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jeudi 18 février 2016

Messe devant la frontière du Texas


Cité du Vatican, 17 février 2016 (VIS). Le Saint-Père s'est rendu au parc des expositions de Ciudad Juárez, situé le long de la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, pour y célébrer sa dernière messe en terre mexicaine. A l'homélie, situant son propos dans le cadre de l'Année Sainte, il a évoqué un "temps de conversion, le temps du salut, le temps de la miséricorde. Tous ensemble, face à tant de souffrance disons: Pitié pour moi, Seigneur, dans ton amour, selon ta grande miséricorde. Purifie-nous de nos péchés et crée en nous un cœur pur, un esprit nouveau". Puis il a affirmé, à la suite de saint Irénée, que "la gloire de Dieu est la vie de l’homme. La gloire du Père est la vie de ses enfants. Il n’y a pas de plus grande gloire pour un père que de voir la réussite de ses proches. Il n’y a pas pour lui de plus grande satisfaction que de les voir progresser, de les voir grandir et s’épanouir". Alors que Ninive allait disparaître en s’auto-détruisant par sa violence et son injustice, voilà qu’apparut "le Seigneur, secouant le cœur de Jonas, voilà qu’apparut le Père envoyant son messager. Jonas est convoqué pour recevoir une mission", car dans quarante jours Ninive sera détruite: "Va, aide-les à comprendre qu’avec cette manière de se traiter, de se réguler, de s’organiser, ils ne font que provoquer la mort et la destruction, la souffrance et l’oppression. Montre-leur qu’il n’y a de vie pour personne, ni pour le roi ni pour ses sujets, ni pour les champs ni pour le bétail. Va et annonce qu’ils se sont tellement habitués à la dégradation qu’ils ont perdu la sensibilité face à la douleur. Va et dis-leur que l’injustice s’est installée dans leur regard. C’est pour cela que Jonas part. Dieu l’envoie pour mettre en évidence ce qui se passe, il l’envoie pour réveiller un peuple ivre de lui-même. Dans ce texte nous nous trouvons face au mystère de la miséricorde divine. La miséricorde rejette toujours le mal, en prenant au sérieux l’être humain. Elle s’adresse toujours à la bonté endormie, anesthésiée de chaque personne. Loin d’anéantir comme bien souvent nous souhaitons ou voulons le faire, la miséricorde s’approche de toute situation pour la transformer de l’intérieur. C’est précisément le mystère de la miséricorde divine. Elle s’approche et invite à la conversion, elle invite au repentir. Elle invite à voir le dommage qu’on crée à tous les niveaux. La miséricorde pénètre toujours le mal pour le transformer... La miséricorde de Dieu révèle ce qui est notre certitude et notre espérance: Il y a toujours une possibilité de changement, il est temps de réagir et de transformer, de modifier et de changer, de convertir ce qui nous détruit comme peuple, ce qui nous dégrade comme humanité. La miséricorde nous encourage à regarder le présent et à faire confiance à ce qui bat de sain et de bon dans chaque cœur. La miséricorde de Dieu est notre bouclier et notre force". Comme pour Jonas il faut être capables de pleurer, "de pleurer pour l’injustice, de pleurer pour la dégradation, de pleurer pour l’oppression. Ce sont des larmes qui peuvent ouvrir la voie à la transformation, ce sont les larmes...qui peuvent purifier le regard et aider à voir le cercle du péché dans lequel souvent on est enfermé. Ce sont les larmes qui réussissent à rendre sensible le regard ainsi que l’attitude rigide et surtout d’indifférence face à la souffrance d’autrui. Ce sont les larmes qui peuvent provoquer une rupture capable de nous ouvrir à la conversion. Cette parole résonne avec force aujourd’hui au milieu de nous, cette parole est la voix qui crie dans le désert et nous invite à la conversion. En cette année de la miséricorde, je voudrais avec vous, implorer ici la miséricorde divine, je voudrais demander avec vous le don des larmes, le don de la conversion".

"Ici, à Juárez, comme dans d’autres régions frontalières, se sont concentrés des milliers de migrants centre-américains et mexicains qui cherchent à passer de l’autre côté. C'est un parcours parsemé de terribles dangers, avec des personnes réduites en esclavage, séquestrées, victimes d’extorsion et objets du trafic des êtres humains. On ne peut nier la crise humanitaire qui, ces dernières années, a provoqué la migration de milliers de personnes. Par le rail ou la route, souvent à pied. Elles ont parcouru des centaines de kilomètres, franchi montagnes et déserts, des zones inhospitalières. La tragédie humaine que représente la migration forcée constitue désormais un phénomène global. Si cette crise se mesure en chiffres, nous voulons la mesurer par des noms, des histoires, des familles. Ce sont nos frères et sœurs expulsés par la pauvreté et la violence, par le trafic de drogue et la criminalité organisée. A cause des immenses lacunes du droit, toute une série de pièges s'est mise en place, dont sont toujours victimes les plus pauvres. Non seulement ces personnes souffrent de la pauvreté, mais ils doivent subir ces formes de violence. L'injustice radicalise une jeunesse devenue simple chair à canon. Ainsi les jeunes sont-ils persécutés et menacés lorsqu'ils tentent d'échapper à la spirale de la violence et à l'enfer de la drogue. Et de dire tant de femmes auxquelles la vie a été arrachée!".

"Comme les Ninivites, demandons à Dieu le don de la conversion, le don des larmes, demandons-lui d’avoir le cœur ouvert à son appel à travers le visage souffrant de tant d’hommes et de femmes. Plus de mort ni d’exploitation! Il est toujours temps de changer, il y a toujours une issue et une opportunité, il est toujours temps d’implorer la miséricorde du Père. Comme du temps de Jonas, nous comptons sur la conversion. Des signes deviennent lumière sur le chemin et annoncent le salut. Je connais le travail de nombreuses d’organisations de la société civile en faveur des droits des migrants. Je connais également le travail engagé de tant de religieuses, de religieux et prêtres, de laïcs qui se dévouent dans l’accompagnement et la défense de la vie. Ils sont en première ligne, risquant souvent leur propre vie. Par leurs vies, ils sont des prophètes de la miséricorde, ils sont le cœur compréhensif et les pieds solidaires de l’Eglise qui ouvre ses bras et soutient. Le temps de la conversion, le temps du salut, le temps de la miséricorde est donc arrivé".


Avant de prononcer l'homélie, le Pape François s'est adressé aux fidèles suivant la messe de l'autre côté de la frontière, sur de grands écrans dressés au stade universitaire de El Paso, rappelant qu'aucune frontière ne pourra nous empêcher de partager notre vie de communauté chrétienne, de frères et soeurs. 

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