le principe du bien commun, v. la justice
entre générations.
Le
cœur de la proposition de l’encyclique est l’écologie intégrale
comme nouveau paradigme de justice, une écologie qui incorpore la
place spécifique de l’être humain dans ce monde et ses relations
avec la réalité qui l’entoure. En effet, nous ne pouvons
concevoir la nature comme séparée de nous ou comme un simple cadre
de notre vie. Ceci est valable pour divers champs, de l’économie à
la politique, dans les différentes cultures, et de façon plus
particulière dans celles qui sont les plus menacées, mais aussi
dans chaque moment de notre vie quotidienne.
La
perspective de l’écologie intégrale met également en jeu une
écologie des institutions: Si tout est lié, l’état des
institutions d'une société a aussi des conséquences sur
l’environnement et sur la qualité de vie humaine. Toute atteinte à
la solidarité et à l’amitié civique provoque des dommages à
l’environnement. Avec de nombreux exemples concrets, le Pape
François ne fait que répéter sa propre pensée: Il y a un lien
entre les questions environnementales et les questions sociales et
humaines qui ne peut pas être rompu. Ainsi l'analyse des problèmes
environnementaux est inséparable de l'analyse des contextes humains,
familiaux, de travail, urbains, et de la relation de chaque personne
avec elle-même, ou il n'y a pas deux crises séparées, l'une
environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe
crise socio-environnementale. Cette écologie intégrale est
inséparable de la notion de bien commun, mais est à comprendre de
manière concrète, dans le contexte contemporain où il y a tant
d'inégalités et où sont toujours plus nombreuses les personnes
marginalisées, privées des droits humains fondamentaux. S’engager
pour le bien commun signifie faire des choix qui privilégie une
option préférentielle pour les plus pauvres. C’est aussi le
meilleur moyen pour laisser un monde durable aux générations
futures, à travers un engagement à prendre soin des pauvres
d’aujourd’hui, comme le soulignait déjà Benoît XVI: Au-delà
d’une loyale solidarité intergénérationnelle, l’urgente
nécessité morale d’une solidarité intra-générationnelle
renouvelée doit être réaffirmée. L’écologie intégrale
investit aussi la vie quotidienne, à laquelle l’encyclique
consacre une attention spécifique, en particulier dans un
environnement urbain. L’être humain a une grande capacité
d’adaptation et « la créativité et la générosité sont
admirables de la part de personnes comme de groupes qui sont capables
de transcender les limites de l'environnement en apprenant à
orienter leur vie au milieu du désordre et de la précarité. Un
développement authentique présuppose une amélioration intégrale
de la qualité de la vie humaine, espaces publics, logements,
transports, etc. Dans ce sens, il faut reconnaître que notre propre
corps nous met en relation directe avec l’environnement et avec les
autres êtres vivants. L'acceptation de son propre corps comme don de
Dieu est nécessaire pour accueillir et pour accepter le monde tout
entier comme don du Père et maison commune, tandis qu'une logique de
domination sur son propre corps devient une logique, parfois subtile,
de domination sur la création.
Chapitre
5- Quelques lignes d’orientation et d’action (i.le dialogue sur
l’environnement dans la politique internationale, ii.le dialogue en
vue de nouvelles politiques nationales et locales, iii. dialogue et
transparence dans les processus de prise de décisions, iv.politique
et économie en dialogue pour la plénitude humaine, v.les religions
dans le dialogue avec les sciences)
Ce
chapitre pose la question de ce que nous pouvons et devons faire. Les
analyses ne peuvent suffire, il faut des propositions de dialogue et
d’action qui concernent aussi bien chacun de nous que la politique
internationale et qui nous aident à sortir de la spirale
d’autodestruction dans laquelle nous nous enfonçons. Pour le Pape
François, il est essentiel que la construction de chemins concrets
ne soit pas abordée de manière idéologique, superficiel ou
réductionniste. Pour cela, le dialogue est indispensable, un terme
présent dans le titre de chaque section de ce chapitre. Dans
certaines discussions sur des questions liées à l’environnement,
il est difficile de parvenir à un consensus. L’Eglise n’a pas la
prétention de juger des questions scientifiques ni de se substituer
à la politique, mais j’invite à un débat honnête et
transparent, pour que les besoins particuliers ou les idéologies
n’affectent pas le bien commun. Sur cette base, le Pape François
ne craint pas de formuler un jugement sévère sur les récentes
dynamiques internationales: Les sommets mondiaux de ces dernières
années sur l’environnement n’ont pas répondu aux attentes parce
que, par manque de décision politique, ils ne sont pas parvenus à
des accords généraux, vraiment significatifs et efficaces, sur
l’environnement. Et de se demander pourquoi veut-on préserver
