Cité
du Vatican, 8 juillet 2015 (VIS). A Quito hier vers 18 h locales, le
Pape s'est rendu en l'église St.François qui, avec le couvent
adjacent, constitue l'édifice catholique le plus ancien de
l'Amérique latine, construit par les franciscains trois ans
seulement après la fondation de la ville en 1533. L'ensemble, achevé
en 1680, est surnommé l'Escorial du Nouveau Monde. Là il s'est
adressé aux représentants de la culture, de l'économie, de
l'entreprise, du volontariat et du sport. Avant d'entrer dans
l’église, a-t-il dit, "le maire m'a remis les clefs de la
ville. Ainsi je peux dire qu'ici, à St.François de Quito, je suis à
la maison. La marque de confiance et d'affection dont vous faites
preuve, en m’ouvrant les portes, me permet de vous présenter
quelques clés de la cohabitation citoyenne à partir de la vie
familiale". Après l'introduction du Président de la Commission
épiscopale pour les laïcs, et les témoignages de trois d'entre
eux, le Saint-Père a prononcé le discours suivant:
"Notre
société est gagnante quand chaque personne, chaque groupe social,
se sent vraiment à la maison. Dans une famille, les parents, les
grands-parents, les enfants sont de la maison. Personne n'est exclu.
Si l'un d’eux a une difficulté, même grave, bien qu'il l'ait
cherchée, les autres vont à son secours, le soutiennent partagent
l'épreuve. Ne devrait-il pas en être de même dans la société?
Et, cependant, nos relations sociales ou bien le jeu politique,
souvent se fondent sur la confrontation, sur le rejet. Ma position,
mon idée, mon projet se consolident si je suis capable de vaincre
l'autre, de m'imposer. Est-ce être famille cela? Dans les familles,
tous contribuent au projet commun, tous travaillent pour le bien
commun, mais sans annihiler chaque membre. Au contraire, ils le
soutiennent et s'entraident. Les joies et
les peines de chacun sont assumées par tous. C’est cela être
famille. Si nous pouvions voir l'adversaire politique, le voisin de
maison du même œil que nos enfants, nos épouses ou époux, nos
pères ou nos mères. Aimons-nous notre société? Aimons-nous notre
pays, la communauté que nous essayons de construire? L'aimons-nous
seulement par les concepts spéculatifs, en théorie? Aimons-la à
travers les œuvres plus que par les paroles! En chaque personne,
dans le concret, dans la vie que nous partageons. L'amour tend
toujours à la communication, jamais à l'isolement. C'est à partir
de cet attachement que surgiront des gestes simples qui renforcent
les liens personnels. En diverses occasions, je me suis référé à
l'importance de la famille comme cellule de la société. Dans le
cercle familial, les personnes reçoivent les valeurs fondamentales
d'amour, de fraternité et de respect mutuel qui se traduisent dans
des valeurs sociales essentielles : la gratuité, la solidarité et
la subsidiarité. Pour les parents, tous
leurs enfants, bien que chacun ait son propre caractère, sont objet
d’amour sans distinction. En revanche, l'enfant, quand il se refuse
à partager ce qu'il reçoit gratuitement d’eux, rompt cette
relation. L'amour des parents l’aide à sortir de son égoïsme
pour apprendre à vivre ensemble avec les autres, à céder, pour
s’ouvrir à l'autre. Au niveau social, cela suppose d’assumer que
la gratuité n'est pas un complément mais une condition requise de
la justice. Ce que nous sommes et ce que nous avons nous a été
confié pour que nous le mettions au service des autres. Notre tâche
consiste à le faire fructifier dans des œuvres de bien. Les biens
sont destinés à tous, et même si quelqu’un fait étalage de sa
propriété, une hypothèque sociale pèse toujours sur celle-ci. On
dépasse ainsi le concept économique de justice, fondé sur le
principe d’un contrat d’achat et de vente, avec le concept de
justice sociale qui défend le droit fondamental de la personne à
une vie digne. L'exploitation des ressources naturelles, si
abondantes en Equateur, ne doit pas viser le bénéfice immédiat.
Etre administrateurs de cette richesse que nous avons reçue nous
engage envers la société dans son ensemble et envers les
générations futures, à qui nous ne pourrons pas léguer ce
patrimoine sans une adéquate sauvegarde de l'environnement, sans une
conscience de gratuité qui germe de la contemplation du monde créé".
Sont
ici présents des frères appartenant aux peuples autochtones,
"provenant de l’Amazonie équatorienne, une des zones les
plus riches en biodiversité, en espèces
endémiques rares ou ayant un faible degré de protection effective.
