Cité
du Vatican, 8 juillet 2015 (VIS). Le Saint-Père s'est rendu hier
après-midi (vers 17 h locales) à l'Université catholique de
l'Equateur, fondée en 1946 par les Jésuites et comptant 30.000
inscrits. Après l'introduction du Recteur, les saluts du Président
de la Commission épiscopale pour l'éducation et la culture, la
récitation commune d'une prière composée par saint Miguel Febres
Cordero et la lecture de l'Evangile de Luc, le Pape François a
prononcé le discours suivant:
"Dans
l'Evangile, nous venons d’entendre comment Jésus, le Maître,
enseignait à la foule et au petit groupe des disciples, en
s’adaptant à leur capacité de compréhension. Il le faisait par
des paraboles, comme celle du Semeur, de telle manière que tous
pouvaient comprendre. Jésus ne cherchait pas à faire le docteur. Au
contraire, il veut atteindre le cœur de l'homme, son intelligence,
sa vie, pour que celle-ci porte du fruit. La parabole du
Semeur nous parle de cultiver. Elle nous montre les espèces de
terre, les espèces de semence, les espèces de fruit et la relation
qui est générée entre elles. Déjà depuis la Genèse, Dieu
murmure à l'homme cette invitation à cultiver et prendre soin de la
création. Non seulement Dieu lui donne la vie, la
terre, la création, non seulement il lui donne un partenaire et une
infinité de possibilités, il lui adresse aussi une invitation, il
lui donne une mission. Il l'invite à prendre part à son œuvre
créatrice et il lui dit de cultiver. Je te donne la semence, la
terre, l'eau, le soleil, je te donne tes mains et celle de tes
frères. Tu les as, là, ils sont aussi tiens. C'est un cadeau, un
don, une offre. Ce n'est pas quelque chose d'acquis, d’acheté. Il
nous précède et subsistera après nous. C'est un don fait
par Dieu pour qu'avec lui nous puissions le faire nôtre. Dieu ne
veut pas une création pour lui-même, pour se regarder lui-même.
C’est tout le contraire. La création, c'est un don destiné à
être partagé. C'est l'espace que Dieu nous donne, pour construire
avec nous, pour construire un nous. Le monde, l'histoire, le temps
sont le lieu où nous construisons le nous avec Dieu, le nous avec
les autres, le nous avec la terre. Notre vie cache toujours cette
invitation, une invitation plus ou moins consciente, qui subsiste
toujours".
Mais,
"avec la parole cultiver, Dieu dit immédiatement de protéger
la création. L’une explique l’autre. L’une va de pair avec
l’autre. Ne cultive pas qui ne protège pas et ne protège pas qui
ne cultive pas. Non seulement nous sommes invités à prendre part à
l'œuvre créatrice en la cultivant, en la faisant croître, en la
développant, mais aussi nous sommes invités à en prendre soin, à
la protéger, à la garder. Aujourd'hui cette invitation s'impose à
nous de force. Non plus comme une simple recommandation, mais comme
une exigence qui naît en raison des dégâts que nous lui causons
par l’utilisation irresponsable et par l’abus des biens que Dieu
a déposés en elle. Nous avons grandi en pensant que nous étions
ses propriétaires et ses dominateurs, autorisés à l’exploiter.
C’est pourquoi, parmi les pauvres les plus abandonnés et
maltraités, se trouve notre terre opprimée et dévastée. Il
existe un lien entre notre vie et celle de notre mère la terre,
entre notre existence et le don que Dieu nous a fait. L’environnement
social et l’environnement naturel se dégradent ensemble, et nous
ne pourrons pas affronter adéquatement la dégradation de
l’environnement si nous ne prêtons pas attention aux causes qui
sont en rapport avec la dégradation humaine et sociale. Mais de même
que nous disons ils se dégradent, de la même manière nous pouvons
dire ils se soutiennent et peuvent se transfigurer. C'est une
relation qui maintient une possibilité, tant d’ouverture, de
transformation, de vie que de destruction et de mort. Il
est évident que nous ne pouvons pas continuer à tourner le dos à
la réalité, à nos frères, à notre mère la terre. Il n’est pas
permis d’ignorer ce qui se passe autour de nous, comme si certaines
situations n’existaient pas ou n’avaient rien à voir avec notre
réalité, Il n'est ni juste ni digne de faire le jeu de la culture
du rebut". Face à la question posée par Dieu à Caïn,
Où est ton frère?, "je me demande si notre réponse continuera
d'être Est-ce que je suis, moi, le gardien de mon frère? Je vis à
Rome et l'hiver il fait froid. Il arrive qu'on trouve le matin près
du Vatican un mort de froid. Personne n'en parle, pas un mot dans la
presse. Un pauvre qui meurt de froid n'est pas intéressant, comme
les moindres fluctuations des bourses. Où est notre frère? Je vous
les demande à vous, universitaires catholiques".