aujourd'hui un pouvoir qui laissera dans l’histoire le souvenir de
son incapacité à intervenir quand il était urgent et nécessaire
de le faire? Comme l’a rappelé plusieurs fois le Souverain
Pontife, à partir de l’encyclique Pacem in Terris, il faut des
formes et des instruments efficaces de gouvernance globale. En
définitive, il faut un accord sur les régimes de gestion, pour
toute la gamme de ce qu’on appelle les biens communs globaux, vu
que « la protection de l’environnement ne peut pas être assurée
uniquement en fonction du calcul financier des coûts et des
bénéfices. L’environnement fait partie de ces biens que les
mécanismes du marché ne sont pas en mesure de défendre ou de
promouvoir de façon adéquate, qui reprend le Compendium de la
doctrine sociale de l’Eglise. Toujours dans ce chapitre, le Pape
François insiste sur le développement de processus de décision
honnêtes et transparents, pour pouvoir discerner quelles politiques
et initiatives entrepreneuriales pourront mener vers un développement
intégral. En particulier, l’étude de l’impact environnemental
d’un nouveau projet requiert des processus politiques transparents
et soumis au dialogue, alors que la corruption, qui cache le
véritable impact environnemental d’un projet en échange de
faveurs, conduit habituellement à des accords fallacieux au sujet
desquels on évite information et large débat. L’appel adressé à
tout responsable politique est particulièrement incisif, afin qu’il
ne cède pas à la logique d’efficacité et d’immédiateté qui
domine aujourd’hui. S’il ose le faire, cela le conduira à
reconnaître la dignité que Dieu lui a donnée comme homme, et il
laissera après son passage dans l’histoire un témoignage de
généreuse responsabilité.
Chapitre
6- Education et spiritualité écologiques
Le
chapitre final va au cœur de la conversion écologique à laquelle
invite l’encyclique. Les racines de la crise culturelle agissent en
profondeur et il n’est pas facile de redessiner les habitudes et
les comportements. L’éducation et la formation restent des défis
majeurs. Tout changement a besoin de motivations et d’un chemin
éducatif. Sont ainsi mentionnés tous les milieux éducatifs, en
premier lieu l'école, la famille, les moyens de communication, la
catéchèse. La première section, le point de départ est miser sur
autre style de vie, qui ouvre aussi la possibilité d’« exercer
une pression saine sur ceux qui détiennent le pouvoir politique,
économique et social. C’est ce qui arrive quand les choix des
consommateurs réussissent à modifier le comportement des
entreprises, en les forçant à considérer l'impact environnemental
et les modèles de production. On ne peut sous-évaluer l’importance
des parcours d’éducation environnementale capables d’incidences
sur les gestes de la vie quotidienne, de la réduction de la
consommation d’eau, au tri sélectif des déchets, éteindre les
lumières inutiles. Une écologie intégrale est aussi faite de
simples gestes quotidiens par lesquels nous rompons la logique de la
violence, de l’exploitation, de l'égoïsme. Tout cela sera plus
simple à partir d’un regard contemplatif qui vient de la foi: Pour
le croyant, le monde ne se contemple pas de l’extérieur mais de
l'intérieur, en reconnaissant les liens par lesquels le Père nous a
unis à tous les êtres. En outre, en faisant croître les capacités
spécifiques que Dieu lui a données, la conversion écologique
conduit le croyant à développer sa créativité et son
enthousiasme. Revient ainsi la proposition d’Evangelii Gaudium: La
sobriété, qui est vécue avec liberté et de manière consciente,
est libératrice, et le bonheur requiert de savoir limiter certains
besoins qui nous abrutissent, en nous rendant ainsi disponibles aux
multiples possibilités qu’offre la vie, de manière à ce qu’il
soit possible de reprendre conscience que nous avons besoin les uns
des autres, que nous avons une responsabilité vis-à-vis des autres
et du monde, que cela vaut la peine d’être bons et honnêtes. Les
Saints nous accompagnent sur ce chemin. Saint François, plusieurs
fois cité, est l’exemple par excellence de la protection de ce qui
est faible et d’une écologie intégrale, vécue avec joie et
authenticité, un modèle dans lequel on voit combien sont
inséparables la préoccupation pour la nature, la justice envers les
pauvres, l’engagement pour la société et la paix intérieure.
Mais l’encyclique rappelle aussi les figures de saint Benoît,
sainte Thérèse de Lisieux et le bienheureux Charles de Foucauld.
Après Laudato Si’, l’examen de conscience, l’instrument que
l’Eglise a toujours recommandé pour orienter sa propre vie à la
lumière de la relation avec le Seigneur, devra inclure une nouvelle
dimension, en considérant non seulement comment est vécue la
communion avec Dieu, avec les autres et avec nous-même, mais aussi
avec toutes les créatures et la nature.
Pour
lire le texte intégral officiel français:
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