Ces zones requièrent une protection particulière à cause de leur
énorme importance pour l’écosystème mondial car elles présentent
une biodiversité d’une énorme complexité, presqu’impossible à
répertorier intégralement, mais quand ces forêts sont brûlées ou
rasées pour développer des cultures, d’innombrables espèces
disparaissent en peu d’années, quand elles ne se transforment pas
en déserts arides. Là, avec d’autres
pays disposant de régions amazoniennes, l'Equateur a une opportunité
pour exercer la pédagogie d'une écologie intégrale. Nous avons
reçu le monde comme héritage de nos parents, mais aussi comme prêt
auprès des générations futures à qui nous devons le rendre.
De la fraternité vécue en famille, naît la
solidarité dans la société, qui ne consiste pas uniquement à
donner à qui est dans le besoin, mais à être responsable les uns
des autres. Si nous voyons dans l'autre un frère, personne ne peut
demeurer exclu, écarté. Comme beaucoup de peuples
latino-américains, l'Equateur expérimente aujourd'hui de profonds
changements sociaux et culturels, de nouveaux défis qui requièrent
la participation de tous les acteurs sociaux. La migration, la
concentration urbaine, le consumérisme, la crise de la famille, le
manque de travail, les poches de pauvreté produisent une incertitude
et des tensions qui constituent une menace à la cohabitation
sociale. Les normes et les lois, ainsi que les projets de la
communauté civile, doivent rechercher l'inclusion, ouvrir des
espaces de dialogue, de rencontre et ainsi abandonner comme un
douloureux souvenir toute forme de répression, le contrôle démesuré
et la restriction des libertés. L'espérance d’un meilleur avenir
passe par l’offre d’opportunités réelles aux citoyens,
spécialement aux jeunes, à travers la création d’emploi, avec
une croissance économique qui arrive à tous, et ne reste pas dans
les statistiques macroéconomiques, avec un développement durable
qui génère un tissu social ferme et un bien de cohésion".
"Enfin,
le respect de l'autre qui s’apprend en famille se traduit dans le
domaine social par la subsidiarité. Présumer que notre option n'est
pas nécessairement l’unique légitime est un exercice sain
d'humilité. En reconnaissant ce qui est bon dans les autres, y
compris avec leurs limitations, nous voyons la richesse que renferme
la diversité et la valeur de la complémentarité. Les hommes, les
groupes ont le droit de parcourir leur chemin, bien que parfois cela
suppose de commettre des erreurs. Dans le respect de la liberté, la
société civile est appelée à promouvoir chaque personne et chaque
agent social pour qu'ils puissent assumer leur propre rôle et
contribuer avec leur spécificité au bien commun. Le dialogue est
nécessaire, fondamental, pour arriver à la vérité, qui ne peut
pas être imposée, mais doit être recherchée avec sincérité et
avec un esprit critique. Dans une démocratie participative, chacune
des forces sociales, les groupes indigènes, les afro-équatoriens,
les femmes, les regroupements de citoyens et tous ceux qui
travaillent pour la communauté dans les services publics sont des
protagonistes indispensables dans ce dialogue. Les murs, les cours
intérieures et les cloîtres de ce lieu le disent avec une plus
grande éloquence. Reposant sur des éléments de la culture inca et
caranqui, la beauté de leurs proportions et de leurs formes, la
hardiesse de leurs différents styles combinés de manière
remarquable, les œuvres d'art qui reçoivent le nom d'école de
Quito, condensent un dialogue étendu, avec des réussites et des
erreurs, de l'histoire équatorienne. L'aujourd'hui est plein de
beauté, et même s’il est certain que par le passé il y a eu des
maladresses et des violations. Comment le nier! Nous pouvons affirmer
que l'ensemble irradie tant d'exubérance qui nous permet de regarder
l'avenir avec beaucoup d'espérance. L'Eglise aussi veut collaborer
dans la recherche du bien commun, à travers ses activités sociales,
éducatives, en promouvant les valeurs éthiques et spirituelles, en
étant un signe prophétique qui apporte un rayon de lumière et
d’espérance à tous, spécialement à ceux qui sont le plus dans
le besoin. Merci...de porter mes paroles d’encouragement aux
groupes que vous représentez dans les divers secteurs sociaux. Que
le Seigneur accorde à la société civile que vous représentez
d’être toujours ce lieu adéquat où ces valeurs sont vécues".
Après
cette rencontre, le Pape François a conclu la journée par une
visite privée à l'église de la Compagnie de Jésus, construite
entre 1605 et 1765, un des édifices majeurs de l'architecture du
Nouveau Monde. Après s'être entretenu avec les religieux et prié
devant un tableau représentant la Vierge des Douleurs, il est rentré
à la nonciature. Ce 8 juillet, il doit tout d'abord rencontrer des
personnes âgées à une vingtaine de kilomètres de Quito, puis le
clergé équatorien au sanctuaire marial de El Quinche. Après qui,
il quittera l'Equateur à destination de la Bolivie.
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