Cité
du Vatican, 9 juillet 2015 (VIS). Hier, après une halte à
l'archevêché le Saint-Père s'est rendu au palais présidentiel
pour s'entretenir avec le Président Morales. Après les
présentations protocolaires, il a gagné la cathédrale de La Paz,
un imposant monument du milieu du XIX siècle, dans lequel il s'est
adressé aux corps constitués, au corps diplomatique, au monde de la
culture et du volontariat. Après avoir salué l'Archevêque de La
Paz, il a prononcé un discours centré sur la vocation à travailler
pour le bien commun, en faveur d'une écologie intégrale:
"Le
Concile Vatican II a défini le bien commun comme l’ensemble des
conditions de la vie sociale qui permettent aussi bien aux groupes
qu’aux membres individuels d’atteindre leur perfection d’une
façon plus plénière et plus aisée... Je suis sûr de votre
recherche du beau, du vrai, du bien dans cet engagement pour le bien
commun. Que ces efforts aident toujours à croître dans un respect
plus grand envers la personne humaine comme telle, à travers les
droits fondamentaux et inaliénables ordonnés à son développement
intégral, à la paix sociale, c’est-à-dire à la stabilité et à
la sécurité d’un certain ordre, qui ne se réalise pas sans une
attention particulière à la justice distributive. Sur la route vers
la cathédrale j’ai pu admirer les sommets du Hayna Potosí et de
l’Illimani, de cette jeune montagne et de celle qui indique le lieu
d’où surgit le soleil. J’ai aussi vu comment de manière
artisanale beaucoup de maisons et de quartiers se confondent avec les
flancs de la montagne et j’ai admiré certaines œuvres de votre
architecture. Le milieu naturel et le milieu social, politique et
économique sont étroitement liés. Il est urgent que nous posions
les bases d’une écologie intégrale, qui comprenne clairement
toutes les dimensions humaines dans la résolution des graves
problèmes socio-environnementaux de nos jours… autrement les
glaciers de ces montagnes continueront à reculer… et la logique de
la réception, la conscience du monde que nous voulons laisser à qui
viendra après nous, son orientation générale, sa signification, et
ses valeurs elles aussi fondront comme ces glaciers".
"Puisque
tout est lié, nous avons besoin les uns des autres. Si la politique
se laisse dominer par la spéculation financière ou si l’économie
s’aligne seulement sur le paradigme technocratique et utilitariste
de la production maximale, on ne pourra pas même pas comprendre, et
encore moins résoudre les grands problèmes qui affligent
l’humanité. La culture aussi est nécessaire, dont font partie non
seulement le développement de la capacité intellectuelle de l’homme
dans les sciences et le développement de la capacité de générer
de la beauté dans les arts, mais aussi les traditions populaires
locales, avec leur sensibilité particulière à l’environnement
dont elles sont issues et auquel elles donnent sens. De la même
façon, il faut une éducation éthique et morale qui cultive des
attitudes de solidarité et de responsabilité entre les personnes.
Nous devons reconnaître le rôle spécifique des religions dans le
développement de la culture et les bienfaits qu’elles peuvent
apporter à la société. Les chrétiens, en particulier, comme
disciples de la Bonne Nouvelle, sont porteurs d’un message de salut
qui a en lui-même la capacité d’ennoblir les personnes,
d’inspirer de grands idéaux capables de donner de l’impulsion à
des lignes d’action qui vont au-delà de l’intérêt individuel,
permettant la capacité de renoncement en faveur d’autrui, la
sobriété et les autres vertus qui nous soutiennent et nous
unissent. Nous nous habituons si facilement à l’environnement de
l’injustice qui nous entoure, que nous sommes devenus insensibles à
ses manifestations. Et nous confondons ainsi, sans nous en
apercevoir, le bien commun avec le bien-être, spécialement quand
c’est nous qui en jouissons. Le bien-être qui fait référence
seulement à l’abondance matérielle tend à être égoïste, à
défendre les intérêts de parties, à ne pas penser aux autres, et
à se laisser porter par la tentation du consumérisme. Ainsi
compris, le bien-être, au lieu d’aider, fait le nid de conflits
possibles et de désagrégation sociale. S’affirmant comme
perspective dominante, il engendre le mal de la corruption, qui
décourage autant qu’il fait de mal. Le bien commun, au contraire,
est supérieur à la somme des intérêts particuliers. C’est un
passage de ce qui est meilleur pour moi à ce qui est meilleur pour
tous, et il comprend tout ce qui donne cohésion à un peuple: Des
objectifs communs, valeurs partagées, idéaux qui aident à élever
le regard au-delà d’horizons individuels".