"Il
serait bon de nous interroger sur notre éducation face à cette
terre qui crie vers le ciel. Nos institutions éducatives et
universitaires sont une pépinière, une possibilité, une terre
fertile que nous devons soigner, stimuler et protéger. Une terre
fertile assoiffée de vie... Vous, les éducateurs, veillez-vous sur
vos étudiants, en les aidant à développer un esprit critique, un
esprit libre, capable de protéger le monde d'aujourd'hui? Un esprit
capable de chercher de nouvelles réponses aux défis multiples que
la société nous pose? Etes-vous capables de les encourager à ne
pas se désintéresser de la réalité qui les entoure? Comment, dans
le programme universitaire ou dans les divers domaines du travail
éducatif, entre la vie qui nous entoure, avec ses questions, ses
interrogations, ses questionnements? Comment générons-nous et
accompagnons-nous le débat constructeur, qui naît du dialogue en
vue d'un monde plus humain? Il y a une réflexion qui nous concerne
tous, les familles, les enseignants: Comment aidons-nous nos jeunes à
ne pas considérer un diplôme universitaire comme synonyme d’un
statut supérieur, comme synonyme de plus d'argent, de prestige
social? Comment aidons-nous à considérer cette préparation comme
signe de plus grande responsabilité face aux problèmes de nos
jours, face à la protection du plus pauvre, face à la sauvegarde de
l’environnement? Et vous, chers jeunes, présent et avenir de
l'Equateur, semence de transformation de cette société, savez-vous
que ce temps d'étude, n'est pas seulement un droit mais un
privilège? Combien d'amis, de personnes connues ou inconnues
voudraient avoir un espace en ce lieu et qui pour diverses
circonstances ne l'ont pas eu? Dans quelle mesure nos études nous
aident-elles à nous solidariser avec eux? Les structures éducatives
et universitaires ont une tâche fondamentale, essentielle, dans la
construction de la citoyenneté et de la culture. Il ne suffit pas de
réaliser des analyses, des descriptions de la réalité, il est
nécessaire de créer les domaines, les espaces de vraie recherche,
de débats qui offrent des alternatives aux problématiques
existantes, surtout aujourd'hui".
"Face
à la globalisation du paradigme technocratique qui tend à croire
que tout accroissement de puissance est en soi progrès, un degré
plus haut de sécurité, d’utilité, de bien-être, de force
vitale, de plénitude des valeurs, comme si la réalité, le bien et
la vérité surgissaient spontanément du pouvoir technologique et
économique, il nous est demandé d'urgence de nous résoudre à
penser, à chercher à débattre sur notre situation actuelle, sur
quel genre de culture nous désirons ou voulons non seulement pour
nous, mais aussi pour nos enfants, pour nos petits-enfants. Cette
terre, nous l'avons reçue comme un héritage, comme un don, comme un
cadeau. Il serait bon de nous demander comment nous voulons la
laisser? Quelle orientation, quel sens voulons-nous imprimer à
l'existence? Pour quoi passons-nous par ce monde ? Pour quoi
luttons-nous et travaillons-nous? Les initiatives individuelles sont
toujours bonnes et fondamentales, mais il nous est demandé de faire
un pas de plus, celui de nous résoudre à voir la réalité de façon
organique et non fragmentaire, de nous résoudre à nous poser des
questions qui nous incluent tous, puisque tout est lié... Que
l’Esprit Saint nous inspire et nous accompagne, puisqu'il nous a
convoqués, nous a invités, nous a offert l'opportunité et, à son
tour, la responsabilité de donner le meilleur de nous-mêmes. Il
nous offre la force et la lumière dont nous avons besoin. C'est le
même Esprit qui, le premier jour de la création, planait sur les
eaux, voulant transformer, voulant donner vie. C'est le même Esprit
qui a donné aux disciples la force de Pentecôte. C'est le même
Esprit qui ne nous abandonne pas et se fait un avec nous pour que
nous trouvions des chemins d’une nouvelle vie. Que ce soit lui,
notre maître et compagnon de route!".
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