"Les
différents acteurs sociaux ont la responsabilité de contribuer à
la construction de l’unité et du développement de la société.
La liberté est toujours le meilleur contexte pour que les penseurs,
les associations citoyennes, les moyens de communication remplissent
leur fonction, avec passion et créativité, au service du bien
commun. Les chrétiens aussi, appelés à être levain au milieu du
peuple, apportent leur propre message à la société. La lumière de
l’Evangile n’est pas la propriété de l’Eglise. Celle-ci en
est plutôt la servante, afin que cette lumière atteigne les confins
du monde. La foi est une lumière qui n’éblouit pas, n’obnubile
pas, mais éclaire et guide avec respect la conscience et l’histoire
de chaque personne et de chaque société humaine. Le christianisme a
rempli un rôle important dans la formation de l’identité du
peuple bolivien. La liberté religieuse, telle qu’habituellement
cette expression est entendue dans le droit civil, nous rappelle
aussi que la foi ne peut être réduite à la sphère purement
subjective. Ce sera pour nous un défi d’encourager et de
promouvoir l’épanouissement de la spiritualité et de l’engagement
chrétien en œuvres sociales. Parmi les différents acteurs sociaux,
je voudrais mettre en exergue la famille, menacée de toutes parts
par la violence domestique, l’alcoolisme, le machisme, la
toxicomanie, le manque de travail, l’insécurité civile, l’abandon
des personnes âgées, les enfants de la rue et recevant de
pseudo-solutions à partir de perspectives qui mettent en lumière
une claire colonisation idéologique… Ils sont si nombreux les
problèmes sociaux que la famille résout en silence, que ne pas la
promouvoir signifie laisser les plus vulnérables sans protection.
Une nation qui cherche le bien commun ne peut se replier sur
elle-même, car ce sont les réseaux de relations qui consolident les
sociétés. Le problème de l’immigration de nos jours nous le
démontre. Le développement de la diplomatie avec les pays voisins,
dans le but d’éviter des conflits entre des peuples frères et de
contribuer à un dialogue franc et ouvert sur les problèmes est
aujourd’hui indispensable. Il faut construire des ponts plutôt
qu’ériger des murs. Tous les thèmes, aussi épineux soient-ils,
ont des solutions communes, raisonnables, équitables et durables.
Et, dans chaque cas, ils ne doivent jamais être des motifs
d’agressivité, de rancœur ou d’inimitié qui aggravent encore
plus la situation et en rendent plus difficile la résolution".
"La
Bolivie vit un moment historique: La politique, le monde de la
culture, les religions font partie de ce beau défi de l’unité.
Dans cette terre où l’exploitation, l’avidité, les multiples
égoïsmes et les perspectives sectaires ont jeté des pans
d’obscurité sur son histoire, aujourd’hui ce peut être le temps
de l’intégration. Aujourd’hui, la Bolivie peut créer de
nouvelles synthèses culturelles. Comme ils sont beaux les pays qui
dépassent la méfiance malsaine et intègrent ceux qui sont
différents, faisant de cette intégration un nouveau facteur de
développement! Que c’est beau quand il y a plein d’espaces qui
regroupent, mettent en relation, favorisent la reconnaissance de
l’autre. Dans l’intégration et dans sa recherche d’unité, la
Bolivie est appelée à être cette harmonie multiforme qui attire.
Merci beaucoup de votre attention. Je demande au Seigneur que la
Bolivie, cette terre innocente et belle, continue à progresser
toujours plus pour être la patrie heureuse où l’homme expérimente
le bien du bonheur et de la paix. Que la Vierge sainte vous protège
et que le Seigneur vous bénisse en abondance. N’oubliez pas de
prier pour moi, parce que j’en ai besoin".
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